L’Occident “décadent” face à la Russie vertueuse : petits indicateurs pour se faire une idée de la réalité<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Les propos de Poutine se veulent des arguments en faveur de la guerre qu’il mène en Ukraine et qui, du coup, se transforme en guerre contre cet Occident en déclin.
Les propos de Poutine se veulent des arguments en faveur de la guerre qu’il mène en Ukraine et qui, du coup, se transforme en guerre contre cet Occident en déclin.
©Odd ANDERSEN / AFP

Saint Vladimir ne priez pas pour nous, merci

La Russie de Poutine est beaucoup plus "décadente" que la France.

Nicolas Lecaussin

Nicolas Lecaussin

Nicolas Lecaussin est directeur du développement de l'IREF - Institut de Recherches Economiques et Fiscales. Il est aussi fondateur de Entrepreneur Junior

Voir la bio »

Avortements, suicides, divorces, homicides : la Russie de Poutine est beaucoup plus "décadente" que la France

Dans son discours du 30 septembre 2022, puis celui du 21 février 2023, Poutine s’en est pris à l’Occident « décadent », ce lieu de « satanisme ouvert ». Selon le Larousse, le mot « décadent » est synonyme de « déclin » et de « dégradation ». Il qualifie une société, une civilisation, qui perd de sa grandeur, qui va vers sa chute. Les propos de Poutine se veulent des arguments en faveur de la guerre qu’il mène en Ukraine et qui, du coup, se transforme en guerre contre cet Occident en déclin. Mais cela suppose que son pays, la Russie, soit un paradis civilisationnel, un Etat florissant sur tous les plans. Comparons la Russie avec la France, notre pays étant l’un des principaux représentants de cet Occident « décadent ».

D’abord, pour ce qui est du PIB/habitant (PPA), en France, on est à 50 728 dollars (51 285 euros) contre 32 803 dollars (33 163 euros) en Russie (2021). On a d’ailleurs pu voir que même le PPA de la Roumanie était plus élevé que celui de la Russie. Ensuite, il y a au moins deux fois plus de divorces en Russie qu’en France : 3,9/1 000 habitants contre 1,9 chaque année. Pire, la Russie est l’un des pays au monde où on a le plus recours à l’avortement avec 53,7/1 000 femmes en 2020, c’est trois fois plus qu’en France (16,9/1 000).

Enfin, dans le pays de Poutine, on s’y suicide 2,2 fois plus qu’en France : 21,60/100 000 personnes contre 9,65/100 000 en France (2020) et le taux d’homicides est de 1,35/100 000 habitants en France quand il est de 7,33 en Russie (2020), soit 5,4 fois plus élevé ! On sait que Poutine, comme les dictateurs en général, se soucie de la vérité et des réalités comme d’une guigne. Mais à ce point-là, c’est presque de l’art…

À Lire Aussi

Poutine/Occident : le match de la “décadence”… et des angles morts réciproques

Drogues, Sida, espérance de vie... : Satan est beaucoup plus heureux chez Poutine qu'en France !

Début octobre, lors de la signature de l’acte d’annexion des territoires ukrainiens, Poutine s’est déchaîné contre l’Occident, qui serait en proie à un pur satanisme. Les dictateurs peuvent dire tout ce qui leur passe par la tête, leur entourage s’incline. Les laquais leur lèchent les bottes, les courtisans les applaudissent, il y en a même qui les croient. Nous avons plusieurs fois démonté les discours de Poutine et mis à nu les mystifications les plus aberrantes sur lesquelles ils sont bâtis. L’un de ses refrains favoris est celui de l’Occident décadentalors que la Russie bat des records en matière d’homicides, de divorces, d’avortements, de suicides.

Et pas que ceux-là. Dans le pays de Poutine, on avale beaucoup de vodka mais aussi beaucoup de substances psychotropes. Toutes les données s’accordent, le nombre de personnes traitées pour usage de drogues y est 3.4 fois plus élevé qu’en France (voir les graphiques plus bas). Autre indicateur, en France, 0,3 % de la population vit avec le sida/VIH ; en Russie, ce nombre est de 1,2 %. La Russie est d’ailleurs l’un des pays les plus touchés. Selon le programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (ONUSIDA),  elle a franchi depuis 2010 le seuil critique qui qualifie la situation d’épidémie : elle en est à 1 % de la population active, voire 2 % dans certaines régions. C’est d’autant plus grave que le pays connaît déjà une crise démographique (encore aggravée par le Covid-19) : le nombre d’actifs  est passé de 88 millions en 2000 à 82,6 en 2019.

