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Cybercratie

La Chine semble actuellement tentée d’exporter ses dispositifs de surveillance, notamment basés sur l’intelligence artificielle, à travers le monde. Beaucoup de régimes plus ou moins totalitaires pourraient en profiter.

Emmanuel Lincot

Emmanuel Lincot

Professeur à l'Institut Catholique de Paris, sinologue, Emmanuel Lincot est Chercheur-associé à l'Iris. Son dernier ouvrage « Le Très Grand Jeu : l’Asie centrale face à Pékin » est publié aux éditions du Cerf.

 

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Atlantico : La Chine semble actuellement tentée d’exporter ses dispositifs de surveillance, notamment basés sur l’intelligence artificielle. Quels sont les pays qui accueillent favorablement cette exportation ? Comment la Chine réussit-elle à les convaincre ?

Emmanuel Lincot : Ce sont les pays membres de l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) et notamment ceux de l'Asie centrale, à l'exception notable de l'Inde qui prend chaque jour davantage de champ vis à vis de la Chine pour des raisons liées aux contentieux frontaliers qui l’oppose à ce pays. L'Amérique du sud (le Brésil notamment) mais aussi des pays de l’Afrique comme le Kenya sont ouverts aux projets chinois. Bref, la cybercratie chinoise étend sa toile, prend de court les démocraties occidentales dans la capacité de présenter une alternative à des pays où la loi du plus fort a toujours prévalu. Le succès chinois réside aussi dans le fait que les dictatures sont majoritaires et que la Chine fascine pour son affirmation en tant que puissance autoritaire associant la high tech dans une vindicte par ailleurs anti-occidentale.

Quel est l’intérêt stratégique, politique et technologique qu'a la Chine à exporter ses outils de surveillance ? Quels bénéfices en retirent les pays qui acceptent ?

J’y vois une alliance de revers. A de rares exceptions près, l’Occident est réticent aux projets chinois. La Chine a pour elle le poids du nombre. Sa population conjuguée à celles des pays du Sud sont majoritaires. Or, ce sont les majorités qui définissent les normes. Les minorités, même agissantes, ont beaucoup plus de mal à s’imposer. L’Occident constitue une minorité. Doit on rappeler que la France, seule, ne représente que 1 % de la population mondiale ?... Par ailleurs, nombre de sociétés autocratiques se sentant proches du modèle chinois sont historiquement étrangères au droit. C’est le problème le plus fondamental. Elles forment une communauté de destin où les libertés individuelles, le choix d’une rationalité émancipatrice et au service de l’homme leurs sont étrangères. L’Intelligence Artificielle fascine aussi dans ce contexte car elle est associée en Chine comme en Afrique ou en Amérique du Sud à une forme de pensée magique. Loin de participer à la libération des individus, ces outils de surveillance chinois les confortent dans le choix d’une servitude volontaire.

Cette volonté d’exportation hégémonique se heurte-t-elle, pour l'instant, à la domination technologique des Etats-Unis sur l’intelligence artificielle ?

Dans l’histoire des hommes, ce n’est pas tant la technique qui fait la différence entre eux mais bien l’usage qu’ils en font. Les États-Unis portent un idéal que nous partageons. C’est celui de la démocratie qui dans son imperfection revient à reconnaître à l’homme une priorité absolue dans les choix de son développement, de sa maturation, de son émancipation. Cet idéal, toujours remis en cause, sujet à d’innombrables conflits n’en est pas moins le seul qui vaille. Bref, ce débat sur l’intelligence artificielle et son usage posent la question d’un choix de société. Quelle société voulons nous ? Aux hommes de l’Occident de trancher dans le choix qui sera à la fois celui de l’intelligence et de l’audace au nom de notre liberté.

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