La droite face au défi du refus de l’intimidation morale<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen s'adresse à la presse à Hénin-Beaumont, le 20 juin 2022.
Marine Le Pen s'adresse à la presse à Hénin-Beaumont, le 20 juin 2022.
©DENIS CHARLET / AFP

Intimidation morale

Quelle que soit la stratégie retenue par LR in fine pour la répartition des postes et des commissions à l’Assemblée nationale entre partis d’opposition, le critère le plus mauvais pour en décider serait de le faire en intégrant l’hypocrite pression morale de ceux qui l’accusent gratuitement de pactiser avec le « diable » RN

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Alors que les tractations sont en cours pour savoir qui obtiendra la commission des finances, selon des informations du Figaro, un accord aurait été conclu autour d'un soutien LR au candidat du Rassemblement national à la présidence de la Commission des finances. Depuis, on reproche à LR de pactiser avec le RN sur le champ de la moralité, le RN étant jugé infréquentable. Quelle que soit la stratégie retenue par LR in fine pour la répartition des postes et des commissions à l’Assemblée nationale entre partis d’opposition, pourquoi LR ne doit-il pas se laisser dicter sa position sous la pression ?

Maxime Tandonnet : Cet exemple d’un éventuel dialogue entre LR et le RN au sujet de la présidence de la commission des finances est révélateur, même si cette information ne semble pas confirmée à ce stade. Au-delà de cette question ponctuelle, une logique d’exclusion d’un parti ou d’un autre n’est pas viable dans la nouvelle configuration politique et la fragmentation qui caractérise l’Assemblée nationale. Le président Macron a exclu LFI et le RN d’un accord de gouvernement en estimant que ces deux partis « n’étaient pas des partis de gouvernement ». Pourtant, selon l’article 3 de la Constitution, les représentants de la Nation (députés et sénateurs) ont pour mission d'exprimer la souveraineté nationale. Chaque député, individuellement, est un représentant de la Nation, nonobstant sa couleur politique. Il est détenteur d'une fraction de la souveraineté sur un strict pied d’égalité avec les autres membres de l'Assemblée nationale. Dans un Parlement éclaté où le RN comme LFI disposent d’une forte représentation de 89 ou 72 sièges, une exclusion morale de ces deux partis, qui sont des partis reconnus comme légaux, n’aurait aucun sens : elle revient à traiter une grande partie de l’électorat qui les a élus en paria. La donne a changé : on ne peut plus traiter des forces électorales aussi importantes et représentant une si grande partie de l’électorat par des cordons sanitaires.

Dans quelle mesure LR a-t-il eu trop tendance, par le passé, à se laisser intimider par des arguments de la gauche morale sur le sujet du RN plutôt que de clarifier en interne sa position ?

Le lepénisme constitue depuis quatre décennies une sorte de repoussoir, ou d’épouvantail de la vie politique française. L’obsession des partis politiques de droite est de ne pas être assimilé à cette formation considérée comme diabolique du fait de son identité, de son histoire, de la place qui joue une famille. François Mitterrand, à l’époque président de la République, a toujours manœuvré pour en assurer la promotion et piéger ainsi la droite classique. Les calembours de son créateur ont fortement contribué à le diaboliser. Ainsi, pendant des décennies, la droite classique a laissé au FN/RN le monopole de questions politiques pour éviter le risque d’être assimilé à ce parti : l’immigration, la sécurité, la Nation face à l’Europe. Où quand elle se hasardait à le faire, la gauche morale avec le concours des médias l’accusait de lepénisation, donc de connivence avec « le mal absolu ». Quarante ans de diabolisation et de cordon sanitaire ont profité au RN qui n’a jamais été aussi puissant, avec deux fois de suite, une candidate au second tour des présidentielles et désormais 89 députés.

Quels effets sur la droite ont pu avoir cette tendance de LR à se laisser dicter son comportement vis-à-vis du RN en raison d’arguments moraux et d’accusation de courir derrière le RN.? Notamment idéologiquement mais aussi électoralement ? A quel point cela a-t-il pu nuire à la droite ? 

Le RN a désormais conquis une partie de la place de la droite classique sur l’échiquier politique. Les défauts congénitaux du RN, sa démagogie, ses provocations, son népotisme familial se retournent en sa faveur. Une partie du pays, ancrée dans le rejet du « Système », s’est identifiée à sa gouaille antisystème. Déchirée entre la macronie et le parti lepéniste, la droite a ainsi perdu sa place de grande force de gouvernement ou d’alternance et se trouve réduite à n’être plus qu’une minorité à l’Assemblée nationale avec 69 députés. Il faut dire la vérité : elle a largement perdu la confiance du peuple. A force de vouloir coller au politiquement correct, sur la crise sanitaire, sur l’Europe, sur la nation, l’école, la sécurité ou les sujets migratoires, sur les services publics, elle a oublié de parler au peuple et s’est déconnectée de la France profonde. La manière dont elle a stupidement approuvé certaines mesures liberticides, inutiles et de pure gesticulation lors de l’épidémie de covid 19 –  destinées à « emmerder les non vaccinés » – est exemplaire de cette soumission à l’air du temps qui a fait sa perte.

Comment LR pourrait-il sortir de ce piège ? Et reposer la question de l’attitude à tenir vis-à-vis du RN de manière dans une considération qui soit politique et ou stratégique et non simplement morale ?

Le défi, pour la droite classique, c’est de réapprendre à s’adresser au peuple, à ses propres électeurs, mais aussi à ceux qui sont partis au RN ou chez Eric Zemmour et l’immense masse des abstentionnistes, le plus grand parti de France avec la majorité absolue de 54% ! Pour regagner la confiance, elle doit redevenir un mouvement populaire sans céder à l’intimidation et la peur d’être qualifiée de « populiste ». Il lui faut cesser d’être obsédé par les autres, le macronisme ou le lepénisme et tracer sa propre voie en s’adressant au peuple. La droite a un nouveau style à adopter, celui de responsables politiques qui ne sont rien d’autre que les serviteurs de la Nation et qui arrêtent une fois pour toute de se prendre pour des dieux de l’Olympe. Il lui faut se définir comme étant aux antipodes de toute forme d’arrogance jupitérienne, mais au contraire attachée au respect intransigeant du peuple – l’unique souverain. La réhabilitation de la démocratie doit être au centre de ses préoccupations par le recours au référendum et à la démocratie de proximité (communale). Un discours sobre de vérité doit se substituer à la fuite dans l’esbroufe quotidienne. C’est à l’écoute du pays profond qu’il lui revient de fonder son discours sur les grands thèmes de l’époque, la dette publique, la question sociale, la lutte contre le chômage et la pauvreté, l’école, la sécurité, la maîtrise des frontières, les services publics vitaux pour la vie quotidienne, la réforme de l’Europe.

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