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Le toit de la Chambre du Parlement avec la croix suisse lors d'une réunion électorale de l'Assemblée fédérale le 5 décembre 2018 à Berne.
Le toit de la Chambre du Parlement avec la croix suisse lors d'une réunion électorale de l'Assemblée fédérale le 5 décembre 2018 à Berne.
©Fabrice COFFRINI / AFP

Bonnes feuilles

François Garçon publie « France, démocratie défaillante : Il est temps de s'inspirer de la Suisse » aux éditions de L’Artilleur. François Garçon fait le diagnostic des différents blocages qui entravent la France : une verticalité des pouvoirs construite sur des élites mal formées, conformistes et orgueilleuses, des médias complices par facilité et des dispositifs politiques dépassés. Il montre que la solution suisse est l’exacte inverse : des pouvoirs aussi horizontaux que possible où la démocratie participative vient compléter les systèmes représentatifs sans les gêner. Extrait 2/2.

François Garçon

François Garçon

Auteur de France défaillante, Il faut s’inspirer de la Suisse, Ed. L’Artilleur, 2011, prix Aleps du livre libéral 2022. François Garçon a rédigé plusieurs ouvrages sur les mérites de la Suisse (Le modèle Suisse, Perrin – Le Génie des Suisses – Tallandier) , et a enseigné pendant plusieurs années à la Sorbonne.

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Avec un PIB par habitant double de la France (76 200 € contre 35 960 €, chiffres 2019), la Suisse se présente d’abord comme un pays prospère, d’une prospérité sans égal sur la planète en regard de sa taille géographique et de sa population. À l’attention des profanes, rappelons que la Suisse est un État de 8,6 millions d’habitants, une démographie semblable à celle d’Israël, un pays d’une superficie de la taille de l’Irlande, double de celle de la Belgique. On retiendra encore son calme politique et social qui ne doit rien à un régime de type dictatorial, comme, par exemple, celui d’un autre État, également stable et prospère, comme Singapour.

En Suisse, le peuple vote beaucoup, et pour des choses qui comptent. Dans plus d’une centaine de pays, les consultations directes des citoyens sont admises. Sur un total recensé de quelque 1700 votations sur la planète, la Suisse en comptabilise plus du tiers sur son sol (36,6 %). Leader mondial de la démocratie directe pour ce qui est des scrutins nationaux, la Suisse en dénombre en outre des centaines au plan cantonal et communal. En Suisse, on peut cracher par terre (encore que), mâcher du chewing-gum et pester ouvertement contre les autorités fédérales, contre le gouvernement cantonal, contre les élus communaux. La presse suisse est libre, variée, riche de nombreux titres, même si tous affectés par une baisse de leur lectorat. Libres, les élections le sont pareillement. Les Suisses, y compris les plus grincheux, communient dans la religion du « y en a point comme nous ».

Clairement, à tous points de vue, la Suisse tourne rond. Dès lors, pourquoi son moteur démocratique suscite-t-il si peu d’intérêt chez ses voisins, et tout particulièrement chez les Français ? Assurément, vue d’un pays où les effets de manche enivrent, la démocratie suisse est terne. En Suisse, on ne vote pas dans l’urgence et dans la menace d’un coup d’État – problématique exotique lorsqu’on y songe, en Europe, en cette fin des années cinquante – pour une Constitution, celle de 1958, que pratiquement aucun citoyen français n’aura lue, avant de la ratifier par un vote aveugle. Les Suisses votent également sur leur charte fondamentale. Tous les trois mois, les électeurs rechapent leurs constitutions fédérale et/ou cantonale, article par article, ou sont en capacité de le faire s’ils le jugent utile. Aménagements toujours simplement rédigés où ne sont pas mélangés carottes et poireaux. Quatre fois l’an, sollicités par leur gouvernement cantonal ou fédéral, ou bien à leur initiative, les citoyens suisses exercent ainsi leur pouvoir souverain. Bref, hier objet mal identifié, la Suisse est devenue un pays « qui ne peut faire que des envieux ». Il n’était que de lire les 1497 commentaires qui, en août 2020, suivaient la publication, dans Le Figaro, d’un article intitulé « Comment la Suisse fait-elle pour afficher un taux de chômage aussi faible malgré la crise ? »

