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Le bras de fer sur la loi El Khomri déboussole les partis politiques, mais oblige aussi les syndicats à se remettre en cause
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Atlantico Business

Il n’y a pas que les politiques qui jouent gros dans cette négociation. Les syndicats aussi jouent leur avenir, leur fonction et leur assise.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Qu'elle passe ou pas, cette loi de réforme du droit du travai est en train de tout remettre en cause. Le rôle des politiques comme celui des syndicats.

D’abord, cette loi El Khomri a fait office d’un redoutable révélateur de l'inadaptation des politiques à appréhender la situation économique dans le monde tel qu’il est bouleversé par l'ouverture des frontières, l’arrivée des émergents et surtout l'impact de la révolution digitale.

On a bien vu que cette loi a fracturé le Parti socialiste, la gauche dans son ensemble et pour finir le personnel gouvernemental.

Ce projet de loi a séparé sur la gauche ceux qui protègent les avantages acquis, qui ont peur que la modernité économique remette en cause des positions et ceux qui recherche des solutions nouvelles d'organisation pour redynamiser le système économique.

Les premiers défendent une certaine morale politique forgée depuis un demi-siècle par les luttes sociales, et ce faisant défendent le travail de ceux qui en ont un, à commencer d’ailleurs par des salaries de la fonction publique. La garantie de l'emploi chez les fonctionnaires s'avère, pour cette gauche-là, l'alpha et l'oméga du progrès social et toutes leurs actions consistent à faire profiter au secteur privé d'un statut approchant.

Les deuxièmes prennent en compte l'ampleur du chômage, ils se préoccupent donc de tout faire pour libérer le marché du travail, considérant que la pire des injustices est de ne pas pouvoir travailler, la pire des inégalités entre ceux qui sont intégrés et ceux qui ne le sont pas. Ils revendiquent donc tous les outils possibles pour profiter des mutations. La concurrence internationale, la mondialisation, l’existence de l’Union européenne, le progrès technologique commandent de nouvelles organisations, de nouvelles procédures, de nouvelles flexibilités. L'ensemble de ces mutations remettent en cause des pans entiers du Code du travail : les horaires, les durées, et même lanature même du salariat dont on voit bien qu’il peut être complété par des contrats de prestations. L’ubérisation, ça existe, les auto-entrepreneurs aussi.

La gauche n’a jamais beaucoup travaillé sur ces mutations. Elle s’est contentée de protéger les principes et les valeurs d’origine. Du coup, les jeunes du Parti socialiste sont obligés de faire cavaliers seuls sur une ligne innovante.

Mais cette fracture au Parti socialiste entre ceux qui sont taxés d’archaïsme et qui ne veulent pas bouger, et ceux qui se présentent comme plus modernes n'est pas nouvelle.

La Parti socialiste a toujours connu ce fossé entre les anciens et les modernes. Les dirigeants ont toujours joué l'unité pour des raisons électorales mais en dissimulant les différences. François Mitterrand a connu de tels mouvements, il a sauvé ses mandats en éliminant Michel Rocard. François Hollande ne fait pas autre chose avec Manuel Valls, sauf qu’aujourd’hui, il est poussé par la réalité économique. La fameuse pression des marchés, qui n’est rien d’autre que la prise ne compte des facteurs de dynamisme pour créer de la richesse et de la croissance.

La France gouvernée par une gauche conservatrice est la dernière de la classe ? Sa croissance est nulle ou presque, son chômage exorbitant. Pour amortir un tel coma, la France s’endette et vit à crédit. Ça ne durera pas.

La loi EKhomri qui aurait pu s'appeler loi Macron ou loi Valls symbolise la nécessité de mettre en place les structures capables de s’adapter.

Mais si la gauche au pouvoir est fracassée entre ses principes et la réalité, la droite n’est pas dans une situation plus confortable. Globalement, elle est évidemment favorable à des reformes de flexibilité, de prise en compte de la concurrence, des innovations, mais il faut reconnaître qu’elle n’a jamais été très courageuse devant le risque de grogne sociale. Elle a essayé, mais elle a aussi beaucoup reculé.

Pourquoi ? Parce que la droite aussi est coupée en deux.

D’un côté, des conservateurs, souvent souverainistes, qui craignent l'ouverture internationale, la concurrence mondiale, le marché unique et qui essaient de protéger les valeurs traditionnelles dont le modèle social. De l’autre côté, des progressistes libéraux sur le plan sociétal comme sur le plan économique.

La loi EKhomri est donc défendue par la droite mais sans enthousiasme.

Ce qui est explosif dans la situation actuelle, c’est que le monde politique n’est pas le seul à trembler face à la loi El Khomri, le monde syndical est lui aussi coupé en deux.

D'un côté, des syndicats réformistes qui plaident pour une organisation de l'entreprise plus dynamique, plus perméable aux priorités économiques, plus flexible aussi dans la gestion des emplois. Des syndicats qui considèrent que les salariés qui ont un emploi sont les vrais privilégiés du système et qu’il faut s’occuper avant tout de tous ceux qui sont au chômage. Ces syndicats ont porté la loi El Khomri, mais demandent seulement des aménagements. La CFDT dirigée par Laurent Berger conduit le mouvement. Mais ce n'est pas nouveau. C’est dans son ADN que de prendre en compte la réalité de l'économie et disons que, depuis Nicole Notat, la CFDT a assez bien réussi ses implantations dans les entreprises privées. De l'autre côté, il existe toute une pléiade de syndicats qui refusent tout en bloc, qui protègent le Code du travail comme la Bible, et qui veulent même que le Premier ministre trébuche et s'en aille. La CGT et FO ne veulent pas de cette modernité-là. Leur modèle, c’est la fonction publique.

Ces syndicats très radicaux ne veulent aucune des dispositions, et surtout pas celles qui consisteraient à rapprocher le dialogue sociaau plus près de l'entreprise. In’est même pas évident que la CGT et FO défendraient l'idée d’un syndicalisme obligatoire mais libre pour les salariés d'adhérer à celui qui leur conviendrait le mieux, moyennant un chèque syndicaqui leur serait fourni par l’entreprise.

Dernière initiative de ces syndicats "jusqu'au-boutistes", organiser des manifestations de rue auxquelles ils espèrent l'adhésion massive des étudiants. On est de plus en plus loin du Code de travail. 

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