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La France face au spectre de la guerre civile : la résilience nationale est-elle en train de trouver ses limites ?
©REUTERS/Pascal Rossignol

Conflit armé

Après un troisième attentat d'ampleur, le 14 juillet dernier, la résilience tant soulignée et acclamée de la société française pourrait essuyer un choc considérable. Si la majorité de la population fait preuve de sang-froid, il suffit parfois d'une minorité agissante pour mettre le feu aux poudres.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Entendu par la commission de la Défense nationale de l’Assemblée Nationale, Patrick Calvar, le patron de la DGSI, déclarait le 10 mai dernier : "Les extrémismes montent partout et nous sommes nous, services intérieurs, en train de déplacer des ressources pour nous intéresser à l’ultra-droite qui n’attend que la confrontation. Et cette confrontation, je pense qu’elle va avoir lieu. Encore un ou deux attentats et elle adviendra. Il nous appartient donc d’anticiper et de bloquer tous ces groupes qui voudraient, à un moment ou à un autre, déclencher des affrontements intercommunautaires [1] . Ce diagnostic déjà très inquiétant, car émanant d’un ponte du renseignement intérieur allait encore être noirci quand le même Patrick Calvar lâcha quelques semaines plus tard, et toujours devant des députés, la phrase suivante : "Nous sommes au bord de la guerre civile" [2] . Rapportés quelques jours seulement après le meurtre d’un couple de policiers dans les Yvelines et l’arrestation en Ukraine d’un Français en possession d’un stock d’armes de guerre qu’il comptait utiliser pour attaquer différents objectifs, dont une mosquée, ces propos allaient susciter un large écho dans la presse. Au lendemain de l’attentat de Nice, ces déclarations entre en résonance avec une inquiétude largement répandue dans la société.

1 - Le spectre de la guerre civile hante les esprits

Mais en réalité, le spectre de la guerre civile sur une base d’affrontements communautaires plane depuis un moment sur la société française et hante les esprits de toute une partie de la population. Un tel scénario sert par exemple de toile de fond au roman de Michel Houellebecq, Soumission [3], dont la parution coïncida avec les attentats de janvier 2015. Comme le relève Jérôme Sainte-Marie dans son livre Le Nouvel ordre démocratique [4], on retrouve également cette image d’une France balkanisée en proie à des violences entre milices d’extrême-droite et groupes armés islamistes dans le roman d’Olivier Rolin, Les évènements [5]. Si Olivier Rolin est classé à gauche, la thématique de la guerre civile communautaire revient également fréquemment chez des auteurs de droite comme Eric Zemmour ou Ivan Rioufol. Ce dernier avait par exemple intitulé un billet posté sur son blog en date du 7 janvier 2015 (après l’attentat de Charlie Hebdo) : "Une guerre civile menace la France", texte dans lequel il précisait : "La France est en guerre. En guerre civile peut-être demain. Son ennemi est l’islam radical».

A la suite de ces attentats, la représentation d’une communautarisation accentuée de certains quartiers ou villes comme stade préalable et annonciateur d’un basculement vers le terrorisme ou la guerre civile fut abondamment utilisée par toute une série de responsables politiques de la "droite dure". Jean-Paul Fournier, le maire Les Républicains de Nîmes, ville dont Lunel [6] n’est pas très éloignée, évoqua au lendemain des attentats du 13 novembre "une guerre civile en France". Même tonalité chez Lionnel Luca, député Les Républicains des Alpes-Maritimes : "Ce soir Paris, c’est Beyrouth ! Logique pour un pays en voie de libanisation. Nous paierons cher notre lâcheté face au communautarisme !". Philippe de Villiers, quant à lui, imputait cet "immense drame de Paris au laxisme et à la "mosquéisation" de la France". Cette grille de lecture n’était pas l’apanage de certains responsables politiques, de nombreux Français la partageaient. Ainsi par exemple, si Lionnel Luca faisait référence au cas libanais pour pointer les risques d’un conflit confessionnel dans une société devenue communautarisée, un agriculteur à la retraite vivant à Amfreville, petit village de l’Eure, interrogé en décembre 2015, dans le cadre d’un article du Figaro, mobilisait une autre référence historique toute aussi parlante "Un jour, ça finira en France comme en Yougoslavie avec une guerre civile entre musulmans et chrétiens. On ne peut pas s’entendre." [7]

