Printemps du porno ? La révolution tunisienne se bat aussi pour l'accès aux sites X<!-- --> | Atlantico.fr
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La Tunisie pourrait libéraliser l'accès aux sites pornographiques.
La Tunisie pourrait libéraliser l'accès aux sites pornographiques.
©Reuters

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Islam et pornographie sont-ils compatibles ? C’est la question que doit trancher la Cour de cassation tunisienne le 22 février, en décidant si elle lève l’interdiction d’accès aux sites X. Un vrai enjeu de société.

Au rayon des libertés nouvelles, la fin de l’ère Ben Ali va-t-elle également permettre aux Tunisiens d’accéder librement aux sites pornographiques ? Quelques semaines après la chute de Ben Ali le 14 janvier 2011, l’une des premières mesures des autorités provisoires tunisiennes est de libéraliser l’accès à internet, jusque là hautement censuré. Ce qui inclut les sites pornographiques. Pas pour longtemps : en mai, le tribunal de Tunis décide dans un jugement en référé le blocage de l’accès à tous les sites X.

Dans un pays musulman, qui a porté au pouvoir le parti islamiste modéré Ennahda en octobre dernier, la question de la libéralisation des contenus pornographiques en ligne relève d’un enjeu de société. Le tribunal de Tunis a d’ailleurs agi à l’initiative d’un groupe d’avocat qui a attaqué en justice le principal fournisseur d’accès à internet en Tunisie, l'Agence Tunisienne d'Internet (ATI), arguant que le risque était que les Tunisiens, notamment les plus jeunes, disposent librement de contenus "contraires aux valeurs musulmanes". C’est donc la place de la religion dans la Tunisie nouvelle qui est en jeu.  

L’ATI a fait appel  de la première suspension, mais n’a pas plus obtenu gain de cause en deuxième instance. Et comme la première décision était suspensive, les sites pornos ont été accessibles pendant quelques semaines en Tunisie, mais ne le sont plus depuis le mois de mai.

Maintenir la censure est "un pas en arrière" estime le patron d’ATI, Moez Chakchouk, qui essaye de changer l’image de son agence, dont il a pris la tête après la révolution : "sous Ben Ali, l’ATI était un instrument de contrôle politique et de censure Aujourd’hui, nous nous battons pour la neutralité d’Internet, mais certains veulent revenir aux vieilles méthodes", explique-t-il à al Arabya. Par ailleurs, Moez Chakchouk estime que le filtrage "compromettrait la qualité et la rapidité des échanges de données".

"La décision de la Cour renvoie au fait de savoir si nous voulons déléguer des pouvoirs de choisir à l’Etat ou au citoyen", estime pour sa part le sociologue Riadh Ferjan. "Nous ne sommes pas dans un territoire inexploré. La Tunisie a un lourd passé, c’était un des pays les plus restrictifs, et il a servi de laboratoire en terme de surveillance de l’Internet, ajoute-t-il.

Les défenseurs du libre accès au web mettent en avant l’existence d’autres instruments qu’une censure étatique : logiciel de contrôle parental, intégration des dangers d’Internet dans l’éducation, voire même l’autorégulation, arguant que dans une société libre, chacun doit pouvoir être son propre maître.  Mais pour Ferjan, "le débat est organisé de la mauvaise façon, conduit par l’idéologie et la passion et pas les faits. Nous mettons de la morale partout".

Justement, pour l’un des plaignants,  Monaem Turki, "la morale et la loi vont de pair"Et l’avocate de prendre exemple sur la France où "l’apologie d’Hitler est interdite. Ca devrait être pareil en Tunisie pour les sites pornographiques".

En octobre, la diffusion du film Persepolis, dans lequel apparaît une représentation de Mahomet - ce qu’interdit le Coran-  par la chaine de télévision Nessma, avait suscité de violentes échauffourées devant le bâtiment de la chaîne, que des manifestants avaient tenté d’incendier. Le directeur de Nessma TV est aujourd’hui en procès pour "atteinte aux valeurs du sacré".Le débat sur l’accès libre aux sites pornographiques semble être une nouvelle épreuve d’un processus profondément clivant quant aux limites de la liberté de religion, dans lequel la Tunisie semble engagée.    

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