L’Europe pourrait-elle remplacer les fournitures de gaz russe en cas de conflit ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Cette photo montre un panneau de signalisation indiquant l'entrée de l'installation de la conduite de gaz Nord Stream 2 à Lubmin, dans le nord-est de l'Allemagne.
Cette photo montre un panneau de signalisation indiquant l'entrée de l'installation de la conduite de gaz Nord Stream 2 à Lubmin, dans le nord-est de l'Allemagne.
©ODD ANDERSEN / AFP

Atlantico Business

L'Europe est dépendante de la Russie dans son approvisionnement en gaz. Bruxelles a donc envoyé des experts dans le monde entier pour trouver des fournisseurs qui pourraient remplacer les Russes. En cas de conflit, les seuls candidats sérieux sont américains. Mais ça va être compliqué...

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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A priori, ce débat sur les risques d’approvisionnement en gaz russe est très théorique. Emmanuel Macron et Vladimir Poutine, qui se sont rencontrés hier, le savent. L’Europe a besoin du gaz russe et la Russie a besoin des recettes financières que le gaz lui apporte.

Il n’empêche que les tensions à propos de l’Ukraine sont telles aujourd‘hui, que tout est possible parce qu’on touche à l’équilibre global des forces géopolitiques.

An cœur de cette tension, il y a évidemment le risque de conflit armé qui entrainerait mécaniquement un blocage des relations économiques entre la Russie et le monde occidental. Et l’Europe sera évidemment la première victime des sanctions qui ne manqueront pas de tomber sur la Russie et ses livraisons de gaz.

Les relations économiques entre la Russie et l’Europe sont nombreuses et lourdes. En dépit des difficultés politiques et des pressions chinoises, la Russie est toujours le premier client et fournisseur des Européens. Et réciproquement. L’Europe a perdu des parts de marché avec la Russie mais la Russie est restée le premier fournisseur de gaz à l’Europe. Un gaz qui est acheminé via les gazoducs, dont le fameux Nord Stream 1 qui traverse la Baltique et relie Saint Pétersbourg à l’Allemagne du nord. Un gazoduc qui devrait être doublé par un Nord Stream 2, mais dont la mise en service a pris beaucoup de retard à cause des tensions diplomatiques entre Moscou et Bruxelles.

Actuellement, l’Europe importe 40 % de sa consommation de gaz aux Russes, elle pourrait presque doubler très rapidement. L’Europe importe 20% de sa consommation à la Norvège. Le reste de la consommation des Européens provient dans des conditions compliquées et plus chères du reste du monde, dont 1% environ des États-Unis.

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En millions de tonnes, le gaz russe pèse 200 millions de tonnes, le gaz de Norvège 100 millions et le gaz américain 10 millions de tonnes.

En cas de blocage qui priverait l’Europe, tous les experts se tournent vers les Américains, lesquels observent cette situation avec gourmandise.

L‘Amérique du Nord, c’est à dire les États Unis et le Canada se déclarent parfaitement en mesure de remplacer le gaz russe pour approvisionner les chaudières et les foyers européens. Cela dit, tout le monde sait à Bruxelles, à Berlin ou à Paris, que « ce grand remplacement » serait affreusement compliqué à mettre en œuvre.

D’abord, parce que le gaz américain est un gaz de Schiste qu‘il faut évidemment extraire dans des conditions très polluantes. Les mouvements écologistes américains ne sont pas des chauds partisans d’un accroissement des champs d’exploitation en gaz de schiste en Amérique du nord. Les courants européens ne le sont pas davantage. D’autant qu’à l’usage, le gaz russe est beaucoup plus décarboné que le gaz américain.

Ensuite et c’est le deuxième frein, le gaz américain est difficile à transporter. Il faut certes le liquéfier et le mettre sur des bateaux pour traverser l’Atlantique, alors que pour le gaz russe, il suffit d’ouvrir les robinets et d’utiliser les Gazoducs.

Enfin au total, il y a le prix. Parce qu’un arrêt des approvisionnements russes ferait exploser les prix, vu que l’offre deviendrait moins importante.

L’autre solution serait de se tourner vers les pays du Maghreb, et notamment l’Algérie, avec laquelle la France a passé des accords, mais les conditions politiques, techniques et tarifaires ne sont pas au niveau.

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En bref, les Américains agitent très vigoureusement la menace d’un embargo ou des sanctions, l’Europe ne pourra pas s’empêcher de suivre, mais sur la pointe des pieds, parce que personne en Europe n’imagine pouvoir se priver du gaz russe sans tomber dans une crise grave.

En arrivant à Moscou, Emmanuel Macron sait parfaitement cette réalité, la dépendance au gaz russe limite son pouvoir de négocier. En revanche, il sait aussi que la Russie a absolument besoin de toucher la rente gazière et pétrolière. Le pays ne tient actuellement que grâce aux recettes apportées par les ventes de gaz. Alors, comme l’Europe qui peut préparer une diversification de ses approvisionnements en gaz, la Russie peut aussi diversifier son portefeuille client en direction des pays d’Asie centrale et de la Chine, mais ça ne pourra pas se faire très rapidement.

En clair, la réalité fige le statu quo. La réalité économique plaide pour que tout soit fait afin d’éviter un conflit armé en Ukraine, mais cette réalité ne dit pas ce qu il faudrait faire pour faire baisser la tension et arrêter le bras de fer.

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