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L’art d’être français d’Emmanuel Macron : plus d’humanité affichée dans les mots, pas assez de chair dans le discours
©Reuters

A la baguette

Emmanuel Macron a essayé de défendre sa vision de sa politique, laquelle viserait à promouvoir "l'art d'être français".

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Atlantico : S'agit-il d'une formule heureuse ? Que dit-elle de celui qui l'emploie et de son projet ?

Arnaud Benedetti : Macron aime à générer des formules. Comme si les mots avaient une force qui devait susciter une forme d’admiration, bien plus encore que d’adhésion. Il se fait plaisir mais cette communication, qui se veut esthétique, finit dans un contexte de colère par apparaître d’abord fortement maniériste. C’est sa faiblesse. Depuis le début le Président se veut le dépositaire d’un récit national, équilibré dans sa sémantique, dans ses références historiques. Une traduction lexicale de la posture du “ en même temps ". Le problème c’est que la perception de sa politique relève d’un ordre perçu comme injuste, clivant, privilégiant “ les premiers de cordée “.  C’est là toute la forge écumante de la crise des gilets jaunes. L’art d’être français, c’est de concilier dans l’absolu la liberté et l’égalité. Dans l’imaginaire, Macron a sacrifié la seconde, nonobstant son discours sur l’assignation à résidence et les inégalités de destin qui ne” performe “ qu’aux yeux des CSP plus. Ce sacrifice est le péché du macronisme originel. Peut-il s’en échapper ? 

Plus largement, Emmanuel Macron a-t-il réussi à donner corps aux annonces faites ce jeudi soir ? 

Son plan de com s’est consumé avec les charpentes multiséculaires de Notre-Dame. Les fuites ont asséché le potentiel de surprises qui devait être au cœur de sa fusée communicante. Macron n’a pas vraiment surpris. Il est trop cohérent avec lui-même. Ce qui n’est pas intellectuellement un défaut mais cela peut dans une situation politique de rupture s’avérer inappropriée. Les grands princes sont ceux qui savent aussi parfois se laisser traverser et transformer par les événements. Les annonces du Président s’inscrivent dans un sillon qui ne déroge pas à son corpus. Macron a un credo techno-liberal, favorable à l’individu bien plus qu’au collectif. Sa philosophie ne change pas mais sa sémantique intériorise néanmoins une petite musique qui investit l’espace public. Ses réserves sur la baisse du nombre de fonctionnaires attestent  un coup d’arrêt symbolique à la doxa du " moins d’Etat “. 

De son intervention du mois de décembre dernier à cette conférence de presse, comment Emmanuel Macron a-t-il essayé de modifier son image d'une "présidence arrogante", et dans quelle mesure y est-il parvenu ?  

Par le contact, par la rencontre, par le “ grand débat “ Emmanuel Macron a voulu procéder à un rite de passage pour montrer que la crise l’avait transformé. Il a reconnu au détour de la conférence de presse qu’il n’avait peut-être pas toujours eu les mots. Il s’est efforcé de gommer les aspects les plus " allergisants «  de sa personnalité. Macron a ajusté sa communication à la demande implicite d’humilité dont sa personnalité est l’objet. Le problème c’est la réception de ce comportement. Sera t’il considéré comme sincère ? La question demeure entière. La structure intellectuelle de Macron est peu sujette à remise en question. C’est sa solidité intrinsèque, sa marque de fabrique, son caractère, une force ... mais aussi une faiblesse. Eût-Il anticipé parfois certaines résistances, ou mieux évalué les conséquences sociales et politiques de certains de ses actes (comme avec la taxe carbone par exemple), peut-être se serait-il moins « cornerisé », au point parfois de n’apparaître que comme un homme qui ne plie que devant le rapport de forces. Sa détermination affichée a paradoxalement insinué l’idée que seule la montée en tension permanente pouvait avoir raison des certitudes présidentielles. D’où la radicalité de certaines de ses oppositions ... De ce point de vue la conférence de presse de ce 25 Avril n’a pas dissipé forcément cette perception du chef de l’Etat ...

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