Jusqu’où pourrait aller la dégringolade de Valérie Pécresse dans les sondages ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Valérie Pécresse s'exprime lors d'un événement co-organisé par France Inter et l'association "Chemins d'avenirs" à la Maison de la Radio à Paris, le 22 février 2022.
Valérie Pécresse s'exprime lors d'un événement co-organisé par France Inter et l'association "Chemins d'avenirs" à la Maison de la Radio à Paris, le 22 février 2022.
©JULIEN DE ROSA / AFP

Campagne électorale

Selon un nouveau sondage Elabe pour BFMTV, Valérie Pécresse est créditée de 11,5% d'intentions de vote. La chute de la candidate LR dans l'opinion peut-elle se poursuivre ?

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : Alors que Valérie Pécresse est créditée de 11,5% d’intentions de vote dans un sondage Elabe pour BFM TV publié mercredi 23 février, peut-on s’attendre à une dégringolade dans les semaines à venir ? Comment expliquer cette perte de vitesse ?

Christophe Bouillaud : Un seul sondage ne peut évidemment pas établir une tendance. Je me garderai donc bien de prédire sur cette seule base une dégringolade des intentions de vote pour cette candidate. Sur l’ensemble des sondages publiés à ce jour, tel que compilé par notre collègue Emiliano Grossman, c’est plutôt à un tassement que l’on observer. Par contre, il n’est pas difficile de remarquer que Valérie Pécresse ne semble pas en mesure actuellement de marquer les esprits lors de cette première phase de la campagne présidentielle. Elle a certes été désignéepar la primaire réservée aux seuls adhérents des Républicains, mais sans y bénéficier d’un score triomphal. C’est plutôt Eric Ciotti qui a fait une belle campagne d’outsider, et de brillant perdant au deuxième tour.

Surtout, une fois cette désignation acquise, elle a été incapable de faire émerger dans l’espace médiatique une ou deux propositions marquantes qui changeraient rapidement le quotidien des Français ordinaires. Elle n’a pas été non plus capable d’imposer un slogan, une rengaine, qui la caractériserait. Force est de constater qu’elle n’a pas trouvé pour l’instant l’équivalent du « travailler plus pour gagner plus », ou de la « fracture sociale », pour faire référence aux deux précédents candidats de la droite républicaine victorieux à l’élection présidentielle, voire du slogan un peu surréaliste, « Mangez des pommes ! », d’un Chirac.

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Inversement, on voit émerger à sa droite chez le candidat Zemmour comme slogan le « Ben voyons ! » qui n’est autre que le tic de langage de ce dernier pleinement assumé – un bel exemple de retournement du stigmate. Les partisans de Zemmour assument ainsi le refus de leur candidat de pousser trop loin tout discussion rationnelle sur ses sujets de prédilection.

Début 2017, alors que François Fillon était embourbé dans une série de scandales, il avait relativement bien tenu le choc dans les sondages. Comment l’expliquer ? Pourquoi Valérie Pécresse ne bénéficie-t-elle pas de la même forme de stabilité ?

Il faut se rappeler que la droite républicaine avait désigné à l’automne 2016 son candidat suite à une primaire ouverte à tous les électeurs de droite qui désiraient y participer (contre une somme modique). Il y avait eu des millions de participants, et surtout les débats de cette primaire à l’américaine avaient été bien plus médiatisés que cette année. François Fillon, déjà bien connu pour avoir été Premier Ministre pendant cinq ans, s’était imposé de haute lutte dans ces débats, y compris contre celui dont il avait été le « collaborateur », Nicolas Sarkozy. La ligne Fillon, très austéritaire et libérale, avait été clairement explicitée à l’électorat de droite. De plus, les débats de l’époque ne peuvent pas être résumés au spectacle des débats de la primaire fermée de cette année. Ceux-ci n’ont tourné que sur l’immigration, l’insécurité et la place de l’islam. De fait, en bonne logique, c’est Eric Ciotti qui aurait dû l’emporter tant le cadrage de ce débat lui était favorable. Du coup, Valérie Pécresse n’a pas été en mesure de bien préciser aux Français, déjà à ce stade de la primaire des Républicains, quels étaient ses solutions pour tous les problèmes qui les préoccupent. Eh oui, la majorité des électeurs, même de droite, ne sont pas tous obsédés par l’art et la manière de bouter hors du très chrétien Royaume de France les sarrasins et autres bachi-bouzouks qui s’y sont infiltrés, ils sont aussi préoccupés de leur pouvoir d’achat par exemple, voire même des études de leurs enfants, de leur santé ou de l’environnement.