Quelques semaines plus tard, survenaient les violences dans le quartier sensible des Jardins de l’Empereur à Ajaccio au cours desquelles plusieurs centaines d’habitants des autres quartiers de la ville monteront manifester plusieurs jours de suite vers cette cité située sur les hauteurs de la ville dans lequel des pompiers avaient été victimes d’un guet-apens. Cette "mobilisation citoyenne" se transformera rapidement en une manifestation violente au cours de laquelle des voitures et un restaurant kebab seront endommagés. Une partie des émeutiers saccagera également une salle de prière musulmane et y brûlera des livres. La motivation de cette partie des manifestants n’était donc pas seulement de mettre la main sur les agresseurs des pompiers mais d’en découdre avec un ennemi, le "musulman", en attaquant son lieu de culte et cela dans le contexte post-13 novembre. Or selon une enquête de l’Ifop pour le site Atlantico [8], réalisée à la suite de ces évènements marquants, pas moins de 87% des personnes interrogées estimaient que ce genre de manifestations violentes ou d’expéditions punitives pourraient très bien se reproduire ailleurs en France… Ce chiffre massif démontre que le diagnostic d’une multiplication des affrontements communautaires partout en France était très largement partagé à la fin de l’année 2015 et que ces évènements ne furent pas principalement considérés comme l’expression radicalisée d’un nationalisme corse qui s’était imposé dans les urnes deux semaines plus tôt.  

Plus près de nous, d’autres indices témoignent de la prégnance de ce type de représentations. Ce sont par exemple, ces propos recueillis par Florence Aubenas [9] dans les Yvelines au lendemain du meurtre du couple de policiers  par un jeune Maghrébin ayant fait allégeance à Daesh : "la guerre est dans les têtes" selon un conseiller en médiation à Mantes-la-Jolie, à quoi répond en écho "on va vers une guerre civile" prononcée par une femme, croisée devant une école de Magnanville, commune où a eu lieu l’attaque. Quelques jours avant ce meurtre, amenés par les enquêteurs de l’Ifop à imaginer l’avenir du pays, un groupe d’électeurs marseillais tentés par le FN évoque "un scénario à la Houellebecq avec des partis musulmans radicaux au pouvoir, une guerre civile, qui serait certes un scénario catastrophe mais hélas assez plausible». Les sondages quantitatifs démontrent que la perspective d’affrontements communautaires et d’actes de représailles est partagée bien au-delà des seuls rangs frontistes.

Ainsi, dans un sondage réalisé quelques jours après l’attaque de Magnanville [10], 73% des interviewés jugent certain (19%) ou probable (54%) qu’en cas de nouveaux attentats menés par des terroristes islamistes dans les prochains mois, nous assisterons alors à des actions de représailles incontrôlées de la part d’individus qui voudraient "se venger ou se faire justice" en attaquant par exemple des mosquées, des commerces ou des quartiers fréquentés par la population musulmane. C’est parmi les sympathisants frontistes que ce scénario apparaît le plus plausible (82% dont 36% de "certainement") mais ce pronostic est également partagé par 79% des proches des Républicains, 76% de ceux du PS et par 68% de ceux du Front de Gauche.

2 - Une société prête à s’embraser ?

Si le risque d’embrasement communautaire semble bien hanter les esprits de toute une partie de la population est-on pour autant à la veille d’affrontements ? Contrairement aux services de renseignements, nous ne disposons pas d’éléments ou d’informations permettant de connaître et d’apprécier le degré de préparation et la volonté de passer à l’acte dans la mouvance de l’ultra-droite. Si ce milieu semble constituer une source d’inquiétude majeure pour les autorités, on peut également penser que des actions de représailles aveugles ciblant des lieux fréquentés par les populations issues de l’immigration ou de confession musulmane pourraient également être le fait d’individus extérieurs à cette mouvance et/ou que des opérations de vengeance fomentées par des groupuscules d’extrême-droite reçoivent le concours (par exemple dans le cas d’une manifestation comme celle d’Ajaccio) ou soient copiées et imitées par un public plus large, ce qui aurait pour conséquence une démultiplication de l’impact de tels actes, l’ultra-droite ayant en quelque sorte allumé la mèche d’un baril de poudre prêt à exploser.

Il convient dès lors de s’interroger sur l’état des tensions et le degré de conflictualités existant dans l’opinion. Quel regard porte-t-on sur les musulmans et l’islam et est-ce que ce regard s’est durci au cours de l’année 2015 à la suite des attentats ? Les données d’enquête de l’Ifop n’indiquent pas de détérioration de l’image de la population musulmane consécutive aux attentats. Toutefois, cette image était et reste très négative. Ainsi par exemple, comme le montre le graphique suivant [11], l’idée que les musulmans et les personnes d’origine musulmane ne sont pas bien intégrés en France (ce déficit d’intégration pouvant être perçu comme servant de terreau à la radicalisation de certains individus) est très largement partagée mais n’a pas du tout gagné de terrain supplémentaire dans l’opinion depuis plusieurs années.

