Le chat est-il plus intelligent qu’un chien ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un chien tenu en laisse regarde un chat dans une rue de la capitale marocaine Rabat, le 25 juin 2020.
Un chien tenu en laisse regarde un chat dans une rue de la capitale marocaine Rabat, le 25 juin 2020.
©FADEL SENNA / AFP

Bonnes feuilles

Jessica Serra a publié « Dans la tête d’un chat » aux éditions HumenSciences. La personnalité unique du chat et ses sens exceptionnels lui permettent d'appréhender une réalité invisible à nos yeux, son intelligence et ses émotions font de lui un être à part. Jessica Serra décrypte la manière dont les chats apprennent, perçoivent le temps ou apprécient un certain type de musique. Extrait 2/2.

Jessica Serra

Titulaire d’un doctorat en éthologie, Jessica Serra est spécialiste de l’étude du comportement des mammifères. Elle s’est spécialisée dans l’étude de la cognition animale et a travaillé en tant que chercheuse pendant plus de 15 ans. Elle est l’auteure de plusieurs essais scientifiques dont « Dans la tête d’un chat », « La bête en nous » ainsi que d’autres ouvrages de vulgarisation scientifique. Elle dirige la collection d’essais scientifiques « Mondes Animaux » qui regroupe des chercheurs en éthologie et propose à travers des livres accessibles au grand public de nous projeter dans les univers sensoriels et cognitifs des non-humains en évitant l’écueil de l’anthropomorphisme : « Et si, au lieu de regarder les animaux avec nos yeux, nous les regardions avec les leurs ? ».” Retrouvez son site internet : www.jessica-serra.com

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Nous avons aujourd’hui la certitude que les chats ont des facultés mentales élaborées. Une des questions récurrentes que l’on me pose est de savoir si les chats sont plus intelligents que les chiens. J’ai l’habitude de répondre qu’il nous faut garder la plus grande prudence lorsque l’on compare les capacités cognitives de deux espèces différentes. C’est aussi la raison pour laquelle les éthologues proposent des exercices cognitifs adaptés à l’espèce considérée. La psychologie comparative s’est longtemps évertuée à concevoir des tests comportementaux qui permettraient de hiérarchiser les capacités d’apprentissage en fonction de leur position taxinomique (ou classement en biologie du vivant). C’est ainsi que Skard (1950) compara les vitesses d’acquisition entre l’Homme et le rat pour se repérer dans un labyrinthe. Il ne trouva aucune différence… Ces échecs dans ce type de comparaisons résident dans les procédures d’apprentissage identiques appliquées à des espèces différentes. Or les sensorialités, les capacités motrices et les motivations varient suivant les espèces. Un test qui fonctionne avec une espèce peut ne pas fonctionner avec une autre, tout comme des tests peuvent sembler fonctionner avec une multitude d’espèces, mais ne pas être discriminants. De plus, lorsque l’on s’intéresse à l’intelligence animale, il est nécessaire de la considérer sous un prisme global et non sous certains de ses aspects seulement. En d’autres termes, si l’on se focalise sur la mémoire à court terme, moins développée chez le chat que chez le chien, on pourrait en déduire hâtivement que le chien est plus intelligent que le chat. Mais si l’on s’intéresse à leurs facultés d’adaptation, le chat saura retourner plus facilement à la vie sauvage tandis que le chien en sera très souvent incapable. Ainsi, comparer l’intelligence de deux espèces différentes est une tâche compliquée, de même que tenter de hiérarchiser les capacités intellectuelles au sein du règne animal. Néanmoins, différentes théories ont vu le jour pour essayer de faire le lien entre les dimensions du cerveau et l’intelligence. Le neurologue américain Harry J. Jerison inventa ainsi une règle de proportionnalité entre la taille de l’encéphale et les fonctions potentiellement exécutées. Le poids du cerveau est généralement proportionnel au poids du corps, non parce que les grands animaux ont plus de muscles nécessitant un plus gros centre de traitement pour les coordonner, mais parce que, ayant un volume plus grand, leur surface (la peau) doit gérer plus de signaux sensoriels. Ainsi, raisonner uniquement sur la taille du cerveau pour évaluer l’intelligence n’a pas de sens. Mais se questionner sur le ratio entre le poids du cerveau et celui du corps est une approche plus constructive. C’est à partir de cette idée que fut créé le « quotient d’encéphalisation ». Il permet d’évaluer la taille du cerveau par rapport à celle du corps. À titre indicatif, la moyenne du quotient d’encéphalisation est de 1 pour les mammifères. Chez le chien, il est de 1,2, tandis que le chat obtient une moyenne plus modeste de 1. Toutefois, cette règle présente d’importantes limites. Un être humain obèse verra son quotient d’encéphalisation varier s’il perd du poids ; or, perdre du poids ne signifie pas gagner en intelligence… Plus récemment, une autre mesure fut inventée par une neuroscientifique brésilienne du nom de Suzana Herculano- Houzel. Elle rapporte : « Je crois que la valeur absolue de neurones qu’un animal possède, particulièrement dans le cortex cérébral, détermine la richesse de son état mental interne et sa capacité à prévoir ce qui va se produire dans son environnement, basée sur son expérience passée. » Cette chercheuse inventa une nouvelle technique de comptage de la matière grise. Elle liquéfia les cerveaux de plusieurs animaux et estima le nombre de neurones dans le cortex d’un chat à 250 millions, contre 530 millions chez les chiens. Cela laisse à penser que les chiens seraient mieux équipés au niveau cérébral que les chats et donc, théoriquement, plus intelligents. Mais si cette mesure s’avère plus fiable que les autres, le nombre de neurones n’est pas le seul critère à prendre en compte. Les connexions neuronales et les cellules gliales (qui soutiennent et alimentent les neurones) jouent, elles aussi, un rôle considérable. Ainsi, bien que ces travaux récents arguent en faveur d’une intelligence plus importante du chien par rapport au chat, il nous reste encore beaucoup à apprendre. Nous ne disposons que de très peu d’études comparativement au chien. In fi ne, on retiendra que chats et chiens sont intelligents chacun à leur manière. Une dernière question reste sur le bout des lèvres : certains chats sont- ils plus intelligents que d’autres ? Tout comme chaque animal a sa propre personnalité, pour un exercice cognitif donné, tous les chats ne possèdent pas les mêmes aptitudes. Les gènes, les conditions dans lesquelles il vit, l’âge et l’expérience personnelle sont autant de facteurs pouvant influencer les capacités mentales. Certains de nos félins sortiront du lot tant leurs capacités d’apprentissage nous surprendront, tandis que d’autres nous épateront peut- être un peu moins…

Extrait du livre de Jessica Serra, « Dans la tête d’un chat », publié aux éditions HumenSciences

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