Le cerveau est le premier organe sexuel mais la science n’en a pas percé tous les secrets<!-- --> | Atlantico.fr
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Le cerveau est le premier organe sexuel mais il a encore des secrets.
Le cerveau est le premier organe sexuel mais il a encore des secrets.
©Reuters

Boostez votre cerveau

Grâce aux progrès de l'imagerie cérébrale, les scientifiques peuvent isoler les parties du cerveau stimulées lors de nos rapports sexuels. Même si cette avancée ne réglera pas tous les problèmes de pannes, elle confirme que le cerveau est bien le premier et le plus important de nos organes sexuels. Essayer de le comprendre et apprendre à le stimuler est aussi important que la stimulation physique.

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Atlantico : Des recherches scientifiques mettent en avant le rôle principal du cerveau lors des rapports sexuels. Quelle est la place réelle du cerveau par rapport aux organes sexuels ?

Michelle Boiron : L’imagerie cérébrale nous permet d’avoir aujourd’hui une représentation visuelle des zones concernées par l’orgasme au cours de nos rapports sexuels dans notre cerveau !

Notons tout de suite que cette nouvelle connaissance ne nous est d’aucun secours au moment où la  sexualité est en panne ou se grippe! En outre, cette connaissance risque de nous entretenir dans le leurre d’une mécanisation de la sexualité : nous comptons sur cet éclairage pour trouver la zone à stimuler dans le cerveau comme on l’a fait dans le corps par le point G, alors que précisément la sexualité, même mise à nue par l’imagerie cérébrale, ne dévoile pas tout. Il reste la magie de l’amour que nous n’avions encore pas si longtemps placé dans le cœur et non dans le cerveau! 

Pour être plus sérieux, il faut reconnaître que le cerveau est le premier organe sexuel qui met en relation les différentes zones entre elles, qui fait se connecter les neurones entre eux. C’est un chef d’orchestre qui peut tout. Le cerveau peut nous faire penser à quelqu’un, fantasmer une scène, décider de séduire quelqu’un ; il peut nous décider de faire l’amour...ou pas… Il contrôle la stimulation, l’excitation sexuelle et aussi l’éjaculation chez l’homme, la durée du rapport. Chez la femme le cerveau contrôle l’orgasme et le lâcher-prise si difficile pour beaucoup. Ainsi le cerveau met en lien nos sens avec le corps pour créer un équilibre dynamique. La réalité corporelle vient alors « illustrer » ce que nous dit le cerveau en tenant compte de l’histoire de chacun des émotions positives ou défensives vécues, qu’elles soient enfouies ou superficielles. Le cerveau garde les traces de toutes nos expériences au niveau sensoriel depuis la petite enfance et tricote ainsi notre sexualité d’adulte. Ainsi l’imagerie cérébrale doit être considérée comme une formidable avancée qui va nous permettre d’avancer sur les pathologies sexuelles.

Quelles parties spécifiques du cerveau sont stimulées et interviennent lors de rapports sexuels ?

La liste est longue des zones concernées dans le cerveau au moment du rapport sexuel et selon les phases de ce rapport. Pendant la phase dite d’excitation, on constate d’après Pierre Desvaux l’activation de l’amygdale, l’hypothalamus, le cortex cingulaire, les ganglions de la base et l’insula. En plus de ces zones cérébrales qui s’activent pendant l’excitation,  le cervelet joue un rôle important : il régirait la coordination des mouvements pendant l’acte sexuel. Les zones liées au plaisir pur sont renforcés par l’insula et le noyau accumbens. Ce sont des zones concernées par les sentiments.

On peut noter le rapport  établi entre l’orgasme féminin et la libération de l’ocytocine via l’activation du noyau para-ventriculaire qui viendrait valider le rapport entre l’attachement et la passion amoureuse chez la femme. Il est permis de penser qu’il existe chez la femme une corrélation entre émotions et intensité de l’orgasme. a été démontré

Chez l’homme, l’impact des stimulis visuels sur les connections neuronales  a été démontré. On peut voir que l’éjaculation active plusieurs zones dont les noyaux thalamiques et les zones du cortex préfontal droit. Les zones concernées par l’orgasme ne sont pas les mêmes chez l’homme et la femme. Leurs réponses sexuelles différent aussi selon les circonstances dans lesquelles se déroule l’acte, les affects en jeu, l’implication émotionnelle et où l’excitation va puiser sa source. La complexité de la sexualité, de l’acte sexuel, et la libération des mœurs place la sexualité au cœur de nos préoccupations. L’imagerie cérébrale nous donne à voir une belle cartographie des zones concernées par l’orgasme mais la « carte de France » découverte dans le lit des jeunes adolescents, il n’y a pas si longtemps, n’était-elle pas un formidable outil pour voir si « tout » fonctionnait » bien et rassurait les parents sur la sexualité de leur progéniture mâle (même si elle pouvait en choquer certains) !

Au vue de l’importance du cerveau, comment le stimuler plus particulièrement ? Certains préconisent l’utilisation du "dirty talk" (le parler cru avant ou pendant) pour augmenter la stimulation du cerveau par la suggestion qui pourrait être plus puissant que l’acte lui-même, qu’en pensez-vous ?

Les progrès de l’imagerie sont telles qu’on a aujourd’hui la possibilité de voir le cerveau fonctionner pendant un rapport sexuel  ( de la pénétration à la masturbation…) et ainsi voir la cartographie du cerveau et des zones qui s’activent pendant que d’autres  se désactivent. Les zones  qui conduisent à l’excitation ne sont pas les mêmes zones que celles qui conduisent à l’orgasme. Le cerveau limbique nommé aussi cerveau des émotions est particulièrement impliqué dans la phase d’excitation. Quand l’orgasme se produit c’est l’ensemble des zones cérébrales qui activent les circuits neuronaux.