Une certaine stabilité prévaut également quand on questionne sur l’influence et la visibilité de l’islam en France. 55% des sondés pensaient en décembre 2010 qu’elles étaient trop importantes, cette proportion a grimpé à 60% en octobre 2012 et l’on a ensuite enregistré une nouvelle progression cette année pour atteindre 63%. Qu’il s’agisse des lieux de culte ou du port du voile dans la rue, deux tiers des Français perçoivent aujourd’hui l’Islam comme trop présent et pour tout dire comme envahissant. Mais ce jugement prévalait déjà avant les attentats et la progression de l’adhésion à cet item entre les deux dernières enquêtes n’a été que de 3 points, ce qui est assez peu.

D’autres données d’enquête confirment que l’image de l’islam et des musulmans n’a pas foncièrement évolué à la suite des attentats de novembre. Au lendemain de ces terribles attaques, la capacité à ne pas se laisser aller à l’association de chaque musulman à un terroriste demeurait très largement partagée, 67% des personnes interrogées adhéraient à l’idée selon laquelle "il ne faut pas faire d’amalgame, les musulmans vivent paisiblement en France et seuls des islamistes radicaux représentent une menace" [12]. Et comme on peut le voir dans le graphique suivant, cette opinion avait même progressé de 4 points à la suite des attentats, retrouvant ainsi le niveau de janvier 2015 post-Charlie.

Si durant toute cette année 2015, le rapport de force est donc resté relativement équilibré en dépit d’évènements particulièrement lourds et si l’amalgame, stade précurseur à la commission potentielle d’actes de représailles ou de vengeance sur des musulmans, est demeuré nettement minoritaire, entre un quart et un tiers des Français (28%) campe néanmoins sur une position dure selon laquelle : "L’Islam représente une menace". Cette opinion est donc très nettement minoritaire et notre pays n’est donc pas prêt à un basculement généralisé dans la confrontation. Pour autant, ces 28% représentent une minorité importante. On sait en effet que l’éclatement de troubles et la montée d’un climat d’affrontements communautaires est souvent le fait de minorités radicalisées dont les actes peuvent enclencher un cercle vicieux et une propagation mimétique des violences [13]. Même si ces 28% de Français qui perçoivent l’islam comme une menace ne sont pas, loin s’en faut, massivement prêts à la confrontation, ils constituent néanmoins un vivier conséquent dans lequel une frange minoritaire pourrait être tentée par la violence à la suite de nouveaux attentats et notamment par exemple dans le cas où une école ou une crèche serait attaquée, événement qui produirait sans doute un choc et une colère immense dans la population.

Cette proportion de personnes percevant l’Islam comme une menace atteint 60% parmi les sympathisants du FN, 31% parmi ceux des Républicains et quand même 19% dans les rangs de l’électorat PS. Sociologiquement parlant, cette grille de lecture est la plus présente auprès des ouvriers (42%) et devient moins fréquente lorsque l’on s’élève dans la hiérarchie sociale : 26% auprès des professions intermédiaires et 18% seulement parmi les cadres supérieurs et les professions libérales. On voit donc que c’est dans les milieux populaires et parmi l’électorat frontiste que les profils les plus islamophobes se recrutent, même si cette opinion prévaut également à un degré moindre dans d’autres compartiments de la société française.

Le climat d'opinion est ainsi hautement inflammable dans une minorité importante de la population française. Les réactions observées au lendemain des événements d’Ajaccio en décembre 2015 nous en apportent la confirmation. Le sondage Ifop pour Atlantico.fr [14] réalisé à l’époque, indiquait ainsi que si 41% des Français condamnaient cette manifestation violente, 42% disaient la comprendre sans pour autant l’approuver quand 17% l’approuvaient sans réserve. Ces deux derniers chiffres dénotent certes l’exaspération d’une très large part de l’opinion publique face aux violences urbaines et notamment quand des pompiers sont agressés, scénario se répétant hélas un peu partout en France. Mais ils traduisent également la très puissante demande de reprise en main de ces quartiers par la puissance publique a fortiori dans le contexte actuel ou ces territoires sont de plus en plus perçus comme des foyers potentiels du djihadisme, comme en témoigne la polémique sur les "Molenbeek français". Sans surprise, c’est parmi les sympathisants frontistes que la condamnation était la plus faible (30%). Le parti publiera d’ailleurs le communiqué suivant : "Quand les citoyens ont le sentiment légitime que l’Etat ne fait plus régner l’ordre républicain, quand ils voient des pompiers et des policiers pris en embuscade dans un des innombrables ghettos que compte la France, il y a le risque évident qu’ils veuillent se faire justice eux-mêmes" (c’est nous qui soulignons). Si l’électorat FN est donc en pointe, on constate également que 43% des sympathisants Les Républicains "comprennent" et 20% "approuvent" et que parmi les soutiens du PS, il ne se trouve que 55% des interviewés pour condamner sans réserve, 40% comprenant et 5% approuvant les actes de violence commis par une foule en colère contre les habitants maghrébins de ce quartier des Jardins de l’Empereur.

