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La relance européenne post-Covid sur fond de guerre russe : quelles priorités ?
©©FREDERICK FLORIN / AFP

Défis pour l'UE

Davantage frappée par la soudaine pandémie que ses grands concurrents, l’Europe a su prendre des mesures énergiques qui font de la double transition, climatique et numérique, le moteur de son redressement économique.

Dominique Perrut

Dominique Perrut

Docteur en sciences économiques (Paris-1), chercheur indépendant à Paris, Dominique Perrut est l’auteur de communications, articles et ouvrages portant sur les intermédiaires financiers, la régulation et l’économie européenne (L’Europe financière et monétaire, Nathan ; Le système monétaire et financier français, Seuil, coll. Points).

Professeur associé des universités, il a enseigné l’économie européenne en France et en Europe (1992-2013). Il participe aux travaux de plusieurs Think Tanks et ONGs européens. Il est membre du Comité de pilotage de Confrontations Europe.

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Un bref diagnostic économique et social de l’Union après deux ans de crise sanitaire nous conduira à identifier les trois défis que doit aujourd’hui affronter le continent : la convergence des économies nationales, la conduite des transitions et la lutte contre le dumping social et l’exclusion. Nous tenterons aussi d’évaluer, d’une part, les conséquences économiques de la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine et, d’autre part, l’impact sur la transition climatique des réponses européennes en vue de l’indépendance énergétique. Après une discussion sur ces enjeux, nous formulerons les priorités que devrait prendre en compte la Présidence française du Conseil de l’UE dans ces domaines. 

L’Union face aux défis de la convergence et de la précarisation sociale

La pandémie a creusé les divergences entre les économies nationales, en défaveur des pays du Sud. En conséquence, les vigoureuses et nécessaires mesures de relance des États se sont traduites dans ces pays par de fortes hausses des déficits et des dettes publiques. Ces interventions ont permis un quasi-maintien de l’emploi, mais n’ont pas empêché la dégradation de la situation sociale, déjà préoccupante avant la crise. Les personnes exposées au risque de pauvreté ou d’exclusion représentaient plus d’un cinquième de la population de l’Union en 2020, soit 98 millions de personnes. La proportion est encore supérieure au Sud du continent. Dans ces pays, les jeunes sont frappés par un taux de chômage de plus de 30 %, accompagné d’un niveau élevé de marginalisation. 

Énergique, la réponse européenne face à la récession de 2020 a pris quatre formes : - les mesures anti crise (avec le dispositif SURE), pour un montant global de 365 Mds€ ; - le Plan de relance (Next Generation UE), soit 750 Mds€ sur 3 ans ; - ces actions sont complétées par les outils classiques de l’Union, le Budget européen (2021-2027), d’un montant de 1.074 Mds€ ; - à l’intérieur de celui-ci la garantie publique initiale du Plan d’investissement (InvestEU), soit 26,2 Mds€, devant entraîner environ 400 Mds€ d’investissements. L’intervention publique globale atteindra ainsi un total d’environ 2.800 Mds€ et 24 % du PIB de l’Europe, proportion comparable à celle des États-Unis. 

L’invasion russe en Ukraine bouscule les prévisions optimistes de la fin de 2021. Alors qu’on escomptait la poursuite d’un fort rebond de l’économie dans la zone euro en 2022 (+ 4,2 %, après une croissance du PIB de 5,4 % en 2021) après la récession créée par la pandémie, cette guerre déclenchée fin février provoque un choc aussi bien d’offre que de demande. Celui-ci se propagera à l’économie selon trois canaux - celui de l’inflation, par suite de la hausse des prix de l’énergie importée et de certaines matières premières ; ceci pèsera sur les conditions de production des entreprises, comme sur la consommation des ménages ; - celui de la demande externe adressée à l’Europe par ses partenaires ; celle-ci sera affaiblie par la moindre croissance chez eux ; - celui de l’incertitude, enfin, entraînant un ralentissement de la consommation, et sans doute de l’investissement, ainsi que de probables perturbations sur les marchés financiers. 

Les premières prévisions prenant en compte ce conflit concluent à un ralentissement de la croissance initialement prévue pour 2022. Celle-ci se situerait pour la zone euro entre + 3,7 % et 2,3 %, en fonction du scénario retenu, contre un rythme de + 4,2 % pour les prévisions de la fin de 2021. 