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La claire répartition des compétences est une des clés du bon fonctionnement de la Suisse. Leur distibution s’effectue en fonction des besoins des citoyens qui, par voie référendaire, sont en capacité d’en fixer eux-mêmes les contours. Les compétences ne sont ainsi pas dévolues par une autorité supérieure à des administrations agissant sur ordre. En France, l’autorité supérieure est déconnectée de l’échelon inférieur qui, du coup, vit sur un mode pause, dans l’attente passive des instructions qui tomberont, et qu’il n’y aura pas lieu de discuter. « Nous savons ce que nous faisons ! Silence dans les rangs ! » Qui se risquerait à contredire l’ordre descendu de Paris, et pourquoi diable s’y essayer quand il n’y a que des coups à recevoir ? La machinerie politique française est conçue pour empêcher l’intervention directe des citoyens. Du coup, observe Sandra Laugier, ils « ont le sentiment que [le pouvoir] n’a pour eux aucune considération et ne leur laisse aucune marge de manœuvre14 ». Or, ce qui a été longtemps accepté ne l’est plus, et l’est d’autant moins que les corps intermédiaires, soupapes au mécontentement et aux attentes sociales, ont fondu. Là où, en Suisse, à l’image du jet d’eau genevois, de l’orifice au sol jaillissent à la fois le besoin et sa réponse, en France, tout tombe de la pomme de douche. Se tenir dessous suffit pour être arrosé, pour autant que fonctionne la tuyauterie.

Une démocratie gérée par la base, par les citoyens

Le politicien professionnel est en Suisse un personnage peu courant. Et s’il se trouve des dynasties de parlementaires, on retiendra qu’il s’agit surtout de dynasties de miliciens dont la carrière a le plus souvent débuté au niveau communal. Cette démocratie communale a ceci de bon qu’elle érode les égos : œuvrant à la base, les intéressés se sont frayé un chemin parmi les militants de leur parti et ont été élus par leurs voisins de palier.

Bien austère est la devise des sept ministres suisses, les conseillers fédéraux, résumée à deux verbes : « servir et disparaître » ! Le système milicien, le fédéralisme, l’extrême susceptibilité des cantons quant à défendre leur souveraineté, tout cela contrarie l’émergence d’une technostructure étatique, accaparant les postes de décisions. À raison, Avenir Suisse, le think tank du patronat helvétique, revendique le modèle suisse d’une administration qui ne soit pas, à vie, dévolue aux mêmes : « Il est bien qu’en Suisse on ne confie pas (encore ?) toutes les tâches publiques à des professionnels rémunérés. Il est bien que nous n’ayons pas (encore ?) de classe ou de caste politique impénétrable, vivant en vase clos ».

Certes, la taille du pays explique nombre de ses singularités. Mais, surtout, les prérogatives limitées des mandataires politiques sous le contrôle de mandants imperméables au verbe fumeux rendent les acrobaties lyriques impensables : « L’égo des politiciens en Suisse est peu présent et se dilue. Cette situation garantit non seulement une stabilité politique au pays, mais aussi une prévisibilité ». L’absence de démesure va bien au-delà des politiciens. Interrogé en 2016 sur la politique adoptée par la Banque nationale suisse (BNS), et sur les prérogatives dont il dispose à la présidence de l’établissement : « Vos décisions font de vous l’homme le plus puissant de l’économie. Tant de pouvoir, ce n’est pas très suisse… », le président Thomas Jordan se justifie ainsi : « Nous rendons des comptes à propos de tout. Nous expliquons notre politique monétaire de façon détaillée au Parlement et au public ».

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Extrait du livre de François Garçon, « France, démocratie défaillante : Il est temps de s'inspirer de la Suisse », publié aux éditions de L’Artilleur.

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