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La statue "Le Triomphe de la République" au centre de la place de la Nation, à Paris.
La statue "Le Triomphe de la République" au centre de la place de la Nation, à Paris.
©Joël SAGET / AFP

Pas de fatalité

Conserver la France n’est rien d’autre qu’un retour à une forme de normalité. Mais le système politique idéologiquement dominant est allé tellement loin dans la déconstruction culturelle, la tolérance coupable et l’inversion du réel que ce retour à la normale paraîtra pour beaucoup d’une violence inouïe.

Ludovic Trolle

Ludovic Trolle

Ludovic Trolle est président de l'IEPM (Institut Ethique et Politique Montalembert).

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« La vie est belle, conserve-la » ! Mère Teresa

Ceux qui réfléchissent un tant soit peu s’accordent sur le fait que le monde, notre monde à nous, c’est-à-dire l’Occident, est au plus mal et que les crises qui le secouent ne cessent de se multiplier tout en s’aggravant et la pandémie n’est que la dernière démonstration. Une sourde angoisse nous étreint ; néanmoins nous succombons facilement au reflex de « l’autruche », ce qui apaise quelque peu nos douloureuses interrogations, tout au moins passagèrement. On voudrait bien qu’une renaissance politique soit « en marche », mais il ne se passe rien, sinon le morne défilement de jours gris tendant à s’assombrir. Sommes-nous donc désormais condamnés à la résignation, nous si intelligents, si perspicaces, si modernes ? Et le temps continue à s’écouler. Chaque jour qui passe, nous révèle de nouveaux scandales, de nouvelles indignités, un retour à la barbarie, une démocratie altérée, nous rapprochant d’une horreur dont nous commençons plus ou moins consciemment à distinguer les contours violents.

« Il n'y a qu'une fatalité. Celle des peuples qui n'ont pas assez de forces pour se tenir debout et qui se couchent pour mourir. » (Charles De Gaulle)

Certains s’inquiètent de la violence qui aurait envahie les débats en ce début de campagne électorale pour la présidentielle. Contrairement à ce qui peut être dit, la violence que nous percevons n’est pas due au débat et qui serait attisée par les propos d’un polémiste en particulier car comme nous l’avons déjà montré, elle préexistait clairement à celui-ci comme les violences urbaines que nous commentons aujourd’hui. En revanche, elle semble imposer une nouvelle ligne de fracture politique. Il n’y a plus de Droite ou de Gauche dans le débat mais bien un nouvel affrontement entre le statuquo et le courage pour juguler cette violence. L’unité de la France sera effectivement l’enjeu majeur pour cette élection mais il faudra choisir entre deux visions de celle-ci. La vision « woke » qui ne veut pas s’attaquer aux racines du mal, favorisant l’effacement de la France en s’accommodant et une vision plus volontariste portée par une révolte existentielle qui propose de conserver ce qui fait encore la France.

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Il est utile de se rappeler avec l’essai « L’Homme révolté » d’Albert Camus, l’époque de la libération marquée par la prise de conscience d’une insécurité et d’une violence insigne. Bien plus que par les guerres, le monde aurait alors pu disparaître par le désespoir devant ce que de nombreux hommes avaient fait ou accepté. Camus distingue l’absurde (sentiment de la culpabilité personnelle), de l’idéologie. Il appelle tous ceux qui partagent ce sentiment de l’absurde à ne pas chercher à l’effacer pour se réfugier dans l’idéologie, mais à puiser dans la confrontation avec l’absurde la force de vivre, et à trouver un sens à la vie en surmontant la logique qui nous conduirait implacablement au désespoir.

Cela passe par la révolte. « Je crie que je ne crois à rien et que tout est absurde, mais je ne puis douter de mon cri et il me faut au moins croire à ma protestation. La première et la seule évidence qui me soit ainsi donnée, à l’intérieur de l’expérience absurde, est la révolte. »

Pour Camus, la révolte est le début de la conscience, « la perception, soudain éclatante, qu’il y a dans l’homme quelque chose à quoi l’homme peut s’identifier, fût-ce pour un temps ». La révolte marque le « dépassement de l’individu dans un bien désormais commun… Si l’individu, en effet, accepte de mourir et meurt à l’occasion, dans le mouvement de sa révolte, il montre par là qu’il se sacrifie au bénéfice d’un bien dont il estime qu’il déborde sa propre destinée ».