Dans cet environnement perturbé, la politique monétaire de la BCE devrait nettement évoluer. D’une part, face à la hausse très probable de l’inflation (soit un taux nouvellement prévu de 5,1 % en 2022, contre une prévision antérieure de 3,2 %) la BCE relèvera sans doute ses taux directeurs. D’autre part, les rachats d’actifs souverains ne pourront rester aussi accommodants devant le niveau élevé atteint par l’endettement public (92 % du PIB de la zone euro en 2021). De leur côté, dans leurs choix macroéconomiques, les responsables politiques, tout au moins au sud de l’Europe, ainsi qu’en France et en Belgique, seront pris en tenaille entre la forte tentation d’une poursuite de la relance et la nécessité du désendettement face à un coût de la dette qui pourrait progresser rapidement, sous l’effet de la montée des taux d’intérêt et des probables tensions sur les marchés financiers. 

Ce rapide tour d’horizon met en évidence, outre les grandes incertitudes de la conjoncture présente, les trois principaux défis que l’Union doit aujourd’hui affronter : - assurer, d’abord, une relance capable de promouvoir la convergence des économies ; - mener, ensuite, la double transition, climatique et numérique ; - répondre, enfin, tant aux menaces de dumping social qu’à la situation d’exclusion sociale massive qui prévaut dans plusieurs pays. Ces grands enjeux méritent quelques précisions. 

La transition climatique et l’impératif social 

Questions sur la stratégie de l’Union pour la transition environnementale. La stratégie pour le financement de la transition climatique conçue par les institutions internationales prend en compte, d’un côté, les caractéristiques des projets verts innovants, très risqués et à long terme, et d’un autre côté, la rareté du capital public face aux besoins considérables de cette transition. Ceux-ci représentent de 500 Mds€ à 1.000 Mds€ par an pour l’Union, selon les bases de calcul. On préconise donc de produire, à partir d’une impulsion publique très limitée, des effets d’entraînement très importants, faisant intervenir des partenariats public-privé. Dessiné dans cette optique, le Plan d’investissement européen (aujourd’hui le plan InvestEU, 2021-2027) cherche à attirer, par un effet multiplicateur très élevé, de gros volumes de capitaux, publics et privés, vers des projets à valeur ajoutée européenne. Cette canalisation de l’investissement en direction des besoins de la transition suppose, outre une telle initiative publique, la mise en place d’un cadre réglementaire fortement incitatif pour l’investissement durable, lequel s’instaure progressivement dans l’Union. La stratégie européenne pour la transition se déploie ainsi selon trois axes :  

  • L’instauration d’un cadre réglementaire pour la finance durable afin d’orienter les flux financiers privés vers les activités économiques durables. Dessiné par le Plan d’action sur la finance durable de 2018, actualisé en 2021, ce programme comporte trois volets complémentaires : une taxinomie visant à définir et à classifier les activités durables ; une obligation d’information pour les entreprises financières et non financières ; une panoplie d’outils en vue de l’investissement durable. 

  • Le développement de l’Union des marchés des capitaux, qui doit permettre la circulation de l’épargne et de l’investissement au sein d’un marché véritablement unique. En effet, la double transition reposera sur la création et le développement de nombreuses entreprises innovantes. Celle-ci requerront des fonds propres et autres capitaux longs, pour des projets par nature très risqués. Les banques classiques n’ont pas vocation à répondre à de tels besoins. Les deux plans d’action, de 2015 et de 2020, sur l’Union des marchés des capitaux visent précisément à progresser, selon une stratégie des petits pas, vers l’instauration d’un marché unique du financement, pour répondre à une telle demande. 

  • L’investissement public dans l’Union, dont une proportion d’un tiers, soit environ 800 Mds€ au total entre 2021 et 2027, sera consacrée à la transition climatique.

Ce programme d’ensemble est ambitieux mais soulève néanmoins des questions. Les trois séries de mesures de ce projet suffisent-elles pour construire une politique industrielle cohérente pour la transition ? Par qui et comment seront arbitrés les grands choix technologiques, qui feront les succès ou les échecs de demain ? Quelle place respective sera accordée au véhicule électrique par rapport au véhicule à hydrogène ? Quelle doit être la place du nucléaire et du gaz, question brûlante aujourd’hui, dans la politique énergétique ? 