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Autrement dit, partant d’une victoire acquise dans une primaire fermée sur des thématiques très étroites – sauf à être un électeur d’extrême-droite pour lesquelles ces thématiques sont évidemment centrales et pour ainsi identitaires - , il est assez difficile de s’imposer ensuite dans un débat plus généraliste, où l’on doit parler à tout l’électorat.

Il faut ajouter, comme Valérie Pécresse l’a elle-même dit, le fait d’être une femme. C’est sûr que dans le contexte français où aucune femme n’a jamais réussi à se faire élire Présidente de la République le défi à affronter est d’autant plus immense. Son premier grand meeting complètement raté dans son impact médiatique a accentué la difficulté de ce point de vue. Ce n’était ni fait ni à faire. Il lui faut encore inventer son propre style, et il est vrai qu’elle ne dispose pas de beaucoup de modèles à suivre dans l’espace politique français. Il est un peu tard d’ailleurs pour s’inspirer d’une Simone Veil ou d’une Marie-France Garaud, et le risque est désormais de finir politiquement carbonisé à la manière d’une Edith Cresson.

Valérie Pécresse peut-elle faire quelque chose pour améliorer sa situation ?

Oui, il faut qu’elle trouve enfin un thème porteur proche des préoccupations de tous les Français, et qu’elle le martèle ensuite dans ses interventions publiques. Il ne faut pas sortir une proposition trop technocratique, mais quelque chose de simple et faisable qui saura parler au cœur de l’électorat qu’elle vise Ce n’est bien sûr pas à moi de l’inventer pour elle. A vrai dire, si elle n’a rien eu de très fort à proposer de ce point de vue, c’est aussi parce que les Républicains eux-mêmes n’ont pas fait émerger depuis 2017 des propositions fortes en leur sein qui puissent emporter l’adhésion. Ce n’est pas en proposant de supprimer des centaines de milliers de fonctionnaires – en contradiction avec ce que montre la situation sur le terrain dans tous les domaines de l’action publique - , en promettant une bonne cure d’austérité pour ne pas laisser de dettes à nos petits-enfants – qui risquent bien de souffrir surtout en 2070 de la dette climatique plutôt que de dette financière - etc. que l’on risque beaucoup de faire rêver les Français de lendemains immédiatement meilleurs. De fait, les électeurs veulent rêver, mais ils veulent rêver sur des choses qui leur paraissent concrètes.

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Face au péril que représente cette élection présidentielle pour l’avenir de LR, les Républicains ont-ils intérêt à continuer à faire bloc derrière leur candidate ?

De toute façon, à la date du 24 février 2022, avec une ultime date pour les parrainages au 3 mars 2022, et un vote au 10 avril 2022, comme on dit, le vin est tiré, il faut le boire. Du point de vue des caciques du parti, il n’y a plus qu’à soutenir cette candidate jusqu’au bout. Même si les informations du journal Libération sur la primaire des Républicains se révélaient en tout ou en partie exactes, je ne vois guère comment ne pas soutenir Pécresse. Il faudrait vraiment des révélations d’une extraordinaire gravité pour ne pas continuer à la soutenir. Est-ce que les Républicains seraient même capables du point de vue organisationnel de sortir en quelques jours de leur chapeau les 500 parrainages pour un autre candidat ? Et quel candidat ? Ciotti ? Bertrand ? Barnier ? Quelqu’un d’autre ? Sarkozy lui-même tel Cincinnatus dans la Rome républicaine ? Il vaut mieux pour eux faire semblant de rien et aller courageusement jusqu’au bout, et qui sait la situation peut encore se retourner.

Par contre, pour les élus de base des Républicains, si la candidature Pécresse se délitait au fil des semaines à venir, nous verrions sans doute deux diasporas se former : l’une en direction de Zemmour, toutefois s’il réussit à avoir ses 500 parrainages, comme futur chef d’une droite complétement décomplexée, et l’autre en direction de la majorité présidentielle.

Et probablement, avec un éventuel échec de Pécresse à accéder au second tour de l’élection présidentielle, les Républicains auraient vécu comme parti. La recherche des responsables de cet échec devrait agiter durablement ce camp.

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