La seconde question du sondage portait plus précisément sur l’attitude vis-à-vis du saccage de la salle de prière musulmane. La condamnation grimpait alors sensiblement passant à 57% contre 41% pour la seule manifestation. Mais il se trouvait donc 43% pour ne pas condamner la dégradation et l’attaque d’un lieu de culte musulman : 32% déclarant comprendre sans approuver et 11% allant jusqu’à approuver sans réserve.

Ces résultats impressionnants sont très révélateurs du climat régnant un peu plus d’un mois après les attentats de Paris. Ils montrent également que si la condamnation est massive à gauche (69% parmi les sympathisants du Front de gauche et 77% parmi ceux du PS), une minorité non négligeable d’électeurs de gauche (entre 23% et 30%) ne condamne pas. De la même façon, la "compréhension" monte à 41% dans les rangs des Républicains, ce à quoi il faut ajouter 11% d’approbation. L’approbation atteint son paroxysme parmi les sympathisants frontistes (36%) avec 43% qui comprennent par ailleurs sans approuver, 21% condamnant tout de même le saccage de ce lieu de culte musulman. Au regard de ces chiffres, on voit comment la grille de lecture de l’islam comme menace s’est ancrée dans toute une partie de la population et que l’approbation de tels actes de représailles existe dans une frange non négligeable de la population (11%). Une partie de ce public pourrait vraisemblablement passer à l’acte ou du moins participer à des manifestations violentes du type d’Ajaccio qui, selon le Directeur de la DGSI, pourrait survenir à la suite de nouveaux attentats, la multiplication et l’accumulation des attaques venant chauffer à blanc ce public déjà très radicalisé. On notera à ce titre que de telles manifestations ou émeutes ne se sont produites ni en janvier ni en novembre 2015 après les deux séries d’attentats mais qu’en revanche, les attaques de Bruxelles en mars 2016 ont engendré des répliques. Le dimanche 27 mars, la cérémonie d’hommage aux victimes dans le centre de la capitale belge fut perturbée par le défilé de plusieurs centaines de militants nationalistes et de hooligans et quelques jours plus tard, le 2 avril, plusieurs groupuscules d’extrême-droite tentèrent d’organiser une marche à Molenbeek [15]. On pouvait ainsi lire sur le site de Génération Identitaire : "Il est grand temps d’en finir avec les "Je suis", les bougies et les marches blanches pour enfin sonner le signal de la Reconquête [16]". Bien que la manifestation ait été interdite, des militants se rendirent sur place et un face à face tendu opposa forces de l’ordre, manifestants d’extrême-droite et contre-manifestants et jeunes de Molenbeek.

Nous avions mis en lumière dans un précédent travail les grandes proximités des opinions publiques française et belge (et particulièrement wallonne) [17]. Sur de nombreux sujets, le regard porté est très proche et l’on peut penser que la réaction de la frange la plus droitière de la société belge aux attentats de Bruxelles pourrait préfigurer l’attitude de son homologue française en cas d’une troisième série d’attentats sur notre sol. Le fait d’ailleurs, que ce soit un groupe français, Génération Identitaire, qui soit à l’origine de l’appel à manifester, constitue un élément supplémentaire accréditant ce scénario.

