L’Allemagne s’enlise toujours plus dans sa transition énergétique ratée <!-- --> | Atlantico.fr
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Olaf Scholz, chancelier allemand.
Olaf Scholz, chancelier allemand.
©ODD ANDERSEN / POOL / AFP

Objectifs 2030

Le gouvernement allemand est train de se rendre compte qu’il aura toujours 200 millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) en trop pour atteindre ses objectifs 2030.

Christian Semperes

Christian Semperes

Christian Semperes est coach professionnel certifié RNCP 7 en développement personnel et superviseur de coachs. Il a travaillé à EDF pendant 36 ans dans les domaines de la production d’électricité d’origine nucléaire, du management des hommes et des femmes, du management des compétences et de l’andragogie (pédagogie pour adultes).

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Atlantico : L'Allemagne fait face à un problème conséquent : en 2021, elle a adopté une loi visant à permettre la réduction des émissions de gaz de 65% d'ici 2030. Hélas pour elle, 200 millions de tonnes de dioxyde de carbone devraient persister à l'avenir. Peut-on encore soutenir de l'Allemagne qu'elle a réussi sa transition énergétique ?

Christian Semperes : Pour la production d’électricité, l’Allemagne a fait le pari de remplacer l’énergie nucléaire pilotable bas carbone par les énergies renouvelables bas carbone mais aléatoirement intermittentes, c’est-à-dire une production non synchrone aux besoins des clients et de l’économie allemande. On peut donc constater les effets en matière d’efficacité pour la lutte efficace contre le réchauffement climatique. Même avec 4 fois plus de moyens de production d’ENR installées que la France, l’Allemagne a été en 2022, comme les années précédentes d’ailleurs, la championne des émissions de CO2. Parce qu’en 2022, elle a produit son électricité à partir d’énergies fossiles à 42% fortement carbonées, l’Allemagne a émis 1,8 fois plus de quantité de CO2 que la Pologne, qui est souvent montrée du doigt comme la mauvaise élève de l’Europe en matière d’émissions de CO2. (Sources Energy-charts et ENTSO-E). Soit 25 650 tonnes de CO2 par heure ! Tout de même !

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Parce que début 2023 l’Allemagne s’est définitivement détournée de manière idéologique de l’énergie nucléaire, sa production d’électricité de cette année ne pourra être que plus carbonée que l’année 2022. 

Depuis l’arrêt total de ses centrales nucléaires, l’Allemagne devra compter sur la production de ses centrales fossiles, la nuit sans soleil et lorsque les anticyclones clouent la production de son parc éolien à des valeurs epsilonesques. Voire même, l’Allemagne devra compter sur l’importation d’électricité bas carbone d’origine nucléaire française, le comble de l’idéologie. La production électrique nucléaire allemande ayant un impact carbone de 12g CO2/kWh, les centrales à charbon 1050g et les centrales au gaz 418g, on imagine l’explosion de ses émissions de CO2 en 2023 à cause de l’idéologie antinucléaire allemande. 

Chaque pays démocratique est libre de sa politique lorsqu’elle est issue des urnes. Néanmoins, les émissions de CO2 et de particules fines ne s’arrêtent pas à la frontière et impactent la planète entière. L’indépendance politique des pays a donc ses limites dans le cadre de la lutte efficace contre le réchauffement climatique. La pérennité de la biodiversité et donc de l’espèce humaine en dépend. Les COP sont là pour nous le rappeler. De plus, l’Allemagne impose son idéologie à l’Europe entière par le biais de la commission européenne. Les résultats de la transition énergétique allemande commencent à faire réfléchir les autres pays européens. La preuve, la récente entente de certains pays européens dont la France pour avoir recours à l’énergie nucléaire. 

Aujourd’hui, ce n’est pas de logique verte écolo dont l’Humanité a besoin, c’est d’éco-logique. La planète a besoin de tous les moyens de production bas carbone. Tous sans exception. Et notamment, de moyens de production bas carbone comme le nucléaire français, sûrs avec un contrôle de la sûreté à la française, pilotables comme sait le faire le nucléaire français, bas carbone et économiquement rentables. Cela fait 45 ans que le mix français le démontre au service du public. L’arrêt de Fessenheim, centrale sûre d’après l’autorité de sûreté nucléaire, a été une ineptie idéologique en alignement sur l’Allemagne. Notamment après la construction et le démarrage de la centrale au gaz exploitée par une filiale de Total à Landivisiau en Bretagne et la réactivation de la centrale à charbon de Saint Avold en Moselle. Même avec des ENR, il faut des moyens de production électrique pilotables, CQFD ! Ce Qu’il Fallait Démontrer. 

En l'état actuel des choses, l'Allemagne se concentre notamment sur le secteur des transports, mais pas que. Ainsi, les chaudières à combustibles fossiles devraient être interdites dès l'année 2024 et de nouvelles taxes sur les convois routiers pourraient voir le jour en plus du prix du péage. Elles devraient s'élever à 200 euros par tonne de carbone émise. Que faut-il penser de telles mesures ?

