L’autre Asie des délocalisations : ces pays qui se substituent de plus en plus à la Chine dans les circuits de la mondialisation<!-- --> | Atlantico.fr
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Les salaires dans le secteur manufacturier augmentent et rendent la Chine moins attractive.
Les salaires dans le secteur manufacturier augmentent et rendent la Chine moins attractive.
©Jade GAO / AFP

Made in Altasia

Certaines entreprises, et non des moindres, quittent ou envisagent de quitter la Chine.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : La Chine est la cheville ouvrière de l'industrie de l'électronique grand public, qui représente plusieurs milliards de dollars. Ses exportations de biens et de composants électroniques s'élevaient à 1 milliard de dollars en 2021, sur un total mondial de 3,3 milliards de dollars. Pourtant, certaines entreprises, et non des moindres, quittent ou envisagent de quitter la Chine. Quel est le profil de ces entreprises ? Pour quelles raisons quittent-elles la Chine ?

Alexandre Delaigue : Revenons dans un premier temps sur les raisons qui ont poussé les entreprises à s’installer en Chine. Au milieu des années 1990, les entreprises faisaient appel à des sous-traitants chinois, et ce pour deux raisons : le niveau salarial assez bas et la capacité de produire à des échelles extrêmement grandes, ce qui a d’ailleurs justifié l’installation d’Apple. Les quantités à produire étaient très importantes pour l’entreprise américaine, et pour respecter le carnet de commandes, Apple a dû développer sa production en Chine.

Au début des années 2000, au moment de l'entrée de la Chine dans l’OMC, les entreprises y ont vu une garantie du cadre juridique relativement stable et établi, ce qui les a confortées dans leur choix. 

Pourquoi les choses sont-elles en train de changer ? Tout d’abord, les salaires dans le secteur manufacturier augmentent et rendent la Chine moins attractive. Ensuite, les sanctions mises en place depuis Trump ont contraint certaines entreprises à envisager de produire hors de Chine, car cela pourrait, si la Chine attaque Taïwan par exemple, déboucher sur le même problème qu’avec la Russie. Il y a une incertitude juridique qui s’est créée. Certaines entreprises préfèrent d’ores et déjà quitter la Chine et diversifier leurs activités de production. Enfin, les entreprises qui pensaient qu’en s‘installant en Chine allaient leur ouvrir les portes du marché chinois ont été déçues.

On voit qu’Apple lance une partie de sa production en Inde, et certaines entreprises, dans le secteur de l’électronique notamment, qu’elles soient japonaises ou coréennes, cherchent à faire une partie de production ailleurs.

Quels sont les pays qui rivalisent davantage avec la Chine ?

Il existe une espèce d’arc qui entoure la Chine, en partant de son nord-est et se dirigeant vers son sud-ouest. On y trouve les îles Hokkaido (Japon), où bon nombre d’entreprises dans l’électronique s’installent, la Corée du Sud, et puis Taïwan, les Philippines, le Vietnam, la Malaisie, la Thaïlande jusqu’à l’Inde. Dans le sud de l’Inde, on y trouve des entreprises de haute technologie.

Ces pays ont pour caractéristique d’avoir encore des coûts de production relativement bas. Et la main-d’œuvre est relativement qualifiée. Enfin, en volume, cela fait beaucoup plus que la Chine, puisqu’on y trouve environ 1,7 milliard de personnes. Toute cette ceinture autour de la Chine présente une kyrielle d’opportunités pour les investisseurs.

Dans quelle mesure la chaîne d'approvisionnement asiatique alternative – que vous avez décrite et que l'on appelle Altasia – pourrait-elle remplacer la Chine de manière durable ?

Beaucoup de ces pays n’ont pas d’infrastructures développées comme en Chine. Mais la politique d’alliance américaine et occidentale rend l’environnement juridique beaucoup plus sûr pour les investisseurs. Ces pays ne rivalisent pas avec la Chine mais récupèrent une partie des investissements qui ne vont plus en Chine.

On ne sait pas du tout ce qu’il pourrait se passer dans l’avenir. Par exemple, une très grande entreprise vietnamienne, Vinfast, s’est lancée dans le secteur automobile ; si les sanctions se durcissent vis-à-vis des entreprises chinoises, elle pourrait en bénéficier. Les circonstances géopolitiques et politiques joueront un rôle prépondérant dans l’évolution de la situation.  

Les dirigeants chinois ont-ils conscience de ces enjeux ? Faut-il s’attendre à un ralentissement de l'économie chinoise suite à cette nouvelle donne ?

Une bonne partie de ce phénomène s’explique par la volonté de la Chine de devenir un pays autonome et de moins dépendre des investissements étrangers. Ce n’est pas quelque chose qui est entièrement désiré, mais cela découle naturellement de l’évolution en Chine, avec un pays qui veut remonter dans les chaînes de valeur. C’est en quelque sorte la rançon du succès.

La Chine veut s’appuyer sur son marché intérieur. Dans ces conditions, il est assez naturel de voir une partie des entreprises implantées en Chine se déplacer. En aucun cas cela ne pourra être la cause d’un éventuel déclin chinois. Ce phénomène est la conséquence de l’évolution de la Chine dans ses dimensions positives et négatives.

Le secteur manufacturier à valeur ajoutée relativement faible qui repose sur des bas salaires, c’est bien quand vous êtes un pays très pauvre, mais quand vous êtes un pays à revenu intermédiaire et plus riche, c’est difficile de continuer sur la même voie.

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