Les chiffres du sondage Ifop réalisé pour Atlantico après le double-meurtre de policiers à Magnanville et qui révélaient que 73% des Français jugeaient probables des actions de représailles, démontrent par ailleurs que si des groupuscules passaient à l’action, ils pourraient bénéficier d’une certaine bienveillance de la part d’une frange de la population. En effet, interrogés sur leurs réactions si de telles actions de représailles incontrôlées se produisaient, seulement 51% les condamneraient, 39% les comprendraient sans pour autant les approuver et 10% les approuveraient. Ces chiffres démontrent clairement qu’un potentiel de confrontation existe aujourd’hui dans la société française et que la série d’attentats qui a visé notre pays a ébranlé et fissuré en profondeur le rempart républicain. Nous en voulons pour preuve le fait que la réaction instinctive de condamnation de ce type de violence aveugle n’irait pas de soi pour des pans entiers de groupes sociaux pourtant traditionnellement très modérés et réprouvant la violence. A la suite d’une troisième série d’attentats, 36% des cadres supérieurs et des professions libérales, 39% des titulaires d’un diplôme supérieur à Bac+2 et 57% des catholiques pratiquants ne condamneraient pas sans ambages des attaques de lieux de culte, de commerces ou de quartiers fréquentés par des musulmans. Non seulement la condamnation ne serait pas unanime, y compris dans ces milieux, mais une minorité significative s’élevant à 10% de la population, les approuveraient. Ramené sur la base de la population âgée de 18 ans et plus, ce chiffre correspond à un volume de pas moins de 4,5 millions de personnes… A ce stade, il est bien entendu difficile de se livrer à une évaluation précise du corps de bataille dont pourraient disposer les groupes qui souhaiteraient en découdre. Mais au sein de cette masse très volumineuse, on conçoit aisément qu’une frange de plusieurs dizaines de milliers d’individus pourrait sans doute passer à l’acte ou se joindre à des émeutes ou des incidents violents qui pourraient survenir. Si l’on retient par exemple l’hypothèse selon laquelle ne serait-ce que 1% des personnes qui approuveraient ce type d’opérations de représailles aveugles y participent nous arrivons au chiffre de 45.000 individus [18], chiffre qui donne une idée de l’ampleur des violences et du nombre d’actions qui pourraient alors se produire un peu partout sur le territoire.

Signe de l’état de tension et d’anxiété régnant actuellement dans la population, ce scénario noir d’une généralisation des affrontements semble plausible et probable à 81% des 73% d’interviewés qui pensent que des actions de représailles aveugles pourraient avoir lieu à la suite d’une troisième série d’attentats. Si l’on recalcule sur la base de l’ensemble de la population, 59% (soit 81% de 73%) de la population qui jugent que la situation pourrait alors dégénérer et donner lieu à des affrontements violents entre communautés un peu partout en France.

Il convient de remarquer que ce scénario de guerre civile sur base communautaire est précisément l’objectif avoué des théoriciens djihadistes. Comme le montre Gilles Kepel dans son dernier livre [19], Abu Musab-al-Suri a notamment pensé ce processus dans l’Appel à la résistance islamique mondiale. A la suite d’une campagne d’attentats visant notamment des rassemblements sportifs ou festifs, les stratèges du djihad escomptent que des actions de représailles viseront de manière indistincte les musulmans et qu’en allant crescendo, ces actes de vengeance viseront à terme tous les musulmans, lesquels rompraient alors leurs liens avec le reste de la population pour se placer sous la bannière des combattants djihadistes. Les sociétés européennes se fractureraient alors et les zones ou les quartiers musulmans rentreraient en résistance. A partir de là, une "guerre d’enclaves" (on retrouve donc une vision très proche de celle véhiculée par le FN) pourra être développée aboutissant à terme à une guerre civile prenant la forme d’un affrontement entre territoires homogènes sur le plan ethno-religieux.

3 - Quel est le niveau de violence dans la société et comment a-t-il évolué depuis les attentats ?

Dans ses déclarations, Patrick Calvar évoquait le risque que des membres de groupuscules d’extrême-droite passent à l’acte. D’après Jean-Yves Camus et Nicolas Lebourg, spécialistes de l’extrême-droite, la capacité terroriste de groupes n’est pas évidente même si l’éclatement de la mouvance complique le travail des services de renseignement et même si à la suite de la dissolution de certaines organisations (comme Troisième Voie, les Jeunesses nationalistes et l’Oeuvre française, dissoutes en 2013 après le meurtre du militant antifa Clément Méric) des individus hors structures et non encadrés pourraient recourir à des actions violentes [20].  Quelques personnes appartenant à cette mouvance, et également impliquées dans le trafic d’armes, ont d’ailleurs été arrêtées ces derniers mois, mais aucune attaque à dimension terroriste n’a été répertoriée à ce jour.

Si les groupuscules d’ultra-droite ne se sont donc pas signalés par la commission de faits spectaculaires qu’en est-il de la violence anti-musulmane que l’on pourrait qualifier de "plus basse intensité" ou du "quotidien" ? Les chiffres publiés par la DILCRA constituent un bon thermomètre pour appréhender ce phénomène même si tous les actes ou menaces commis sur le territoire ne sont pas recensés. Avec 429 actes et menaces répertoriés, les actes antimusulmans en 2015 ont augmenté de 200% par rapport à 2014 où l’on avait dénombré "seulement" 133 faits. Ce volume de 429 actes et menaces est le plus important relevé depuis la mise en place de ces statistiques en 2012. Signe d’une extrême sensibilité d’une partie de la population, une forte augmentation des actes et des menaces contre les musulmans a été observée aux mois de janvier et de novembre 2015, consécutivement aux attentats terroristes. Ces deux mois représentent 58% du nombre total des actes commis sur l’ensemble de l’année 2015.