Un véritable feu d’artifice enflamme le cerveau par les zones concernées par le désir, l’excitation, l’orgasme proprement dit. Apparait ensuite le plaisir, l’apaisement par les circuits de la récompense.  On l’aura compris, les zones concernées dans le cerveau sont multiples amygdale, cortex, hypothalamus, cervelet… La liste est longue mais qu’en fait-on ? Cette connaissance approfondie des réactions du cerveau nous éloignent d’une sexualité instinctive émotionnelle en lien avec l’autre pour dresser une cartographie qui ne  fait pas jouir plus et semble plutôt isoler des motivations profondes.

L’homme a toujours su instinctivement comment se connecter avec son désir  selon le système de valeurs et de croyances de la société dans laquelle il évolue. Le sujet humain est d’abord un être de culture et son comportement sexuel en témoigne selon la tendance « sexuellement correcte ». Pour accomplir un acte sexuel, il y a tout d’abord le désir via le plaisir et comment se le procurer par les circuits de l’excitation, seul ou en lien avec l’autre? Aujourd’hui, il n’est plus question seulement d’assouvir un besoin physiologique, d’obéir à un instinct (comme celui de la reproduction). L’homme aujourd’hui s’est détaché du besoin et de l’instinct par la conscience du plaisir et recherche toutes les voies du mieux jouir. Il recherche donc l’excitation et utilise les moyens nombreux que lui offre aujourd’hui notre société. Alors le « dirty talk ». Pourquoi pas ? L’excitation se nourrit aussi de transgression et de dégoût. La voix a son importance au même titre que le regard, l’odeur. Chacun trouvera les voies de son plaisir, souvent liées à son expérience de vie.

Néanmoins l’acte sexuel est la rencontre de deux êtres, de deux corps, que certes le cerveau encode et décrypte mais cela passe d’abord par une incroyable alchimie des corps, alors qu’aujourd’hui on prône plutôt une obligation de résultat et de performance. Ce n’est ni une équation mathématique, ni une recette de cuisine. L’IRM nous dévoile des particules de fonctionnement du cerveau mais l’intensité d’un orgasme même repéré dans la machine ne nous donne pas accès à la complexité de la sexualité qui ne peut se réduite à une image aussi colorée soit-elle ! Le cerveau, le corps et les émotions doivent être en relation fluide pour que l’acte sexuel soit un accomplissement.

Est-ce que les différences entre le cerveau d’un homme et d’une femme jouent sur la simulation sexuelle ? Si oui comment ? 

En matière de sexualité, l’homme est plus direct ; il pense sexe et a besoin d’assurer son érection. L’excitation pour lui est capitale et il a toujours été très  « visuel ». Son rôle de « pénétrant » exige de lui qu’il soit actif.  La femme est plus sensible au contexte, à l’atmosphère et à la relation qui se créer.  La femme a besoin d’être sûre d’être désirée ; elle doit être réceptive puisque « pénétrée » même si pendant l’acte sexuel, elle peut être très active surtout si elle est dans un contexte émotionnel porteur de lâcher-prise.

Les mouvements féministes et ceux qui prônent l’égalité des sexes ont conduit les comportements sexuels à évoluer, ce qui entraine des modifications dans les comportements sexuels. Les stimulations sexuelles semblent aussi évoluer. Certaines études nous montrent que 75% des hommes et 41% des femmes auraient téléchargé des contenus pornographiques. Même si ceux qui utilisent ces contenus voient augmenter la fréquence de leur rapports sexuels, il n’en demeure pas moins que pour certains cela peut avoir des effets inverses. C’est le changement de société qui est en train de modifier nos comportements sexuels. La femme revendique aujourd’hui en miroir avec la performance de l’homme, une réussite sexuelle basée sur une revendication de l’orgasme. On ne passe pas impunément de « faire semblant » à une exigence de résultat. Le modèle du porno incite certaines femmes à en singer les codes.

A côté de ce nouveau modèle de femmes qui assument librement leur sexualité, subsistent encore des femmes qui se plient à ce qu’on appelait le devoir conjugal ! De la même façon qu’à  côté de ces hommes performants ; certains autres , pour éviter le rapport sexuel, ont mal à la tête et parfois même au ventre…

Dans leur différence, y compris dans le cerveau,  l’homme et la femme doivent trouver, inventer au sein de chaque relation sexuelle la stimulation qui leur ressemble et qui les conduit au plaisir. Chacun a des préférences érotiques, des fantasmes différents, des représentations de la sexualité différentes, des émotions différentes, des aspirations, un rythme différents.

La femme rêve de continuité et l’homme de discontinuité ce qui, indépendamment des zones impliquées dans la relation sexuelle dans leur cerveau, nous renseigne sur leurs différences qui se voient ou se cachent et dont l’imagerie cérébrale ne nous donnent pas toutes les clés.

L’imagerie cérébrale est un formidable outil pour voir la cartographie de certains dysfonctionnements sexuels et trouver des solutions. Il n’y a pas si longtemps, on ne pouvait constater les dysfonctionnements sexuels que sur le corps alors qu’aujourd’hui on peut grâce à l’IRM visualiser la cartographie de l’acte sexuel !

Le comportement sexuel a évolué au fur et à mesure de l’évolution des cultures car l’acte sexuel, s’il trouve sa source dans l’instinct de reproduction, est également lié intimement à une culture et à son évolution. Le passage d’une logique de reproduction à un comportement érotique, de droit à la  jouissance, entraîne nécessairement des modifications sensibles dans les différences homme/ femme.

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