La prison, école du crime... à 400 000 euros la place<!-- --> | Atlantico.fr
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Justice
Un surveillant pénitentiaire dans une prison française.
Un surveillant pénitentiaire dans une prison française.
©DENIS CHARLET / AFP

Etats généraux de la Justice

L'efficacité et les moyens de l'administration pénitentiaire sont au coeur des Etats généraux de la Justice et suscitent de nombreuses interrogations.

Jean-Pierre Escarfail

Jean-Pierre Escarfail

Jean-Pierre Escarfail, ingénieur-docteur-es-sciences, a travaillé dans l’industrie et le conseil, notamment chez McKinsey. Après le procès de Guy Georges, assassin de sa fille Pascale, il crée l'Association   pour   la   Protection contre les Agressions et Crimes Sexuels (APACS) et se consacre à l’amélioration des processus judicaires. Membre du Comité de Réflexion sur la Justice Pénale et d’une Commission Pluridisciplinaire des Mesures de Sureté, il participe aujourd’hui aux Etats Généraux de la Justice.

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Quelle devrait être la mission de la fonction pénitentiaire ? Dissuader et protéger. Dissuader les délinquants de recommencer. Protéger la société des criminels endurcis. En revanche « punir » me semble un concept d’un âge révolu où la bastonnade était plus efficace que l’enfermement.  

Or, qu’en est-il aujourd’hui ? 25 000 personnes sont détenues après avoir été condamnées à moins d’un an de prison. Un emprisonnement de 6 mois protège-t-il la société ? Et quel effet peut-il avoir sur un délinquant, surtout quand cette mesure intervient longtemps après le jugement ?

La prison « école du crime ». Cette litanie chantée avec talent par la gauche s’applique parfaitement dans ce cas. D’après plusieurs procureurs qui connaissent leur métier, un séjour de deux mois dans une prison suffit à terrifier un primo-délinquant. Après, il s’habitue et se fait des amis. Modifier ces courtes peines permettrait de libérer des milliers de places de prison et mettre fin à la surpopulation carcérale, honte de notre Justice. C’était l’objectif de la « Contrainte Pénale » lancée par Christiane Taubira, mais, comme d’habitude, peu utilisée par les juges.

« Des prisons, des prisons, construisons des prisons !!! ». Litanie de droite reprise par notre ministre de la Justice aux Etats Généraux. Ceux qui répètent cette antienne, ont-ils fait un calcul simple ? Dans une prison, un surveillant contrôle 2 détenus. Avec un bracelet mobile, il en surveille 20. Combien coûte une place : environ 150 000 € (idem pour un hôtel de catégorie supérieure). Soit, pour 15 000 cellules, un budget de plus de 2 milliards €. Au niveau du fonctionnement, le coût d’une personne détenue peut être estimé à 100 € par jour, tandis que le coût d'une mesure en milieu ouvert avec bracelet mobile ne devrait pas dépasser 20 €. Soit sur dix ans et pour 15 000 personnes « écrouées », un surcout de 4 milliards €. Il faut sortir de ce non-sens à 6 milliards. Le rôle assigné à nos Etats Généraux de la Justice est de dresser l’inventaire des mesures qui permettront d’améliorer l’efficacité de notre système carcéral. Voici ce que je propose :

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Mais pourquoi le « quoi qu’il en coûte » n’est-il pas déployé pour la Justice ?

D’abord conserver les vieilles prisons pour y mettre à l’isolement total pendant deux mois les nouveaux condamnés, « petits délinquants », afin de les effrayer. Ces prisons inconfortables permettraient aussi de « loger » les récidivistes alors que les prisons neuves avec « chambre nuptiale » serviraient pour les longues peines… Robert Badinter ne nous avait-il pas expliqué lors d’un entretien dans son bureau donnant sur les arbres jaunis du Luxembourg, que les français n’accepteraient jamais d’être moins bien logés que les prisonniers !

Ensuite, faire exécuter la peine sous PSEM – Placement sous Surveillance Electronique Mobile. Une centaine de ces bracelets mobiles sont seulement utilisés en France, contre plusieurs milliers en Grande-Bretagne. Ils permettent de suivre les délinquants en permanence et de les empêcher de revenir dans la zone où ils commettent habituellement leurs délits et se pavanent en sortant de tôle. On nous dit que le bracelet n’empêche pas de tuer. Un séjour à l’ombre de quelques mois, non plus !

Enfin, aider ces condamnés sous PSEM à chercher du travail (ce qu’a lancé Éric Dupond-Moretti). Mais ces « Travaux d’Intérêt Général » (TIG) devraient être rémunérés et permettre au délinquant de vivre et se loger. Pourquoi ne pas obliger les administrations et entreprises à employer un pourcentage minimum de condamnés, comme c’est le cas pour les handicapés ?

Et pour terminer, employer largement les « Jours-Amendes ». Plus justes que les peines pécuniaires fixes, celles-ci sont très utilisées en Suisse. Là encore, il s’agit de segmenter correctement les clients de notre Justice et les mesures à appliquer. Pas question de frapper d’amendes le tiers des détenus de la Santé qui sont des SDF ou des malades psychiatriques. En revanche plus de 10 000 condamnés pour trafic de stupéfiants encombrent nos prisons. Ne serait-il pas plus efficace de les obliger à rendre gorge ? Lire « La Délinquance, une Vie Choisie. Entre Plaisir et Crime » de Maurice Cusson.  

Jean-Pierre Escarfail

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