Bien que 1000 des 2500 lieux de culte musulmans soient actuellement protégés par les forces de l’ordre, un certain nombre d’entre eux ont fait l’objet d’attaques ou de dégradations. Dans la nuit du 7 au 8 janvier 2015 par exemple, soit quelques heures seulement après l’attaque contre Charlie Hebdo, un homme tirait à la carabine et lançait des grenades d’exercice contre la mosquée des Sablons, quartier populaire du Mans (Sarthe). Le 23 août, deux jours après l’attentat raté contre le Thalys, la mosquée d’Auch dans le Gers était incendiée. A Créteil, le 14 novembre au matin, des croix peintes en rouge étaient découvertes sur les murs de la mosquée, le forfait ayant été commis quelques heures après les attentats. Le lendemain, c’est à Pontarlier dans le Doubs qu’on retrouvait une croix gammée tracée sur le mur de la mosquée et du jambon et du lard devant la porte d’entrée. Un tag "France réveille-toi" était inscrit le même jour sur la salle de prière musulmane d’Oloron-Sainte-Marie (Pyrénées-Atlantiques).

Mais, les lieux de culte n’ont pas été les seuls visés loin s’en faut. Le 15 novembre, dans la soirée, trois personnes tireront des coups de feu contre un kebab à Blaye (Gironde). Le 13 au soir, à Barentin (Seine-Maritime), un autre restaurant kebab verra sa vitrine attaquée à coups de pierres. Les agressions viseront parfois directement des personnes comme par exemple à Marseille où une jeune femme portant le hijab était attaquée dans le métro en raison de sa tenue vestimentaire le 15 novembre. Enfin, à Cambrai (Nord), le 14 novembre dans la soirée, un homme d’origine turque se trouvant devant la vitrine d’un kebab, était blessé par un tir de petit calibre effectué par des individus circulant en voiture.

Ces attaques et agressions enregistrées au mois de novembre dénotent un climat préoccupant mais ces deux graphiques montrent cependant que les attentats de novembre, qui ont pourtant fait beaucoup plus de victimes que ceux de janvier, ont entraîné en réaction moins d’actes anti-musulmans qu’en janvier, comme si le fondement religieux des attentats de novembre et le lien avec l’islam apparaissaient un peu moins évidents qu’au moment de Charlie. 178 menaces ou actes anti-musulmans ont ainsi été enregistrés en janvier 2015 contre "seulement" 74 en novembre 2015 [21]. Cette tendance a été confirmée par la suite puisque les 4 premiers mois de l’année 2016 ont été marqués par une décrue spectaculaires par rapport au début de l’année 2015.

Ces derniers mois, les courbes des actes et des menaces recensés par la DILCRA allaient ainsi retrouver des niveaux beaucoup plus faibles et conformes aux tendances observées hors période de tension comme en 2012, 2013 et 2014.

Autre indicateur d’une moindre exacerbation des tensions communautaires qu’en janvier 2015,  les rassemblements organisés après le 13 novembre dans différentes communes de banlieues comptèrent beaucoup plus de participants qu’en janvier. A cette réaction des citoyens de base a répondu une mobilisation inédite du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) qui adopta à l’unanimité le principe d’un prêche unitaire et national pour condamner l’idéologie djihadiste et rappeler l’attachement indéfectible des musulmans à la République. Ce texte fut lu le vendredi 20 novembre dans les 2500 mosquées et salles de prières de France. Et le 30 novembre, les plus hauts responsables de l’islam de France, habituellement divisés, se retrouvèrent à l’Institut du Monde Arabe. Cette séance exceptionnelle intitulée "Rassemblement citoyen des musulmans de France. Tous ensemble contre le terrorisme" rassembla plusieurs centaines de personnes. Dans le même ordre d’idées, les 8 et 9 janvier 2016, le CFCM organisa une opération porte-ouverte dans toutes les mosquées de France dans lesquelles un "thé de la fraternité" fut servi. Cette opération fut un succès, Anouar Kbibech, le Président du CFCM évoquant les chiffres de 2000 visiteurs à Strasbourg, 3000 à Nantes et environ 10000 à la grande mosquée de Paris au cours du week-end.

