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La coquille Saint-Jacques : révélatrice de la pollution et sentinelle de l’océan
©MARCEL MOCHET / AFP

Bonnes feuilles

Laurent Chauvaud publie "La coquille Saint-Jacques, sentinelle de l'océan", aux éditions des Equateurs. Grâce à la recherche scientifique, la coquille Saint-Jacques est une machine à remonter le temps, une archive environnementale, une sentinelle des évolutions du milieu marin et du réchauffement climatique, un modèle mathématique. Extrait 2/2.

Laurent Chauvaud

Laurent Chauvaud

Laurent Chauvaud est directeur de recherche au CNRS, biogéochimiste, écologue, plongeur scientifique.

 

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De dissections en dissections, nous constatons que la quantité de nourriture contenue dans l’estomac des coquilles varie avec les saisons, et surtout qu’elle est dépendante des activités alimentaires des animaux filtreurs de son entourage. Les périodes de banquets pléthoriques alternent avec les périodes de disette. Les périodes d’efflorescence d’algues toxiques coïncident avec les périodes de jeûne des coquilles. La coquille est, là encore, actrice et témoin des variations du benthos (l’ensemble des organismes aquatiques vivant à proximité du fond des mers et océans) et du pelagos (l’ensemble des organismes aquatiques vivant à proximité de la surface des mers et océans). 

Pour peaufiner notre description du cycle du silicium, nous embarquons régulièrement sur les bateaux du CNRS. Et découvrons ce paradoxe écologique : la crépidule est à la fois un fléau pour la coquille Saint-Jacques, car elle envase les sédiments où celle-ci prolifère, excluant les coquilles qui détestent la vase, et une aubaine, car elle évite les blooms d’algues toxiques dans un écosystème enrichi en azote, et donc les arrêts de croissance et la mort des larves de coquilles Saint-Jacques. 

Selon la même méthode des cloches benthiques, nous partons sur l’île de la Réunion pour comprendre l’impact des pollutions azotées, en l’occurrence les cultures de bananes, sur le lagon de Saint-Gilles-les-Bains. Puis, sous le soleil de Sète pour étudier les sédiments de l’étang de Thau et découvrir que la matière organique des déjections d’huîtres, saturées de métaux lourds, a un impact majeur sur le fond. Enfin, dans le lac Titicaca, contaminé par l’orpaillage et son mercure. 

De ces expériences est né le début d’une culture de la chimie de l’eau de mer, de la mesure des contaminants (métaux, matières organiques…) et de leurs impacts sur le fonctionnement des écosystèmes. C’est ainsi que la coquille Saint-Jacques est devenue un témoin des contaminations, des impacts anthropiques et des processus qui régissent le fonctionnement d’un écosystème côtier : la production primaire, la respiration et les variations d’oxygène, la sédimentation des microalgues, les pollutions… 

La prolifération des marées vertes et rouges nous interroge. Quel est l’impact de l’agriculture intensive sur la croissance des algues ? La nature du phytoplancton a-t-elle changé ? 

La coquille Saint-Jacques peut nous aider à reconstruire les évolutions ou les changements du phytoplancton. 

De la même façon, elle peut nous renseigner sur un autre impact anthropique : le pétrole. En 2000, Sylvain Chauvaud et Guillaume Gélinaud proposent que la coquille Saint-Jacques soit utilisée comme archive de la pollution de la catastrophe pétrolière de l’Erika. Il s’agit de mesurer la croissance des coquilles Saint-Jacques l’année précédant la catastrophe, l’année de la catastrophe (décembre 1999) et les années suivantes. Tandis que nous cherchons à mettre en lumière un défaut ou un ralentissement de la croissance des coquilles Saint-Jacques au moment de la pollution, nous découvrons que la coquille Saint-Jacques a incorporé un élément chimique nouveau, le vanadium. Cet élément est la signature du pétrole de l’Erika. Donc, les coquilles Saint-Jacques peuvent enregistrer les pollutions dans leur squelette. Le pas de côté vers la chimie, vers une discipline hybride, portait ses fruits. On pouvait, longtemps après une pollution, ici deux ans après l’événement catastrophique, détecter la présence du polluant. 

L’impact peut être également de nature saisonnière. En effet, chaque crue de la Loire est suivie d’un ralentissement, voire d’un arrêt de la croissance de la coquille Saint-Jacques. Les eaux douces du fleuve, riches en azote, favorisent, avec la dessalure de surface, le développement de microalgues toxiques. Ainsi, les coquilles de Belle-Île-en-Mer, bien qu’éloignées de l’estuaire du fleuve, enregistrent tout de même l’influence de la Loire sur son écosystème. Pecten maximus archive donc dans sa coquille des données aussi étonnantes et variées que sa croissance, la température de l’eau de mer, les marées, son alimentation, la présence d’algues toxiques, et détecte aussi un contaminant de l’industrie pétrolière. Elle nous transmet un véritable bulletin des pollutions en mer !

Extrait du livre de Laurent Chauvaud, "La coquille Saint-Jacques, sentinelle de l'océan", publié aux éditions des Equateurs. 

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