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La République En Marche : vers un raz de marée aux Législatives malgré un score de 1er tour historiquement faible
©Reuters

Rien n'est joué

Alors qu'il paraît de plus en plus probable que le nouveau président obtienne une majorité à l'Assemblée nationale, seuls 37% des Français souhaitent que celle-ci soit absolue selon la dernière enquête électorale du Cevipof.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Atlantico : Selon la dernière enquête électorale du Cevipof, LREM est crédité, pour le 1er tour des législatives, de 31% des intentions de vote, un score qui pourrait lui assurer la majorité parlementaire. Quelles comparaisons peut-on établir avec les résultats des précédentes élections législatives (2002, 2007 et 2012) ? 

Bruno CautrèsCes intentions de vote sont d’un niveau élevé, notamment si on les compare aux intentions de vote pour les autres formations politiques : 21% pour l’ensemble UDI/LR/DVD, 18% pour le FN, 11.5% pour la France insoumise, et seulement 8.5% pour le PS/PRG/DVG, 3% pour EELV et 2% pour le PCF. L’écart est donc très important avec les autres formations politiques. Avec 31% des intentions de vote, le mouvement politique d’Emmanuel Macron va remporter une importante victoire en nombre de sièges de députés.

On peut néanmoins nuancer ce tableau : il n’est pas rare, sous la Vème République, que le parti qui soutient le nouveau président de la République obtienne une majorité à l’Assemblée nationale. Nous avons connu, par le passé, cette configuration, soit lorsque le nouveau président procédait à une dissolution pour organiser dans la foulée de son élection des élections législatives (1981 et 1988 mais dans ce dernier cas, cela n’avait donné qu’une majorité relative au PS avec 275 sièges), soit lorsque (depuis 2002) les élections législatives sont organisées dans la foulée de l’élection présidentielle.

Si l’on compare les intentions de vote que nous observons aujourd’hui dans la grande enquête électorale du Cevipof avec les trois dernières élections législatives, on constate qu’en 2012 (dans la foulée de l’élection de François Hollande), le Parti socialiste obtenait à lui seul 29.35% des voix au premier tour, un score proche de celui que nous constatons pour La République en marche (et le Modem) aujourd’hui. Si l’on additionne, pour 2012, au score du PS celui des alliés du PS (Parti radical de gauche, divers gauche et EELV), on obtenait alors 39.85%. La comparaison avec 2012 montre donc que c’est davantage le fait que La République en marche n’ait pas d’alliés de poids (car en 2012, le Modem n’obtenait que deux députés et même pas 2% des votes exprimés) qui donne le sentiment que ses intentions de vote d’aujourd’hui ne sont pas exceptionnellement élevées. Par contre, ce sentiment se conforte si l’on compare avec 2007 et 2002 : le parti qui vient de remporter l’élection présidentielle (l’UMP dans les deux cas), remporte alors 39.54% des voix au premier tour en 2007 (313 sièges) et 33.37% au premier tour de 2002 (365 sièges). Au total, on peut donc conclure que si La République en marche va sans doute obtenir une nette victoire aux élections législatives de 2017, cette victoire s’inscrit dans un modèle classique pour le parti qui vient de gagner la présidentielle. Si les intentions de vote se stabilisent et que le mouvement d’Emmanuel Macron obtient de l’ordre de 30% des votes exprimés, l’amplitude de sa victoire ne sera pas exceptionnelle en termes de votes même si cela se traduit pas une nette victoire en sièges. 

Cette enquête révèle également que parmi les 50% de Français souhaitant qu'Emmanuel Macron dispose d'une majorité de députés pour qu'il puisse mener sa politique, seuls 37% souhaitent qu'il obtienne une majorité absolue. A quelles difficultés ce décalage entre la possibilité qu'Emmanuel Macron obtienne une majorité absolue à l'Assemblée et ce que veulent les Français peut confronter le nouveau président ? 

Les Français souhaitent avant tout donner au président Macron les moyens de gouverner et de développer son programme. Il n’y a pas de souhaits de voir une cohabitation, par exemple avec une majorité de droite. Dans le même temps, la victoire d’Emmanuel Macron a perturbé en profondeur les deux camps politiques de la gauche et de la droite. Les électeurs de ces deux camps sont encore dans le doute et l’interrogation sur la stratégie à adopter face à Emmanuel Macron. L’obstruction et l’opposition systématique n’est plus dans l’air du temps, l’élection présidentielle a montré l’ampleur de la demande de renouvellement.

Néanmoins, Emmanuel Macron doit, aux yeux de nombreux Français, faire ses preuves en matière de programme de réformes. Le contenu de ces réformes est encore flou pour différents segments de l’électorat ; si les grands contours sont à présent identifiés pour ces électeurs (Europe, compétitivité et efficacité dans le domaine économique), certains dossiers vont faire naître des inquiétudes et notamment tout ce qui concerne le marché du travail, le code du travail, ou encore les cotisations sociales et la CSG. Dans ce contexte, les Français souhaitent à la fois qu’Emmanuel Macron dispose des moyens de gouverner mais souhaitent en même temps que des contre-pouvoirs existent. C’est en partie la faiblesse totale des autres forces politiques et leur incapacité à avoir compris et anticiper la demande de renouvellement qui expliquent la situation paradoxale dans laquelle nous sommes, avec un soutien net au mouvement d’Emmanuel Macron et le souhait qu’il ne domine pas trop ou pas tout. L’histoire ne fait que commencer et les élections intermédiaires qui se dérouleront au cours de mandat nous en dirons plus sur la sortie ou pas de ce paradoxe.

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