Plus récemment, le 19 juin dernier, entre 3000 et 4000 personnes se sont rassemblées à l’appel du collectif des mosquées du Mantois pour une marche à la mémoire du couple de policiers assassinés à quelques kilomètres de là par Larossi Abballa. Certains observateurs, comme Florence Aubenas par exemple [22], ont vu dans la tenue de pas moins de cinq hommages différents (celui des collègues policiers, celui des habitants de Magnanville, celui des musulmans à Mantes-la-Jolie etc…) la fin de l’esprit Charlie comme si l’heure n’était plus à l’union [23]. Mais on peut aussi voir dans le nombre important de participants à cette marche et dans son mot d’ordre "Mobilisons-nous contre la barbarie" et la volonté de rendre hommage "à deux compatriotes qui rendaient service à la nation" [24], le fort attachement des musulmans français à la République et leur rejet de l’idéologie djihadiste ou pour reprendre les mots de Pierre Manent une rupture avec leur posture de "passivité et de réserve" et leur volonté "de se donner franchement et comme tels au corps politique que nous formons." [25]

Conclusion :

D’autres chiffres, symboliquement très marquants, démontrent également cet attachement que portent de très nombreux jeunes Français issus de l’immigration au modèle républicain et plus encore à l’idéal patriotique. 7 de nos 77 soldats tombés en Afghanistan [26] entre 2001 et 2015 étaient issus de l’immigration, soit une proportion de près de 10% des pertes françaises. Les trois soldats tués par Mohamed Merah : Imad Ibn Ziaten, Abel Chennouf et Mohamed Legouad étaient également tous trois d’origine maghrébine tout comme Ahmed Merabet, le policier abattu devant les locaux de Charlie Hebdo par les frères Kouachi.

La réalité est donc complexe et présente un double visage car parallèlement à cela, le gouvernement communique régulièrement sur l’ampleur du phénomène djihadiste dans la société française. En mai 2016, le Premier ministre indiquait ainsi que 635 ressortissants français étaient présents dans la zone irako-syrienne, que 244 en étaient revenus et que près de 10000 individus faisaient l’objet d’un fiche "s" pour radicalisation islamiste dont 2000 particulièrement dangereux, en relation avec les filières irako-syriennes. Signe d’une implication non démentie des Français dans les rangs de Daesh, le nombre de djihadistes français morts au combat en Syrie et en Irak ne cesse de s’élever depuis 2 ans d’après les chiffres communiqués par le Ministère de l’Intérieur.

La dualité de la situation et son caractère ambivalent ressortent tout autant quand on considère la population française dans son ensemble. Comme on l’a vu, les sondages n’ont pas mesuré de poussée d’islamophobie au cours de l’année 2015 (l’image de l’islam demeurant aussi négative qu’avant) et les actes contre les musulmans ont été bien moins nombreux à la suite des très meurtriers attentats de novembre, qu’en janvier 2015. Les chiffres de la DILCRA traduisent de surcroît une décrue spectaculaire de ce phénomène très préoccupant sur les premiers mois de l’année 2016. Mais en même temps, si la situation apparaît sous contrôle et si le centre de gravité de la société n’a pas été déstabilisé par ces attaques, une partie de la population, certes minoritaire mais néanmoins suffisamment nombreuse, est chauffée à blanc. A d’autres périodes tendues de notre histoire, le diagnostic d’une marche vers la guerre civile a déjà été formulé, on pense par exemple au livre d’Alain Geismar, Serge July et Erlyne Morane "Vers la guerre civile" publié en 1969, sans que le pays ne sombre pour autant dans un tel scénario. La capacité de résilience de la société française est grande mais le feu couve cependant sous la cendre.

  • [1] Manuel Valls tiendra des propos similaires dans Paris Match le 16 juin 2016 : "Je pense très sérieusement que nous aurons à affronter la menace terroriste, mais aussi la violence de l’ultra-gauche à travers les zadistes de toutes sortes, celle des groupes identitaires de l’extrême droite. Ceux qui gouvernent doivent intégrer tous ces éléments."

  • [2] Cf "Quand le patron de la DGSI évoque un risque de "guerre civile"" in Le Figaro du 25/06/2016

  • [3] Flammarion, 2015

  • [4] Les éditions du moment, 2015

  • [5] P.O.L, 2015

  • [6] Cette petite ville de l’Hérault a défrayé la chronique à la suite du départ en Syrie d’une vingtaine de ses jeunes, dont certains trouveront la mort au combat.

  • [7] Cf "Amfreville, le Front National aux champs", in Le Figaro, 09/12/2015

  • [8] Sondage réalisé par internet du 28 au 29 décembre 2015 auprès d’un échantillon représentatif de 1014 personnes.

  • [9] In "Magnanville : les fractures françaises au grand jour" in Le Monde 21/06/2016

  • [10] Sondage Ifop pour Atlantico réalisé par internet du 28 juin au 1er juillet 2016 auprès d’un échantillon de 10004 personnes.

  • [11] Sondage Ifop pour Le Figaro réalisé par internet du 17 au 18 avril 2016 auprès d’un échantillon national représentatif de 1008 personnes

  • [12] Sondage pour Atlantico.fr réalisé par internet du 20 au 23 novembre 2015 auprès d’un échantillon national représentatif de 1002 personnes.  