« L’analyse de la révolte conduit au moins au soupçon qu’il y a une nature humaine, comme le pensaient les Grecs, et contrairement aux postulats de la pensée contemporaine. »

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Sans prétendre « annexer » cette pensée qui respectait la foi chrétienne mais ne la partageait pas, nous pensons avec l’ensemble de la communauté scientifique de l’IEPM qu’il appartient aux chrétiens d’aujourd’hui de reprendre le flambeau de cette révolte existentielle. Le monde d’aujourd’hui, et particulièrement notre pays la France, ont besoin de ce sursaut existentiel des chrétiens pour échapper au désespoir ou à une forme de folie qui peut conduire à la destruction.

L’art de la résistance existentielle est le plus difficile qui soit. En résistant, au nom de l’esprit, aux formes et aux forces qui nous paraissent le menacer, nous courons le risque, non seulement de passer pour des réactionnaires obtus et routiniers, ce qui n’est rien, mais encore de nous tromper sincèrement de combat et confondre la résistance de l’esprit avec l’esprit de résistance, ce qui compromettrait sans remède la cause que l’on voudrait défendre. On peut ainsi résumer la nature du drame vécu par l’Occident chrétien et que nous désignons généralement sous le vocable de crise de civilisation.

Pour faire face aux dangers que perçoivent beaucoup de Français et juguler à la fois l’insécurité et ses conséquences violentes, l’arrêt de l’immigration comme la volonté de rendre compatible l’Islam aux lois de la République peuvent techniquement sembler utiles mais resteront des mesures totalement inefficaces si la France et les français ne savent plus proposer un projet et un destin partagé, ce que nous pouvons présenter comme une tradition.

La Tradition, notre « art de vivre à la française », ne vit que par la participation de chaque français, en effet, c’est qu’en réalité aucune tradition ne tient et ne dure par elle-même. La tradition n’a d’autre force que celle de notre fidélité, elle n’existe et ne vit que de notre existence et de notre vie. Que nous cessions de lui donner forme en la pratiquant et, immédiatement, la voici renvoyée au néant. Dans son sens absolu, la tradition est une permanence et un projet, en un mot une conscience collective : le souvenir de ce qui a été juger bon, beau ou vrai, avec le devoir de le transmettre et de l'enrichir. Il s’agit des valeurs, des coutumes et des manifestations culturelles qui sont conservées socialement du fait d’être considérés estimables et que la communauté souhaite transmettre aux nouvelles générations.

La tradition attend que nous nous donnions à elle. Totalement impuissante à nous contraindre, elle n’espère qu’en la noblesse native d’un Homme capable de se donner à ce qui le dépasse, capable de suspendre les sollicitations de l’immédiat et de l’utile, pour devenir le serviteur de l’invisible et du Transcendant. Depuis maintenant plus de deux siècles, l’idéologie progressiste nihiliste s’acharne à vouloir libérer l’être humain des traditions dont ils disent qu’elles l’écrasent ou l’aliènent, afin qu’il puisse redresser sa tête sous un ciel désormais solitaire. Ce faisant, il ne se rend pas compte qu’il se prive précisément de tout ce qui, dans l’ordre religieux ou politique, lui permettrait de ne pas s’effondrer. L’individualisme que cette idéologie a favorisé, affaibli considérablement notre société, la rendant très vulnérable. La verticalité spirituelle n’est jamais acquise, l’Homme n’en est jamais le possesseur. La persévérance et la fidélité, sans le souci d’en obtenir une récompense, sont bien la traduction de l’amour et de la générosité. On retiendra donc que l’Homme qui possède déjà une noblesse native qui, en se donnant à ce qui le dépasse, et en se mettant au service du Transcendant, acquiert, juste à ce moment-là, la dignité de son engagement.

Il nous semble percevoir naitre, en ce début de campagne pour l’élection présidentielle, un mouvement social d’auto-défense culturelle. Saura-t ’il s’attaquer aux racines du mal profond dont souffre notre société, est-il viable et comment va-t-il s’organiser ? Les prochaines semaines et mois seront intéressants à observer.

Conserver la France n'est rien d'autre qu'un retour à une forme de normalité. Mais le système politique idéologiquement dominant est allé tellement loin dans la déconstruction culturelle, la tolérance coupable et l'inversion du réel que ce retour à la normale paraîtra pour beaucoup d'une violence inouïe.

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