Kamikazes américains en Syrie, tueur français de Bruxelles : pourquoi la pompe à jihadiste tourne plus que jamais<!-- --> | Atlantico.fr
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Il y a plus de djihadistes étrangers en Syrie que dans tous les conflits précédents.
Il y a plus de djihadistes étrangers en Syrie que dans tous les conflits précédents.
©Reuters

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A l'image du Français Mehdi Nemmouche, soupçonné d'être le tueur du musée juif de Bruxelles et arrêté à Marseille ce vendredi 30 mai, ou encore de l'Américain Abou Hurayra al-Amriki, auteur d'un attentat suicide le 25 mai au Nord Ouest du territoire syrien, ils sont de plus en plus nombreux et de plus en plus jeunes à se rendre en Syrie pour faire le djihad.

Jean-Charles Brisard

Jean-Charles Brisard

Jean-Charles Brisard est spécialiste du terrorisme et ancien enquêteur en chef pour les familles de victimes des attentats du 11 septembre 2001. Il est Président du Centre d'Analyse du Terrorisme (CAT) 

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Atlantico : Pourquoi y a-t-il plus de djihadistes étrangers en Syrie que dans tous les conflits précédents ? En quoi la Syrie est-elle différente ?

Jean-Charles Brissard : D'abord, on constate une proximité géographique qui facilite le déplacement des jihadistes sur place. Puis, il y a une proximité médiatique, car n'oublions pas qu'il s'agit d'un conflit dont on parle beaucoup. Il y a également une hésitation des pays occidentaux à s'engager dans ce conflit. Il y a en tout cas une unanimité pour condamner le régime de Bachar el-Assad, ce qui offre une force d'attraction supplémentaire aux jihadistes sur le départ. 

Surtout,  il y a la présence d'infrastructures terroristes sur place qui permettent de faire une propagande très importante sur Internet. Et Internet est aujourd'hui le vecteur majeur des départs de Français et étrangers sur le théâtre des opérations. C'est la grande différence avec les autres pays. Auparavant, pour la Bosnie, le Pakistan ou la Tchétchénie ce facteur était beaucoup moins présent. La stratégie de propagande a été modifiée car auparavant, le recrutement se faisait essentiellement sur des sites dédiés. Aujourd'hui, le jihad est présent sur les réseaux sociaux, donc accessible à tous. C'est par ce biais que les jeunes se radicalisent. 

Quel est le profil de ces djihadistes étrangers et que viennent-ils chercher ? Qu'est-ce que tous ces jihadistes ont en commun ?

Ces personnes ont globalement entre 18 et 25 ans. Il y a ensuite différents motifs pour partir combattre en Syrie. Il y a ceux qui sont en crise identitaire et concoivent le jihad comme l'appartenance à un groupe sur place, et s'accrochent à une nouvelle identité, celle de jihadiste. Ils se retrouvent en même temps auréolés du statut de combattant. Par ailleurs, il y aussi ceux qui viennent pour des raisons humanitaires et qui sont embrigadés. Ils pensent partir pour aider une organisation caritative, qui en réalité est au contact des jihadistes et mènent vers la radicalisation du sujet. Il y a aussi ceux qui sont sensibles à la lutte entre sunnites et chiites. Enfin, il y a ceux qui viennent  pour renverser le régime de Bachar el-Assad. Ils pensent aller dans une organisation légitime pour mener à bien leur lutte et finissent en réalité tôt ou tard par être embrigadés par les mêmes réseaux jihadistes.

Concernant les nationalités, le principal contingent est Français avec à peu près 430 personnes entre ceux qui sont sur place ou en transit. Les Britanniques arrivent ensuite avec 400 hommes, puis les Allemands (320), les Belges (150-200) et les Suédois (150). En tout, il y a plus de 2300 ressortissants de l'Union européenne qui combattent sur place et plus de 3000 qui ont été impliqués depuis le début du conflit syrien.

Y a-t-il un profil social établi ? La non-intégration dans le pays d'origine peut-elle rentrer en ligne de compte dans leur choix de partir ? 

On a des profils très variés. Il y a des personnes tout à fait intégrées dans le milieu social et puis il y a des personnes en rupture de ban. En réalité, les facteurs sociaux son très marginaux. Cela résulte simplement d'une décision individuelle, alors même que la société les a bien intégré ainsi que leur famille. C'est la raison pour laquelle ils sont très difficiles à détecter, c'est parce qu'ils mènent bien souvent une vie tranquille dans des familles sans embûches et athés au départ. Ils n'ont pas de culture particulière de l'Islam et ils décident de se radicaliser d'un coup. C'est bien souvent une démarche personnelle, existentielle, dans la mesure où on a à faire à des personnes en perte de repères identitaires. Il y aussi des cas minoritaires de personnes désœuvrées qui considèrent le jihad comme une aventure.

Quel est le parcours de Mehdi Nemmouche, arrêté à Marseille suite à l'attentat du musée juif de Bruxelles ? Est-il classique ?

Il a un parcours assez typique, classique. C'est quelqu'un qui est un délinquant multi-récidiviste. Il a été radicalisé en prison, creuset de radicalisation très important en France. Et puis, il est aussi parti pour le jihad. Il y a de très nombreux points de ressemblance avec quelqu'un comme Mohamed Merah. Il est parti de Roubaix pour aller en Syrie pendant un an. Ce qu'on sait c'est que pour revenir en Europe, il a brouillé les pistes. Il est revenu par l'Asie du Sud-Est, en passant par Singapour, la Malaisie et ensuite il est passé en Allemagne et c'est là qu'il a été signalé aux autorités françaises, qui vont dès lors perdre sa trace.

L'attentat de Bruxelles est-il un préambule au retour de ces jeunes en Europe ? Sont-ils formés à attaquer leur pays d'origine ?

Ils ne sont pas nécessairement préparés à attaquer leur propre pays d'origine. Ce n'est pas, en tout cas, la formation qu'ils reçoivent. Ils subissent sur place et en amont sur Internet, un lavage de cerveau et surtout ils sont formés militairement au maniement des armes et des explosifs. A la suite de leur séjour sur place, ils sont ultra-radicalisés et sont potentiellement des bombes à retardement. Il est évident que Mehdi Nemmouche est un précurseur malheureusement. A l'avenir, ce type d'attentat risque de se reproduire. Ces personnes sont dans l'action et considèrent que la violence est nécessaire. Les jihadistes français considèrent que la France ne fait pas assez dans la violence, donc ils sont prêts à aller jusqu'au bout. Ces jeunes jihadistes s'expriment sur le terrain en devenant kamikazes ou martyrs et certains d'entre eux peuvent vouloir prolonger ce jihad sur le sol national d'origine. Fort heureusement, ce n'est pas toujours le cas. Le problème aujourd'hui, c'est que l'on fait face à des départs massifs pour la Syrie. En Afghanistan, ils étaient quelques dizaines de jihadistes alors qu'en Syrie ils sont des centaines. Nécéssairement dans le lot, Mehdi Nemmouche. 

Propos recueillis par Arnaud Boisteau

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