  • [13] On rappellera par exemple que dans les années 80 et 90, au Pays Basque espagnol la lutte armée de l’ETA et la guérilla urbaine (Kale Borroka) menée par les indépendantistes basques radicaux n’étaient soutenues que par environ 10 à 15% de la population qui votaient pour Henri Batasuna, le bras politique de l’ETA. Pour autant, la société basque dans son ensemble vécue durant toutes ces années dans un climat de vives tensions s’apparentant à certaines périodes à une forme de guerre civile.

  • [14] Sondage réalisé par internet du 28 au 29 décembre 2015 auprès d’un échantillon représentatif de 1014 personnes.

  • [15] Le principe d’une telle marche n’est pas sans rappeler les traditionnelles marches organisées par les Orangistes (loyalistes protestants) dans les quartiers et les villes catholiques d’Irlande du Nord. Ces marches, officiellement organisées pour commémorer différents évènements historiques, constituent en fait des démonstrations de force visant à réaffirmer la domination des protestants sur tout le territoire de l’Ulster, y compris dans les zones catholiques. De ce fait, ces parades entraînent régulièrement des affrontements et des violences.

  • [16] L’emploi du terme Reconquête avec un "R" majuscule fait manifestement référence à la Reconquista espagnole au cours de laquelle les Rois catholiques chassèrent les Maures d’Espagne. Cette référence guerrière en dit long sur l’état d’esprit qui anime ce groupuscule. 

  • [17] Cf : "Wallons, suisses romands et Français : une étonnante communauté de pensée" - Ifop focus n°89. Juillet 2013.

  • [18] On peut aboutir à une fourchette beaucoup plus haute en partant d’un autre résultat marquant de cette étude. Parmi les 19% qui estiment "certaine" la survenue de tels actes, on constate que la proportion de ceux qui les approuveraient est 2,5 supérieure à la moyenne (24% au lieu de 10% en moyenne). On peut penser qu’une bonne partie de ces personnes qui approuveraient sans réserve ces violences de représailles tout en jugeant leur survenue comme certaine les souhaitent et les attendent… Or, ces personnes représentent 4,5% de la population totale (soit 24% de 19%).

  • [19] Cf. "Terreur dans l’Hexagone" - G. Kepel avec A. Jardin Gallimard 2015.

  • [20] Cf "Attentats : la peur de la réplique de l’ultra-droite" in L’Express 26/05/2016.

  • [21] On relèvera également que les attaques de Mohamed Merah, qui n’avaient été décodées dans un premier temps comme des actes terroristes, n’avaient pas suscité de flambée antimusulmane. Les réactions avaient été plus nombreuses en septembre/octobre 2012 à la suite de la publication de nouvelles caricatures de Mahomet dans Charlie Hebdo et du démantèlement de la cellule de Cannes-Torcy. Un pic fut également enregistré en novembre 2013 en raison d’une forte actualité médiatique et polémique autour de l’islam : le 9 octobre 2013, l’Express intitulait sa couverture "Islam : le danger communautariste", en novembre un nouveau jugement tombait dans l’affaire Baby-Loup et la rédaction de Charlie Hebdo publiait un article contre le procès en islamophobie qui lui était fait à cette période.

  • [22] cf "Magnanville : les fractures françaises au grand jour" in Le Monde 21/06/2016

  • [23] On notera que ce territoire des Yvelines est très contrasté démographiquement depuis longtemps avec une importante population issue de l’immigration résidant à Mantes-la-Jolie (et notamment dans le quartier du Val-Fourré) alors que la population d’origine étrangère est nettement moins nombreuse dans les communes limitrophes. Cette ligne de clivage se retrouve au plan électoral. Ainsi au 1er tour des régionales, la liste FN n’a obtenu que 19,2% à Mantes-la-Jolie, mais 34,4% dans la commune voisine de Mantes-la-Jolie (dirigée par le FN depuis 2014) et 30,5% à Rosny-sous-Seine et 30,3% à Buchelay, elles aussi communes limitrophes. Le score frontiste est encore plus impressionnant dans les deux petites communes de Guernes (41,3%) et de Follainville-Dennemont (41,4%), situées sur la rive opposée de la Seine. A Magnanville, où résidait le couple de policiers abattus, le FN atteint 33,9% au 1er tour.

  • [24] In "La leçon des musulmans de Mantes" in Libération 21/06/2016

  • [25] Cf Pierre Manent "Situation des musulmans français" in Commentaires n°152 – Hiver 2015.2016

  • [26] En plus de ces 77 soldats, 12 hommes de la Légion Etrangère ayant également perdu la vie. 

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