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Jean-Luc Mélenchon s'exprime lors d'une réunion de campagne de LFI pour les élections européennes, à Aubervilliers, le 25 mai 2024
Jean-Luc Mélenchon s'exprime lors d'une réunion de campagne de LFI pour les élections européennes, à Aubervilliers, le 25 mai 2024
©JULIEN DE ROSA / AFP

Analyse

Dans une note de blog, Mélenchon dit que « l’antisémitisme reste résiduel en France ». L’historien Marc Knobel dénonce le mensonge du leader des insoumis.

Marc Knobel

Marc Knobel

Marc Knobel est historien. Il a publié plusieurs ouvrages, dont Cyberhaine : propagande, antisémitisme sur Internet, chez Hermann, en 2021.

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On peut s’attendre à tout avec Jean-Luc Mélenchon. Tant il tempête, électrise et est sur la crête raide de l’affrontement et du chaos. Le tribun qui défendait naguère la République et la laïcité est aujourd’hui un prophète du malheur et il s’assoit sur les grands principes et balance quotidiennement ces salves savamment distillées. Et, dans ses meetings, aux critiques habituelles portées contre la macronie, s’ajoute un thème central, la lutte contre l’islamophobie. Et, ce thème est l’un des cœurs de la campagne LFI. Parce que, depuis 2019, pour Mélenchon et LFI, la lutte contre l’islamophobie est une lutte mobilisatrice et porteuse, par excellence. Dans les quartiers et les banlieues, ce thème suscite l’intérêt particulier d’un électorat Français de confession musulmane. Surtout, le leader insoumis a fait de la conquête de l’électorat musulman, son atout majeur à la présidentielle de 2022. Un calcul politique qui s’est révélé payant. Selon une étude réalisée par l’IFOP, sur les votes des différents électorats confessionnels pour le quotidien La Croix[1], les électeurs musulmans ont majoritairement voté pour Jean-Luc Mélenchon (69% d’entre eux), au 1er tour de la présidentielle de 2022.

Et, l’antisémitisme dans tout cela ? Le 2 juin 2024, dans son billet de blog, Mélenchon publie un texte intitulé « Netanyahu à la télé : la déchéance de l’officialité ». Dans ce texte confus et qui est anglé curieusement, Mélenchon commence par dénoncer l’interview de Benjamin Netanyahu sur LCI. Puis, il charge non moins violemment ce qu’il nomme « le cirque de l’inquisition médiatique » qui se serait déployé contre LFI. Puis, vient la séquence antisémitisme. Jean-Luc Mélenchon écrit que « contrairement à ce que dit la propagande de l’officialité, l’antisémitisme reste résiduel en France. Il est en tous cas totalement absent des rassemblements populaires[2] ». Il ajoute que « le rayon paralysant abusif de l’accusation d’antisémitisme est désormais sans effet », alors qu’en temps qu’il s’empresse de dénoncer « l’expression d’un clientélisme islamophobe, anti arabe, et colonialiste ».

Assurément, Mélenchon ment effrontément

Il ment, parce qu’il veut écarter du revers de la main l’accusation d’antisémitisme qui pèse sur sa personne et certains élus de la France insoumise. D’ailleurs, ce qui n’est pas « résiduel », ce sont les différentes sorties calibrées et assumées de Jean-Luc Mélenchon lorsqu’il distille son venin, en ajoutant à l’antisémitisme d’atmosphère.

Par exemple, lorsqu’en mars 2013, lors du 3ème congrès du Parti de gauche qui se tient à Bordeaux, Mélenchon lance que Pierre Moscovici, alors ministre de l’Économie, est un « petit intelligent qui a fait l’ENA, qui a un comportement de quelqu’un qui ne pense plus en français, qui pense dans la langue de la finance internationale ». Cette attaque ad hominem est courte certes, mais elle est extrêmement violente. Mélenchon vise nommément quelqu’un précisément (et personne d’autre) dont il pense être le représentant de l’européisme en France. Ce qui fait réagir Pierre Moscovici. « Chacun a son histoire. Moi j’ai la mienne. Je suis d’une famille où mes quatre grands-parents étaient étrangers. Mon père a été déporté. Et cette famille, elle a choisi la France. Je suis Français par tous mes pores. Je défends la France. Je ne raisonne pas finance internationale[3] ».

Par exemple, lorsque le 15 Juillet 2020, Mélenchon est sur le plateau de BFMTV. Alors que la journaliste Apolline De Malherbe lui demande si « les forces de l’ordre devaient être comme Jésus sur la croix et ne pas répliquer » lors de manifestations, la réponse du chef des Insoumis est particulièrement cinglante, « je ne sais pas si Jésus était sur la croix, je sais qui l’y a mis, paraît-il. Ce sont ses propres compatriotes ». Or, cette thèse ancienne de la responsabilité du peuple juif dans la mort de Jésus, rejetée depuis des décennies par tous les historiens et exégètes et condamnée par l’ensemble des Églises, est répétée ici par Mélenchon.

Par exemple, lorsqu’il publie en octobre 2023, le tweet suivant : « Voici la France. Pendant ce temps, Madame Braun-Pivet campe à Tel Aviv pour encourager le massacre. Pas au nom du peuple français ![4]» Dans ce tweet, nous retrouvons une comparaison insidieuse et des mots, un cliché et/ou une imagerie – et pas seulement d’Épinal – qui flirtent dangereusement avec d’innombrables mots qui, dans notre histoire contemporaine, ont opposé insidieusement ou délibérément la France et les Français aux « Juifs » et aux « métèques ».

Antisémitisme en France, les faits

Enfin, Jean-Luc Mélenchon ment doublement parce qu’un homme politique ne doit pas ignorer ce qu’il en est de la progression fulgurante de l’antisémitisme depuis 2000 et plus précisément depuis le 7 octobre. D’ailleurs, ce qui n’est pas « résiduel » ce sont les faits, les statistiques et les sondages qui analysent cette inquiétante progression.

D’octobre 2000 à la fin de l’année 2022, nous comptabilisons 744 actes en 2000, 936 en 2002, 974 en 2004, 832 en 2009, 614 en 2012, 851 en 2014, 808 en 2015, 687 actes en 2019. Toutes ces hausses interviennent lors des soubresauts du conflit israélo-palestinien, qui se déroule pourtant à 3500 kilomètres de nos frontières. D’ octobre 2000 jusqu’en décembre 2022, 13.091 actes antisémites sont comptabilisés en France.

En 2023, le ministère de l’Intérieur et le Service de Protection de la Communauté Juive comptabilisent 1676 actes antisémites contre 436 en 2022, soit 1000% d’augmentation. Pour rappel, 60% de ces actes portent atteinte principalement aux personnes (violences physiques, propos ou gestes menaçants…) et 40% sont des propos menaçants. Ils ont été recensés dans 616 villes ou communes différentes et dans 95 des 101 départements français. Enfin, 336 actes antisémites ont été perpétrés depuis le 1er janvier 2024. Les chiffres des actes antisémites sont donc au plus haut depuis le 7 octobre 2023, pour un total de 2012 actes antisémites.

Au fond, il y a chez le leader des insoumis, cette agressivité, cette impulsivité, cette férocité, pour ne pas dire, cette brutalité. Mélenchon est une sorte de cocotte-minute, prête à exploser et toute en ébullition. Et, dans le domaine de l’antisémitisme, qu’il fasse donc amende honorable, en s’excusant. Dans ce domaine, il n’est qu’une vilaine caricature blessante et humiliante.

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