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L’Etat Islamique serait-il en train de préparer la perte de son califat ?
©Reuters

Mutation

Affaibli sur le front syro-irakien, l'Etat islamique pourrait revoir sa stratégie et appeler à la multiplication des attentats. Plus le groupe terroriste subira des revers militaires, plus le risque que des attaques meurtrières se produisent est grand.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Atlantico : Comment l'EI a-t-il évolué au cours des deux dernières années ? Comment le qualifier aujourd'hui ? Peut-on toujours le considérer comme un quasi état ? Quelles est la probabilité qu'il se transforme en un réseau diffus et clandestin ayant des branches sur plusieurs continents ?

Alain Rodier : Tout d'abord, le Groupe Etat Islamique (GEI) n'est vraiment né officiellement qu'en juillet 2014 même s'il a été "enfanté" par l'Etat Islamique d'Irak et du Levant (EIIL) initié par Al-Qaida "canal historique". C'est à ce moment là que son chef, 'Abou Bakr Al-Baghdadi, a rompu avec la maison mère pour créer son propre califat. Il a fondé son propre "Etat" sur les terres conquises à cheval sur l'est de la Syrie et l'ouest de l'Irak. Depuis, il gère ses régions avec une "administration" qui perçoit l'impôt, exerce la justice (islamique) et fait vivre les populations placées sous sa coupe.

Parallèlement à l'établissement de cet "Etat", il s'est étendu sur des "provinces" (wilayat) extérieures dans le Sinaï, en Libye, au Nigeria, en Afghanistan, dans le Caucase, en Extrême-Orient, au Yémen, etc. En fait, Daech n'est solidement implanté qu'en Libye, au Nigeria et au Sinaï. Dans ces provinces extérieures, ce sont majoritairement des djihadistes appartenant à l'origine à d'autres mouvements -notamment Al-Qaida "canal historique"- qui ont fait allégeance à Abou Barkr Al-Baghdadi qui leur semblait plus en "odeur de conquêtes" que le vieil Ayman Al-Zawahiri terré aux fins fonds du Pakistan.

Une chose commune aux deux mouvements salafistes-djihadistes est le fait de faire appel à des sympathisants extérieurs pour qu'ils rejoignent leur cause. Dans un premier temps, le GEI a appelé ses sympathisants à le rejoindre pour mener le djihad sur le front syro-irakien et renforcer son "Etat". Il semble qu'en raison des difficultés que rencontrent ces volontaires à se rendre sur ce théâtre d'opérations, en particulier en raison du changement de la politique de la Turquie qui a longtemps été la porte d'entrée naturelle à la Syrie, il leur a été suggéré de rejoindre un front extérieur comme la Libye ou de rester sur place pour y créer des cellules clandestines qui peuvent passer à l'action terroriste à leur initiative. 

Dans quelle mesure la multiplication des attentats à l'étranger révèle-t-elle un affaiblissement de l'EI sur le front syro-irakien ? Une mutation est-elle en train de s'opérer du côté de l'EI ? Ce dernier s'apprête-t-il à perdre son califat ? A-t-il pour ambition de le redéployer ailleurs ?

Le GEI a perdu sa dynamique de "victoires" mais il n'est pas lui-même vaincu. Très manoeuvrier, il passe partout où il le peut à la contre-attaque. Cela se constate surtout en Syrie où il tient globalement tout l'est du pays. En Irak, il n'a pas dit son dernier mot car il n'a pas l'intention de céder Mossoul, ville de plus de deux millions d'âmes qui sera extrêmement difficile à "libérer".

Par contre, il est ravi de toutes les "initiatives " qui peuvent être prises pas ses partisans à l'étranger, car cela fait parler de lui en termes de terreur. Ces initiatives sont donc attractives pour un certain nombre de futurs adeptes.

Cette mutation pourrait-elle rendre inopérante la concurrence avec Al Qaïda ? Les deux mouvances pourraient-elles à terme s'allier ?

Nous n'en sommes pas encore là. Pour le moment, Al-Qaida se réjouit plutôt des revers subis par Daech car cela lui permet d'inverser le départ de militants vers son concurent. En Afghanistan, au Pakistan, en Libye, au Sahel, en Somalie et dans le Caucase, Al-Qaida "canal historique" s'oppose frontalement à Daech. Cela ne saurait tarder en Extrême-Orient. C'est une question d'influence. Par contre, si le GEI est suffisamment affaibli, il ne fait aucun doute qu'Al-Qaida "canal historique" récupérera bon nombre de militants et de réseaux du GEI. La menace salafiste-djihadiste n'est donc pas prête de se tarir.

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