On peut, de plus, s’interroger sur la capacité du plan d’action de 2020 sur l’Union des marchés des capitaux à répondre aux exigences de la transition. Celle-ci suppose, notamment, que des transferts massifs puissent être effectués à l’intérieur du continent, depuis les pays du Nord, largement excédentaires en capitaux, vers des investissements durables au Sud. Il conviendrait donc d’évaluer, en vue des nécessaires réaménagements des flux de capitaux dans l’Union : - la capacité du secteur du capital investissement en Europe à répondre aux besoins de l’innovation ; - la disponibilité ou non d’outils suffisants pour protéger les investissements transfrontaliers contre le risque-pays. 

La guerre en Ukraine accélère l’agenda de la transition.Ce conflit met en pleine lumière la grande dépendance de l’Europe vis-à-vis du gaz et du pétrole russe. En effet, l’UE est presqu’entièrement dépendante de ses importations pour le gaz. La Russie fournit 40 % de sa consommation totale de gaz, plus d’un quart des importations de pétrole et près de la moitié de celles de charbon

En réponse à cette situation d’urgence, la Commission européenne vient de publier le plan REPowerEU comportant des actions immédiates et d’autres s’inscrivant dans la durée. Les actions urgentes comprennent : - d’une part, une proposition législative pour rendre obligatoire le remplissage des stocks de gaz à 90 % de leurs capacités pour le 1er octobre de chaque année ; des mécanismes de solidarité entre Etats sont prévus ; - d’autre part, des instruments de régulation des prix élevés de l’énergie en faveur des ménages et des entreprises, comprenant des aides d’État. 

À plus long terme, ce projet vise à mettre fin « bien avant 2030 » à la dépendance énergétique de l’Europe vis-à-vis de la Russie, tout en renforçant la résilience du système énergétique européen. Les mesures envisagent la diversification rapide des importations de gaz de l’UE et s’appuie, pour les intensifier, sur les mesures du programme «Ajustement à l’objectif 55 » de juillet 2021. Tout d’abord, la diversification des achats de gaz serait obtenue par : - le recours aux importations de fournisseurs non russes, consistant surtout en GNL, ainsi qu’en gaz acheminé par gazoduc ; - l’accroissement de la production de biométhane et d’hydrogène. Ensuite, ce plan vise à accélérer l’électrification de l’Europe à partir d’énergies vertes, en poussant le calendrier d’«Ajustement à l’objectif 55 ». Ces mesures concernent : les habitations (actions d’efficacité énergétique, mise en place de toits solaires et de pompes à chaleur) ; le secteur de l’électricité (accélération des programmes concernant l’éolien, le solaire et l’hydrogène vert) ; l’électrification de l’industrie. 

Au total, selon le plan REPowerEU, les deux tiers des importations de gaz russe pourraient être remplacés dès la fin de 2022, notamment sous l’effet de la diversification vers d’autres fournisseurs mondiaux, avant un remplacement total au cours des prochaines années. Dans l’urgence de sortir de la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, ce programme conduit, avec ses autres mesures, à une nouvelle accélération de la transition énergétique, à la suite de la révision en hausse en 2021 des objectifs environnementaux de l’Union. 

Combattre tant le dumping social que l’exclusion.Les phénomènes de pauvreté et d’exclusion que nous avons mis en évidence au sein de l’Union risquent fort de s’aggraver, sous l’effet des divergences persistantes dans les trajectoires de croissance des pays. La double transition elle-même, exercera des pressions contre les catégories sociales les plus vulnérables. Ceci notamment en raison des effets des politiques fiscales et réglementaires avec, par exemple, les taxes écologiques sur l’énergie, les normes de performances sur les véhicules, ou encore la fixation du prix du carbone. 

La situation de vulnérabilité qu’affronte aujourd’hui une part importante de la population européenne s’inscrit en contradiction flagrante tant avec les valeurs d’égalité, de justice, de solidarité et de protection des droits de l’homme de l’Union, qu’avec ses objectifs de bien-être, de protection sociale et de lutte contre l’exclusion. Ces valeurs et ces objectifs sont proclamés dans les Traités. L’exigence éthique, la raison politique, et également le raisonnement économique, obligent à affronter ce fossé béant entre principes et réalités. 

