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Comment l’offensive de la gauche de la gauche au Parlement européen pourrait être plus retentissante que celle de l’extrême droite
©Reuters

Attaque sur l'aile gauche

Les partis d'extrême gauche européens, rassemblés au Parlement européen sous la bannière de la Gauche unitaire européenne (GUE), pourraient effectuer un "casse" le 25 mai prochain, avec 50 ou 60 sièges.

Aurélien Bernier

Aurélien Bernier

Figure du mouvement altermondialiste et écologique, ancien membre du conseil d'administration d'ATTAC et du Mouvement politique d'éducation populaire (MPEP), Aurélien Bernier collabore au Monde Diplomatique. Auteur de sept livres, dont Le climat, otage de la finance (Mille et une nuits, 2008), Comment la mondialisation a tué l'écologie (Mille et une nuits, 2012), et La gauche radicale et ses tabous (Seuil, 2014)

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Atlantico : D'après le magasine Contexte, la Gauche unitaire européenne (GUE) devrait parvenir à 50, voire 60 sièges au Parlement européen à l'issue du scrutin du 25 mai 2014. Comment ce groupe pourrait-il "mener l'assaut" pour réussir à presque doubler  son nombre d'élus ?

Aurélien Bernier : Ce chiffre est peut-être crédible, mais dans ce contexte de crise, la gauche radicale devrait progresser encore davantage. Sa stratégie est basée sur l'idée de réforme de l'intérieur de l'Union européenne. Or, je suis convaincu que l'UE est impossible à réformer, et que la gauche radicale gagnerait a prôner des ruptures nationales, éventuellement coordonnées avec quelques autres États.

A quelles conditions une gauche radicale, quatrième force de l'Union, représente-t-elle un scénario crédible ? 

Le problème n'est pas d'être quatrième, troisième ou cinquième le 25 mai, surtout avec un tel niveau d'abstention annoncé. Le problème pour la gauche radicale est de se positionner pour gagner les élections nationales, législatives. Il aurait fallu faire de ces élections européennes un véritable référendum anti-UE, car sans rupture unilatérale avec l'UE, aucune politique de gauche n'est possible.

Finalement, contre toute attente, la gauche radicale pourrait-elle "voler la vedette" à l'extrême droite ? 

Dans certains pays, ce sera le cas, comme en Grèce, en Espagne ou au Portugal, qui ont connu la dictature, et où l'extrême droite a mauvaise presse. En France, par contre, le FN réussit bien mieux que le Front de gauche a représenter la rupture avec l'UE. C'est la même chose aux Pays-Bas ou dans des pays de l'est comme la Hongrie.

Dans quelle mesure la GUE pourrait-elle profiter de la montée de l'extrême droite et de l’euroscepticisme pour tirer son épingle du jeu ? 

La GUE réussit a peu près a rassembler l'électorat traditionnel de la gauche radicale, mais elle ne parvient pas a mobiliser les abstentionnistes eurosceptiques. Pour le faire, il faudrait être beaucoup plus radical. Le mythe de l'Union européenne est en train de s'effondrer, et la GUE propose de le restaurer. Or, la seule option crédible est de redonner le pouvoir aux États sur les questions juridiques et monétaires puis d'engager de véritables politiques de gauche, notamment en matière de coopération internationale.

Si, effectivement, la GUE acquiert suffisamment de voix pour pouvoir siéger avec 50 à 60 députés, quelles en seraient les conséquences sur le processus décisionnel ? 

Il n'y aurait aucune conséquence, car le Parlement européen n'a quasiment aucun pouvoir. Il n'y a aucun espoir de changer l'UE de l'intérieur, ce qui supposerait de réécrire de A à Z le traité et des centaines de directives et de règlements. L'enjeu de ces élections est national : il s'agit de faire progresser, a gauche, l'idée qu'il faut rompre unilatéralement avec l'UE et ne pas laisser cette rupture entre les mains de l'extrême droite.

La gauche radicale disposera-t-elle pour autant d'une marge de manœuvre pour faire passer un certain nombre d'idées ?  

Elle peut utiliser le Parlement européen comme tribune. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je défends la sortie de l'ordre juridique et monétaire européen, et non la sortie pure et simple de l'UE. Mais il faut cesser de faire croire qu'il serait possible de changer le cours de la construction européenne à partir du Parlement européen.

Comment expliquer le désastre français de la gauche radicale face au (potentiel) succès de cette gauche radicale internationale ?

On ne peut pas parler de désastre, mais les scores récents, et sans doute celui du 25 mai, sont des échecs relatifs, surtout face au FN. Il y a plusieurs explications. En France, l'extrême droite, qui était pro-européenne dans les années 1980, est devenue anti-UE dans les années 1990. Le PCF, qui était anti construction européenne, est devenu favorable à une réforme de l'intérieur. De fait, le FN progresse grâce au rejet des politiques européennes dans l'opinion. D'autre part, la gauche radicale française est toujours associée au Parti socialiste à cause d'alliances locales, comme aux municipales : si le Parti de gauche privilégie l'autonomie, le PCF a fait de nombreuses listes communes dès le premier tour. Or, le PS ne mène plus une politique de gauche. Tant que la gauche radicale ne rompra pas clairement avec le PS, mais aussi avec l'ordre juridique et monétaire européen, elle ne sera pas suffisamment crédible.

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