Non seulement le financement de l’installation des ENR est réalisé par des subventions publiques massives, 500 milliards d’€ en Allemagne et 121 milliards d’€ en France d’après la cour des comptes à l’horizon 2046, mais l’écologie punitive va plus loin avec des taxes, encore des taxes. L’écologisme est devenu une religion d’état qui a besoin de deniers du culte. En France, chaque automobiliste finance l’implantation des ENR à raison de 11c€/litre de carburant à chaque fois qu’il passe à la station-service. A fond perdu, puisque ce sont des subventions publiques, puisque notre production d’électricité est déjà bas carbone à 97% et puisque les ENR ont une durée de vie faible, 20 ans.

Néanmoins, se concentrer sur le transport à des fins de réduction des émissions de CO2 c’est une excellente chose pour la lutte contre le réchauffement climatique, parce que c’est une part significative des émissions de CO2. Néanmoins, si on imagine remplacer les véhicules thermiques par des véhicules électriques, les chaudières aux énergies fossiles par des pompes à chaleur électriques, utiliser l’hydrogène qui demande une quantité d’électricité immense, on comprend que la clé de la réussite de la transition énergétique bas carbone passe avant tout par l’augmentation colossale de la consommation et donc de la production électrique. Mais si, par exemple, on alimente les véhicules électriques avec des centrales à charbon, on comprend l’ineptie de l’idéologie antinucléaire. Même en multipliant encore plus la capacité installée des ENR, la nuit le soleil ne brillera toujours pas, le vent ne soufflera toujours pas en anticyclone, on aura toujours besoin d’une énergie pilotable, même avec toute la bonne volonté de la sobriété nécessaire. Sans nucléaire, l’Allemagne ne pourra pas se passer des énergies fossiles. Elle devra aussi faire appel aux batteries qui nécessitent des ressources terrestres par définition limitées à partir de mines polluantes. A service rendu égal, on peut raisonnablement se demander si les ENR sont vraiment « renouvelables » !

Avec aujourd’hui une électricité à 97% bas carbone, la France a fait sa transition énergétique électrique entre 1978 et 1999 en remplaçant la quasi-totalité de ses centrales électriques à énergies fossiles par un mix électrique nucléaire / hydraulique sûr, pilotable, bas carbone, économiquement rentable et amorti parce que financé par emprunt remboursé avec un prix du kWh compétitif (42€/MWh au tarif ARENH !).


Le péché initial de l'Allemagne n'est-il pas son rejet assez dogmatique du nucléaire ? Comment compenser, sans une telle source d'énergie ?

On constate tous les jours les effets du réchauffement climatique qui, d’après de récentes constatations, a une dynamique nettement plus importante en Europe. 

Plus haut, nous avons montré les conséquences de la logique écolo allemande en matière de transition énergétique et de l’éco-logique de la transition énergétique française réalisée à la fin du siècle dernier. Mais les politiques allemands au pouvoir persistent et signent en arrêtant définitivement ses 3 dernières centrales nucléaires début 2023. Même avec la pénurie de gaz russe qui implique l’élargissement des mines de lignites pour faire face à la demande, que même Greta Thunberg a dénoncé récemment par sa présence physique lors d’une manifestation en janvier dernier en Allemagne. La logique dogmatique se fissure, l’Histoire a déjà montré que la raison l’emporte toujours sur le dogmatisme. En France aussi.

Totalement sourds aux arguments des professionnels de la production d’électricité, comme aveuglés par l’idéologie allemande et pour quelques pourcentages de plus aux élections, il aura fallu 2 quinquennats et 1 an pour que les responsables politiques français au pouvoir abrogent la loi de plafonnement de l’énergie nucléaire à 50% et la fermeture prématurée de 14 réacteurs en parfait état de marche et sûrs. Enfin, le pragmatisme éco-logique prend le pas sur dogmatisme écolo pour une lutte efficace contre le réchauffement climatique. C’est juste une question de temps. Le problème, c’est que le réchauffement climatique nous a pris de vitesse, nous n’avons plus le temps de rêver au paradis terrestre utopique du 100% renouvelables !

L'Allemagne peut-elle encore réussir sa transition énergétique ? De quels leviers dispose-t-elle et quels sont ceux qu'elle devra (mécaniquement) actionner ?

Quels leviers, l’Allemagne dispose-t-elle ? Quels leviers lui laisse l’idéologie verte écolo, devrions-nous dire ? On a déjà répondu précédemment à cette question. En résumé, c’est une fuite en avant, quoiqu’il en coûte sur le réchauffement climatique et donc la biodiversité et donc la pérennité de l’espèce humaine, 

- Bétonner encore et toujours plus la nature et maintenant la mer, avec la multiplication des champs d’éoliennes pour une durée de vie de 20 ans seulement. On peut raisonnablement s’interroger sur le caractère « développement durable des ENR » ! 

- Transformer la nature en zone industrielle par l’installation de panneaux solaires, alors que les Émirats Arabes viennent de démarrer 4 réacteurs de 1000MWe plutôt que de développer l’énergie solaire. Étonnant, non pour un pays qui ne manque pas d’ensoleillement contrairement à l’Europe ?

- Faire appel aux énergies fossiles émettrices de CO2, le gaz notamment dont le prix a explosé avec la guerre en Ukraine et dont l’approvisionnement est compromis après le sabotage du gazoduc Nord Stream,

- Recourir au charbon pour compenser la perte de la production nucléaire, 

- Importer l’énergie électrique d’origine nucléaire française, l’Allemagne aura bouclé la boucle de son idéologie !

L’idéologie a toujours été une impasse pour l’humanité. 

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