Le Socle européen des droits sociaux pose, dans son préambule, que « le progrès économique et le progrès social sont étroitement liés ». Le document souligne de plus que les problèmes sociaux, incluant le chômage, sont dans une large mesure, le fruit d’une croissance relativement modeste, provenant d’un potentiel inexploité de productivité et de participation à l’emploi. On voit ainsi apparaître un jeu de spirale socio-économique baissière sous l’effet de l’exclusion.  

Longtemps, l’Europe s’est occupée de garantir un cadre supra national favorable à la croissance, principalement par le jeu du marché unique. En retour la charge de répartir les richesses et les opportunités, y compris dans le domaine social, incombait aux États membres. Au fil du temps, cependant, des attributions sociales ont été dévolues à l’Union, dans de nombreux domaines tels que : la libre circulation des travailleurs, la politique sociale, le dialogue entre partenaires sociaux, l’égalité des rémunérations entre hommes et femmes, l’éducation et la formation professionnelle. 

La politique du marché unique, conduite par l’Europe, a ouvert le continent à la mondialisation. De même, des décisions majeures concernant l’environnement sont prises par l’Union. Ces politiques ne vont pas sans conséquences sociales. L’Europe ne peut donc laisser aux Etats membres tout le poids de la gestion des effets sociaux qui en découlent

Proclamé en 2017 par l’Union, le Socle européen des droits sociaux apparaît désormais comme le fondement de la politique sociale et de la réglementation à venir de l’Union dans ce domaine. Dans ce document, il importe, à notre avis, de discerner deux enjeux bien distincts. D’une part, dans ses chapitres 1 et 2, le Socle vise à éviter le dumping social au sein du marché unique. Celui-ci est en effet fondé sur la notion de level playing field, ou concurrence sur des bases harmonisées entre pays. D’autre part, dans son chapitre 3, le Socle veut combattre la pauvreté et l’exclusion. Ces notions recouvrent plusieurs formes de dénuement, allant de l’insuffisance des revenus à la précarité énergétique, au mauvais logement et aux difficultés d’accès aux services essentiels. Or, face à la paupérisation de certaines catégories de la population dans l’Union, nous ne trouvons guère de mesures fortes dans l’agenda social européen. Cette lacune doit être comblée. 

Promouvoir la convergence économique, réussir les transitions et l’inclusion sociale

Les trois défis identifiés plus haut, ainsi que l’examen des réponses récemment apportées par l’Union nous conduisent à formuler, au cours de la Présidence française du Conseil de l’UE, des propositions autour de trois thèmes : - renforcer la gouvernance économique ; - consolider le cadre en vue de la transition climatique ; - combattre le dumping social et l’exclusion. 

Renforcer la gouvernance économique pour consolider l’euro.Le gel des règles budgétaires jusqu’à la fin de 2022, les échanges soutenus, pendant ce temps, entre les États et la Commission, ainsi que le consensus existant sur les défauts de la coordination économique, créent une fenêtre d’opportunité unique pour modifier, sans attendre, les règles de la gouvernance. Trois actions sont à envisager. 

  • Réviser le Pacte de stabilité et de croissance.Il s’agit de simplifier, sans changer les Traités, un système devenu illisible, en retenant, en matière budgétaire, deux indicateurs-clés : une règle d’évolution des dépenses publiques courantes, en fonction du PIB, et un ratio de plafonnement de la dette publique. Dans un tel cadre, les nécessaires dépenses pour l’investissement public, en particulier pour la transition et la cohésion sociale, doivent être exclues du calcul du solde budgétaire. 

  • Créer sans délai un poste de Ministre de l’Économie et des Finances de la zone euro.Déjà en place pour les Affaires étrangères, un tel dispositif institutionnel fournirait un atout-clé pour consolider la zone euro

  • Relancer la proposition d’un budget pour stabiliser la zone euro.L’absence de capacité budgétaire assortie d’éléments de stabilisation entrave le bon pilotage budgétaire de la zone euro. Deux propositions, alternatives ou complémentaires, peuvent être soumises à la discussion : - un budget de stabilisation automatique des investissements publics en cas de récession d’un pays ; - un outil d’assurance chômage, qui pourrait être progressivement mis en place à partir de la pérennisation du système SURE.

