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L’étonnante non-politique africaine d’Emmanuel Macron
©LUDOVIC MARIN / AFP

Bizarre...

Emmanuel Macron revient de trois jours de visite officielle au Sénégal, moment obligé de la politique africaine en France. Les images people se sont succédées, façon Françafrique, et on commence à voir quelle inflexion Emmanuel Macron veut donner aux relations avec ce continent longtemps sous influence française. Fidèle à son discours de Ouagadougou, Emmanuel Macron dit vouloir abandonner la doctrine historique de la France en Afrique. Et si le Président n’avait pas de doctrine sur le sujet?

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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ue cela soit dit: la France n’a plus de politique africaine! Au Sénégal, là où Sarkozy s’était fâché avec l’Afrique francophone lors d’un discours tonitruant rédigé par Henri Guaino, Emmanuel Macron a exposé sa contre-doctrine, dans la foulée du discours de Ouagadougou. Et on en reste bouche bée.

La non-politique africaine: une nouvelle vision

La méthode déconcerte. Notre Macron national, d’ordinaire si prolixe en discours surabondant, parfois interminables (pour souvent ne pas dire grand chose), n’en a pas prononcé, au Sénégal, un seul sur la politique africaine qu’il entend mener. C’est au Journal du Dimanche qu’il s’est adressé pour dire sa vision, comme si le sujet ne concernait que les journalistes français et pas les Africains. 

On comprend bien l’inspiration générale. À Ougadougou, Macron avait d’ailleurs dit:

je ne vais pas venir vous dire que nous allons faire un grand discours pour ouvrir une nouvelle page de la relation entre la France et l’Afrique. Ou je ne suis pas venu ici vous dire quelle est la politique africaine de la France comme d’aucuns le prétendent. Parce qu’il n’y a plus de politique africaine de la France !!

Tout était effectivement dit: le président Macron ne porte plus de politique africaine. Certains s’en réjouiront. D’autres plaideront qu’il s’agit d’une simple normalisation. 

On peut se demander s’il ne s’agit pas tout simplement d’une limite désormais atteinte par le Président: peut-être, qu’au fond, Emmanuel Macron n’a pas de vision concernant l’Afrique, parce qu’il n’a jamais vraiment réfléchi au sujet. 

Une politique de visas simplifiés avec le Sénégal

Dans les micro-annonces de son voyage au Sénégal, certaines mesures sont passées inaperçues. En particulier, le président a annoncé la mise en place de visas de circulation ainsi présentés dans la presse africaine:

visas de circulation qui permettent aux étudiants, aux académiques, aux politiques, aux hommes et femmes d’affaires de circuler beaucoup plus librement et sans autres procédures.

Ah! si c’est pour les hommes et les femmes d’affaires, les enseignants et les politiques, tout va bien! Mais il n’est pas sûr que tous les Français aient bien compris que la non-politique africaine d’Emmanuel Macron revienne à ouvrir les frontières françaises aux Africains. 

En soi, cette décision n’est pas choquante. Mais elle mériterait au minimum un débat national. Curieusement, Emmanuel Macron ne se répand pas sur le sujet dans son interview au JDD.

L’écran de fumée de la lutte contre le réchauffement climatique

Accessoirement, le président a occupé le terrain de la communication en faisant grand cas d’une aide de 15 millions d’euros à Saint-Louis du Sénégal pour lutter contre l’érosion due au réchauffement climatique. C’est évidemment une mesure sympathique. Mais elle reste très anecdotique rapportée au milliard et demi engagé par la France depuis l’an 2000 au Sénégal. 

Un glissement vers une politique au cas par cas?

Reste à savoir si l’effet de communication sur ce micro-projet (comparé aux grandes politiques de concessions menées en Afrique) cache un renversement effectif de l’action bilatérale française en Afrique. Décidons-nous de ne plus soutenir politiquement les régimes en place? de nous contenter de financer au cas par cas des projets ponctuels qui nous semblent utiles? s’agit-il d’une volonté de renoncer à long terme à la « Françafrique », cette influence politique française dans une espèce de division internationale du travail?

La France laisse-t-elle peu à peu la place à la Chine et aux États-Unis?

Derrière ce mouvement en apparence sympathique (on aime tous la lutte contre les effets du réchauffement climatique en Afrique), la question est de savoir si la France a une vision durable d’un nouveau partenariat avec ce continent, ou si elle se contente simplement de reculer peu à peu et de laisser la place aux autres. Car l’Afrique fait l’objet de puissantes convoitises de la part de la Chine et des États-Unis. Avons-nous décidé de leur laisser le champ libre?

Là encore, tout est question de transparence. Si ce choix est assumé, il suffit de l’expliquer: la France n’a plus les moyens de la Françafrique. Elle ne veut plus être un soutien historique à certaines forces politiques du continent. Elle se retire du jeu, et se contente d’être un financeur de projet, comme le peut l’être la Suède, ou le Danemark, ou n’importe quel modeste État-membre de l’Union. 

Vers une politique migratoire tournée vers les élites

On notera par ailleurs que les choix d’Emmanuel Macron laissent à penser que la France a décidé de pratiquer, sans le dire, une politique migratoire sélective. Des visas de circulation pour les diplômés africains dont nous avons besoin, et le tour est joué. 

Reste à simplifier désormais les formalités de recrutement d’étudiants africains dans les entreprises françaises. 

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