La Russie avance dans le Donbass. Mais qui gagnera vraiment la guerre ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des soldats russes marchent dans une rue de Mariupol, le 12 avril 2022
Des soldats russes marchent dans une rue de Mariupol, le 12 avril 2022
©ALEXANDER NEMENOV / AFP

Avancée russe

Depuis plusieurs jours, l'armée russe et les séparatistes semblent avancer dans l'Est de l'Ukraine et menacent désormais d'encercler Severodonetsk et Lyssytchansk

Jérôme Pellistrandi

Jérôme Pellistrandi

Le Général Jérôme Pellistrandi est Rédacteur en chef de la Revue Défense nationale.

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La Russie semble avancer dans le Donbass depuis plusieurs jours. Que sait-on de la progression réelle de l’armée russe ? 

Jérôme Pellistrandi : Il est possible d’affirmer que les forces russes progressent dans le Donbass mais leur rythme reste très lent. Les combats se concentrent autour de la ville de Severodonetsk, ce qui est à l’heure actuelle l’objectif principal des Russes. Ils y ont concentré des forces très importantes et s’efforcent d’encercler l’agglomération avant de la saisir. Une fois cela fait, ils pourraient affirmer qu’ils contrôlent désormais la totalité du l’Oblast de Louhansk, ce qui était l’un des objectifs affichés par Vladimir Poutine il y a quelques mois. 

A quel point leur progression dans le Donbass est-elle coûteuse sur le plan humain et matériel ? 

Les Russes mettent un coup de collier avec des bombardements massifs car ils ont impérativement besoin de cette victoire avant d’ouvrir de potentiels pourparlers. Les pertes sont très fortes, des deux côtés. C’est la raison pour laquelle le commandement ukrainien souhaite se retirer, pour éviter un second Marioupol et que les troupes ukrainiennes encerclées ne se rendent aux forces russes.

Si les Russes réussissent à occuper le territoire, cela veut-il dire pour autant qu’ils seront en capacité de l’administrer dans le futur ? 

On voit déjà que la ville de Severodonetsk est rasée à 75% et il ne resterait plus que 15 000 habitants. Ce qui reste n’a plus de « grande valeur » et les autorités ukrainiennes ont bien conscience qu’ils auront beaucoup de mal à récupérer par la force cette partie du Donbass. La question principale reste de savoir si les Russes veulent poursuivre cette opération et se saisir de la ville de Kramatorsk et de l’Oblast de Louhansk, ce qui constituerait une nouvelle dimension dans ce conflit. 

Quelle est la situation ukrainienne actuellement ? Pourrait-elle s’améliorer à mesure que l’aide occidentale arrive ? 

Il faut rester réaliste. Actuellement, les Ukrainiens n’ont pas les moyens de reconquérir la totalité des territoires perdus. Ils ont déjà infligé de lourdes pertes à Moscou, voire une humiliation puisque Vladimir Poutine n’a pas réussi sa guerre éclair. Pour le moment, on voit une guerre plutôt équilibrée, avec une avantage Russe dans le Donbass mais des difficultés dans le sud. Le conflit s’inscrit donc dans la durée, ce qui sera complexe à gérer, tant sur le plan des ressources humaines que des équipements militaires. 

Les équipements occidentaux ont déjà commencé à changer la donne, et ce dès les premières semaines du conflit. Ils ont permis aux ukrainiens de remporter la bataille de Kiev et de repousser les troupes russes au nord de Karkhiv. Il n’en demeure pas moins que de manière générale, le rapport de force reste encore en faveur des Russes et que les Ukrainiens auront beaucoup de mal à les repousser. 

Avons-nous des éléments pouvant faire pencher la balance dans le sens de la victoire de l’un ou l’autre des camps ? 

C’est aussi une question d’interprétation politique. Pour la Russie, la prise de Marioupol est présentée comme une victoire. C’est en réalité une victoire à la Pyrrhus. Pour les Ukrainiens, la perte de cette ville est présentée comme une défaite glorieuse. Tous ces éléments rendent la bataille de la communication complexe, même si sur le plan de la sympathie et de l’opinion publique, l’Ukraine gagne haut la main. 

Même en cas de succès russe au Donbass, pourra-t-on vraiment parler de victoire pour Vladimir Poutine ? 

Si Vladimir Poutine considère que la chute de Severodonetsk pourrait constituer une étape décisive avec l’ouverture des négociations, les russes présenteraient cela avec un narratif victorieux. Pourtant, la victoire autoproclamée par les Russes serait très amère au regard des pertes colossales qu’ils ont enregistrées. De plus, la Russie se retrouve déjà au ban des nations et le prix politique à payer est très élevé pour une victoire sur le terrain qui est encore aléatoire. 

Puisque l’objectif russe n’est plus l’annexion complète de l’Ukraine et que le pays a renforcé des alliances internationales, peut-on estimer que Kiev a en partie déjà gagné ?

L’Ukraine a beaucoup gagné. Elle a gagné l’appui occidental, celui de l’Union Européenne.  Ce soutien sera d’une importance capitale dans les mois et années à venir. Visiblement, les buts de guerre de Poutine n’ont pas beaucoup changé et même si Moscou proclamait un cessez-le-feu après la prise de Severodonetsk, la menace resterait réelle pour l’Ukraine, d’autant plus que les forces russes sont implantées dans le sud et menacent Mykolaïv et Odessa. Il faudrait donc mettre en place une force d’interposition puissante et protéger l’Ukraine.

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