Terminons par l’espérance de vie : elle est, en France, de 82 ans en moyenne (79 ans pour les hommes, 85 ans pour les femmes) contre 72 ans (66 ans pour les hommes, 78 ans pour les femmes) en Russie, chiffres de 2020. Dix ans d’écart !

Visiblement, Satan n’est pas là où l’on croit…

Les oligarques russes proches de Poutine envoient leurs enfants dans les pays de l'Occident "décadent"

Ils veulent la fin de l’Occident « décadent » mais ils envoient leurs enfants étudier et vivre à l’Ouest. On apprend tout cela dans une remarquable enquête d’Agnieszka Legucka et Bartosz Bieliszczuk intitulée : « Kremlin Kids: The Second Generation of the Russian Elite »

Par exemple, Ekaterina Vinokourova, la fille du ministre des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qu’on voit régulièrement dans les médias ces jours-ci, a reçu la majeure partie de son éducation à l’étranger. Lorsque Lavrov était ambassadeur de la Russie auprès de l’ONU, Ekaterina a fréquenté la Dwight School à New York. Elle a ensuite étudié les sciences politiques à l’Université de Columbia et l’économie à la London School of Economics.

Elizaveta Peskova, la fille du porte-parole de Poutine Dmitri Peskov, a grandi en France. Une autre fille de Peskov, Nadya, est aussi citoyenne américaine. L’un des garçons de Peskov, Nikolay, a grandi à Londres, puis est retourné en Russie et a travaillé pour Russia Today, la chaîne du Kremlin. Le deuxième garçon, Deni, vit à Paris.

Les filles du camarade Sergei Zheleznyak qui dirige le parti de Poutine, Russie Unie, ont étudié en Suisse et en Angleterre, à Londres. Anastasia a été étudiante à The American School In Switzerland (TASIS), où une année d’études coûte environ 63 000 francs suisses. Elle a poursuivi ses études à l’Université Queen Mary et au King’s College de Londres. Toujours à Londres, elle a même travaillé pour la… BBC. Alexandra, la fille du député Piotr Tolstoï, un autre (très) proche de Poutine, a récemment été admise à l’université de Yale. Tolstoï a son propre talk-show sur Channel One, où il ne manque jamais une occasion d’attaquer les États-Unis et l’Occident. Après avoir obtenu son diplôme d’études secondaires en Pennsylvanie, le fils aîné du député de la Douma (et faisant parti du cercle intime de Poutine), Alexander Remezkov, a poursuivi ses études à l’Université Hofstra de Long Island. Le deuxième fils a étudié au Malvern College en Angleterre et sa plus jeune fille vit à Vienne.

Alyona Minkovski, la fille de la députée Irina Rodnina, vit à Washington D.C. Elle est diplômée de l’Université de Californie. Petr, le fils d’Alexandre Joukov, le premier vice-président du Parlement russe, a étudié à Londres. Lyubov, la fille du vice-Premier ministre Alexander Khloponin, a étudié à la London School of Economics. Alexander, le fils de l’ancien ministre de l’Éducation et des Sciences Andrei Fursenko, a également étudié à l’étranger et vit maintenant aux États-Unis. La fille de Boris Gryzlov, ancien président du parlement et membre du Conseil de sécurité, a obtenu la nationalité estonienne.

L’arrière-petit-fils du ministre des Affaires étrangères de Staline, Viaceslav Molotov, et fils de l’actuel député Viaceslav Nikonov, a la nationalité américaine. Vyacheslav Nikonov apparaît souvent dans des talk-shows pour parler de « la politique hostile des États-Unis envers la Russie ».

Andrey Yakunin, le fils de Vladimir Yakunin, directeur général des chemins de fer nationaux, est titulaire d’une maîtrise en économie et en mathématiques et d’un EMBA mondial de la London Business School et de la Columbia University Graduate School of Business.

Avec près de 11 milliards de dollars, Gennady Timchenko est le sixième homme le plus riche de Russie. Les trois enfants du propriétaire du groupe Volga vivent en Suisse.

Maria Zakharova, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, déteste tellement l’Occident qu’elle s’est mariée à New York.

Ce n’est qu’une partie de la liste de ceux qui, dans l’entourage de Poutine, passent leur temps à critiquer l’Amérique et l’Europe tout en faisant profiter leurs enfants de l’Occident. Ils dépensent des millions de dollars pour eux alors que dans leur pays, la Russie, le salaire moyen n’est que 650 dollars par mois.

Cet article agrège trois papiers provenant de https://fr.irefeurope.org/

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !