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Le chômage augmente aux Etats-Unis. Et voilà pourquoi pour la première fois depuis longtemps, c’est une bonne nouvelle
©JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Make Unemployment Great Again

Alors que l'économie américaine était parvenue à faire baisser le taux de chômage à son plus bas niveau depuis plus d'une décennie, et serait en passe d'atteindre son plus bas niveau depuis 50 ans, ce taux s'est relevé de 3.8 à 4.0% au cours de ce dernier mois. Une situation que le Washington Post a pourtant qualifié de bonne nouvelle. Comment expliquer cette perception ?

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Alors que l'économie américaine était parvenue à faire baisser le taux de chômage à son plus bas niveau depuis plus d'une décennie, et serait en passe d'atteindre son plus bas niveau depuis 50 ans, ce taux s'est relevé de 3.8 à 4.0% au cours de ce dernier mois. Une situation que le Washington Post a pourtant qualifié de bonne nouvelle. Comment expliquer cette perception ?

Nicolas Goetzmann :Le taux de chômage est mesuré par rapport à la population active, et non par rapport à la population en âge de travailler. Or, les Etats-Unis souffrent d'une réel problème ; de nombreuses personnes sont découragées par le marché de l'emploi et ne pensent pas pouvoir y trouver leur place, et ces personnes sont absentes des chiffres de la population active.
Mais ce que l'on constate dans les derniers chiffres publiés par le BLS (Bureau Of Labour statistics), c'est une hausse du taux de chômage de 3.8 à 4.00% alors même que le nombre de personnes en emploi a progressé de 213 000 personnes, ce qu'il est difficile de considérer comme une mauvaise nouvelle. Et cette hausse de l'emploi s'est accompagnée d'une hausse de la population active de 601 000 personnes, ce qui signifie qu'une partie des "décrocheurs" est en train de réintégrer les statistiques de la population active. Ce qui se vérifie en constatant un taux de participation au marché de l'emploi en progression de 0.2 point à 62.9%. Ces chiffres ne sont pas encore suffisants pour traduire une réelle aspiration de ces personnes dans le marché de l'emploi, puisque aucune tendance n'est encore claire à ce titre, mais ils peuvent néanmoins être vus positivement dans ce contexte. De plus, la pression existante sur le marché de l'emploi produit enfin des effets sur les salaires, ceux-ci ont progressé de 2.7% au cours de la dernière année. Enfin, le BLS a également publié le nombre d'offres d'emplois disponibles sur le marché, soit 6.6 millions d'emplois, pour un nombre de 6.6 millions de chômeurs dans le pays. Le dynamisme et la fluidité du marché de l'emploi américain se reflète également au travers des chiffres des embauches au cours du derniers mois (5.8 millions) et des "séparations" (soit 5.5 millions qui regroupent les démissions et licenciements).
Ainsi, ce que l'on peut constater, c'est que le dynamisme actuel de l'économie américaine permet une poursuite de la hausse du nombre d'emplois, et une hausse consécutive de la population active qui attire de plus en plus de travailleurs anciennement découragés. C'est ce qui explique ces chiffres apparemment contradictoires. 

Comment comparer cette situation avec le cas français, qui montre également des variations parfois contradictoires du taux de chômage ? 

Au premier trimestre 2018, on a pu constater une hausse de 0.2 point du taux de chômage en France, selon les chiffres de l'INSEE, et ce, après une baisse de 0.7 point lors du trimestre précédent. Mais de la même façon qu'aux Etats-Unis, cette hausse du chômage s'est accompagnée d'une hausse de la population active de 0.2 point, à 72.2%, soit son plus haut niveau depuis 1975. Si des effets de structure d'âge expliquent une hausse de ce chiffre, il est également possible de considérer que des personnes qui n'étaient plus comptabilisées dans les chiffres de l'emploi sont aujourd'hui de retour dans les statistiques. Cela peut être vu positivement dans le sens ou l'amélioration perçue du marché de l'emploi attire à nouveau des personnes qui ne croyaient plus pouvoir s'y insérer. Si la France est encore très loin du résultat des Etats-Unis, et si le dynamisme du marché français est encore très fragile, on peut tout de même constater cette amélioration qui est principalement le fruit de la politique – encore trop timide- menée par la Banque centrale européenne.

Quels sont les moyens d'identifier plus clairement les évolutions de l'emploi ? 

Les chiffre les plus importants sont les créations et le nombre total d'emplois. Puisque le taux de chômage intègre des données qui sont elles mêmes sujettes à fluctuations, comme la population active, il est possible de lire négativement une livrée pourtant positive dans sa dynamique et sa tendance. Évidemment, le taux de chômage doit quand même baisser en dernier lieu, mais cette baisse ne doit surtout pas être le résultat d'une baisse de la population active, ce qui pourrait signaler que le nombre de personnes qui décrochent du marché de l'emploi serait en hausse. Il faut donc s'appuyer sur une batterie d'indicateurs différents, des créations d'emplois aux chiffres de la hausses des salaires. Ce dernier est particulièrement intéressant parce que l'on peut considérer que les entreprises vont user au maximum de leur pouvoir de négociation pour conserver leurs marges, et que ces hausses n'interviendront qu'en dernier ressort, lorsque les alternatives sur le marché de l'emploi viennent à manquer. Et c’est ce que l'on commence à constater aux Etats-Unis, une pression à la hausse sur les salaires (encore inférieure aux niveaux constatés avant crise, ce qui montre qu'une marge de progression est encore possible) qui intervient à un moment ou la population active progresse elle aussi.  

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