Consolider le dispositif de la transition environnementale. La mise en place du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières figure en bonne place dans les priorités de la Présidence française. Pour le Système d’échange de quotas d’émissions (SEQE) qui en est le complément, il conviendrait d’évaluer l’opportunité d’asseoir les recettes du nouveau Fonds social pour le climat sur l’ensemble du SEQE et non sur sa seule extension. Par ailleurs, il faudrait s’interroger sur les conséquences sociales de l’extension du SEQE au bâtiment et au transport routier

Le financement de l’innovation de rupture est un enjeu central pour la transition. Dès lors, il s’agirait d’apprécier la situation du capital-investissement européen face aux besoins spécifiques de capitaux liés aux mutations en cours. 

Le programme européen pour une « énergie plus abordable, plus sûre et plus durable » devrait être renforcé et accéléré avec l’adoption probable avant l’été 2022 du plan REPowerEU en direction du logement, de la production d’électricité et de l’industrie. Ce projet doit être suivi avec attention. 

Combattre le dumping social et l’exclusion. Trois séries d’actions sont à envisager. 

  • Concrétiser l’agenda « anti-dumping social » en cours.Deux mesures sont principalement concernées ici. D’un côté, la proposition de directive d’octobre 2020, « Des salaires minimaux adéquats » devrait bientôt pouvoir faire l’objet d’un accord politique. D’un autre côté, l’encadrement des conditions des travailleurs des plateformes numériques vient de faire l’objet d’une proposition de loi et fait partie des priorités de la Présidence française. 

  • Prendre des initiatives phares contre l’exclusion. Dans ce domaine, il paraît important d’adopter une décision marquante sur le revenu minimum, au lieu de la simple recommandation envisagée par la Commission. Une proposition législative pourrait être élaborée sur le principe 14 du Socle, une fois arrêté le type de revenu minimum choisi. D’autres initiatives devraient être prises, contre la précarité énergétique, qui touche 34 millions d’européens, en matière de logement (le sans-abrisme est en hausse dans la plupart des pays), ou encore contre le manque d’accès aux services essentiels (l’eau, la santé, les services financiers, les communications numériques). 

  • Intégrer la dimension sociale dans toutes les politiques de l’Union. Il s’agirait ici de faire adopter un principe selon lequel toute nouvelle proposition législative devrait inclure une étude d’impact social faisant référence au Socle européen des droits sociaux. Cette réforme trouve son fondement dans les Traités

*****

En réponse au choc brutal de la récession liée à la pandémie, l’Union a su lancer une ambitieuse politique de redressement, largement axée sur la transition climatique, dont les exigences rehaussées ont fait une place à la solidarité. La France, dans le cadre de la Présidence du conseil de l’Union, peut conforter ce mouvement en prenant des initiatives dans trois directions. 

Il s’agit, d’abord, de saisir la rare fenêtre d’opportunité qui se présente pour réformer la gouvernance économique afin de résorber la fracture entre pays au sein de la zone euro. Ensuite, dans le cadre du processus de transition, outre l’instauration du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, il convient de mettre le système de financement de l’innovation à la hauteur des enjeux. La recherche pressante de l’indépendance énergétique, liée au conflit russe, hâtera sans doute le programme de la transition. Dans le domaine social, enfin, les mesures anti-dumping, indispensables, doivent se doubler d’une politique, aujourd’hui largement absente, d’éradication de l’exclusion. 

L’Union doit prendre fermement en charge la question sociale pour des raisons éthiques, car il s’agit de ses valeurs fondatrices, pour des raisons politiques, car le projet européen ne peut se poursuivre sans cohésion sociale, et aussi pour des raisons économiques, car le développement du capital humain est un facteur de croissance. L’Europe doit encore mériter l’image qu’elle revendique, celle de figure de proue dans le champ de l’environnement et celle de modèle d’inclusion sociale. La France est aujourd’hui dotée de moyens supplémentaires pour y contribuer. 

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