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Silicon Valley Bank (SVB)
Silicon Valley Bank (SVB)
©REBECCA NOBLE / AFP

Crise économique

Les Etats font rarement faillite, seulement les dettes d’Etat mettent les banques à genoux via les montagnes d’obligations émises. Moralité, si on veut sauver les banques, il faudra s’attaquer au déficit public.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le sujet est complètement tabou. Il faudra pourtant bien le traiter si les banques continuent de tomber les unes après les autres. Et toutes les banques occidentales sont en risque, qu’on le veuille ou non. 

A priori, toutes ces difficultés ont peu de rapport entre elles, c’est du moins ce que les experts, les ministres de l’économie et les autorités de régulation nous expliquent. Ils ont raison, leur métier est de rassurer les clients pour éviter les Bankrun, c’est-à-dire les paniques généralisées.  A priori, ils ont raison parce les banques défaillantes ont toutes des spécificités qui leur sont propres et leurs maux sont assez peu contagieux. 

La première alerte a sonné chez Silvergate Bank qui a été placée en liquidation. Personne ne s’y attendait, sauf que Silvergate avait comme spécialité de gérer les opérations financières des sociétés de la sphère des cryptomonnaies. Après avoir essayé de répondre à la faillite de FTX, le champion du monde des cryptos et du metavers  n’a pas pu faire face aux demandes de retraits.
Le lendemain, jeudi, c’était Silicon Valley Bank (SVB) qui annonçait être en difficulté et qui sera fermée par les autorités américaines pour éviter l’affolement des clients, qui sont essentiellement des entreprises de la Tech, en majorité. 
Et puis en fin de weekend, c’est Signature Bank qui a dû fermer ses guichets à la demande des autorités américaines et Signature Bank était la deuxième banque spécialisée dans les cryptos. 

Les analystes du secteur ne sont qu’à moitié surpris. Le secteur des cryptos n’est ni contrôlé, ni régulé, ni sécurisé par des banquiers centraux. Personne n’est donc à l’abri d’une lame de fond. La défaite de FTX a sans doute servi de détonateur.
Les difficultés de la Silicon Valley Bank ont beaucoup plus inquiétantes. La Silicon Valley Bank, jusqu’alors 16e banque américaine en volume d’actifs, était l’interface financière de la plupart des acteurs de l’industrie digitale. Et l’industrie digitale donnait depuis quelques mois des signes de fébrilité avec beaucoup de signaux d’alerte qui passaient au rouge avec des capitalisations très variables, des hésitations stratégiques des gourous de cette industrie, dont Elon Musk, des levées de fonds difficiles après les années euphoriques, des vagues de licenciements, mal expliquées chez les ténors de la tech… 

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Mais surtout la remontée des taux d'intérêt : ce qui a fait chuter les valorisations et plomber les stocks d’obligations, empêche aussi les entreprises de la tech d’emprunter comme avant.

On touche là au vrai problème qui affecte l’ensemble du système bancaire et qui a fait tomber une des plus grosses et des plus emblématiques en Europe.

Les difficultés du Crédit Suisse, banque historique, ont fait l’effet d’une bombe dans les banques centrales et dans la plupart des établissements financiers. Alors bien sûr, la chute du Crédit Suisse n’est pas surprenante pour ceux qui connaissent bien cette banque suisse, mais disons que le milieu pensait qu’elle finirait par trouver des solutions et des repreneurs comme elle a toujours fait pendant plusieurs années. 

Pendant le week-end, le Credit suisse a trouvé des béquilles financières, des repreneurs fortunés et surtout, ce qui aurait pu être une catastrophe mondiale, a mobilisé toutes les banques centrales pour lui venir en aide. 

Alors pourquoi cette mobilisation générale ? Elle est systémique, tout le monde a intérêt à la sauver. 

Quand on fait l’autopsie du Crédit Suisse, on s’aperçoit qu’elle a accumulé beaucoup d’erreurs stratégiques, assez peu de diversification de risques, alors même qu’elle était confrontée à la régulation et aux mêmes contraintes des banques de l’Union européenne et grandes banques américaines depuis la crise des supprimes … 

Mais au fond du dossier, on trouve comme par hasard, des placements obligataires en proportion démesurée avec une hausse des taux d’intérêt, qui a mécaniquement déprécié le portefeuille d’actifs et de garanties. 

En fait, ce qui se passe aujourd’hui n’est que le résultat d’une équation mise en place depuis la crise financière de 2008.

1er point : les banques centrales ont ouvert les robinets de la création monétaire en abaissant les taux d’intérêt à zéro ou presque d’où un afflux de capitaux. 

2e point : l’activité économique a retrouvé un dynamisme fort partout dans le monde avec des levées de fonds record, dont le secteur des nouvelles technologies a été le principal bénéficiaire. 

3e point : les Etats, eux-mêmes, ont profité de cet argent magique pour augmenter le volume de dépenses publiques et sociales, d’où un gonflement des mécanismes de distribution. Avec un paroxysme au moment du Covid. Le quoi qu’il en coute n’a pas été une spécialité française.

4e point : la majorité des Etats se sont retrouvés avec des déficits abyssaux et par conséquent, des montagnes de dettes qu’il a fallu financer par des obligations d’Etat. 

5e point. Inondée d’obligations d’Etat, l’industrie financière mondiale a placé ces produits d’épargne auprès de leurs clients (des entreprises et des particuliers), jusqu’au jour où il a fallu négocier un retour à la normale en termes de taux d’intérêt.

Conclusion : plutôt que d’entreprendre des politiques de restrictions budgétaires en rabotant les dépenses publiques, les Etats ont laissé faire les banques centrales au niveau des taux pour freiner l’inflation. 

Conséquence : cette hausse des taux qui sont passés de zéro à 3%, en moyenne, ont rendu les endettements publics beaucoup plus onéreux et surtout, ont déprécié les vieilles obligations. A partir du moment où les obligations d’Etat perdent de leur valeur, les épargnants - et notamment les entreprises qui puisent sur leurs comptes pour faire leur trésorerie - se retrouvent en difficulté. Leurs banques aussi, qu‘elles soient en Californie ou en Suisse. 

Les contraintes de régulation au niveau de station de liquidité ou de fonds propres protègent un peu mieux les banques de l’Union européenne. Mais il va falloir rester vigilant. La crise, si crise il y a, serait moins violente qu’avec les subprimes puisque le virus avait bloqué en quelques jours l’ensemble du marché interbancaire. Aujourd’hui, il n’y a pas de virus. Il y a un manque de confiance génale dans les Etats à gérer l'argent public. 

Les Etats sont en déficit. Ils ne peuvent pas, pour des raisons politiques, augmenter les impôts ou abaisser leurs dépenses publiques, ils puisent dans l’épargne privée qui s’est constituée. Mais l’épargne privée, elle est privée. Privée de valeur. Dépréciée.  On redécouvre aujourd'hui que l’inflation imputable à l’excès de liquidité appauvrit les épargnants. 

Les Etats dépensent, creusent des déficits et s’endettent en augmentant les taux d’intérêt versés aux épargnants mais perdent de la valeur au niveau de leurs actifs. La boucle est bouclée.

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