JO 2024 : derrière les médailles, les rivalités géopolitiques<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Jeux Olympiques se tiendront en Juillet et Août 2024 à Paris, AFP
Les Jeux Olympiques se tiendront en Juillet et Août 2024 à Paris, AFP
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Des jeux pour la paix ?

Le scénario géopolitique de l’année 2024 apparaît déjà riche en péripéties. Les Jeux Olympiques de juillet, qui se tiendront à Paris pourraient s’avérer plus importants que d’aucuns ne l’envisage.

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Élections européennes, guerres longues entre Ukraine et Russie ainsi qu’entre Hamas et Israël, retour de Trump sur la scène électorale, nouveau mandat Poutine et Sommet de l’avenir pour une ONU en quête de missions : le scénario géopolitique de l’année 2024 semble déjà écrit et riche en péripéties. Dans cette succession de crises annoncées, les 33è Jeux Olympiques d’été à Paris du 26 juillet au 11 août pourraient bien jouer un rôle essentiel. Dans un registre médiatique et sportif, l’événement ouvrira aux acteurs internationaux l’agora que les organisations internationales peinent à leur ouvrir. La géopolitique 2024 se fera-t-elle au Jeux de Paris ?

1. Trêve olympique et guerres sans relâche

Depuis longtemps, les Jeux Olympiques ne font plus la paix. Le sport ne permet même plus un armistice provisoire, comme dans l’Antiquité. Aucune « trêve olympique » ne sera à prévoir en 2024 que ce soit à Gaza ou en Ukraine orientale. Toutefois les acteurs de ces longs conflits utiliseront l’événement pour préparer la paix qu’ils veulent.

A l’été 2024, selon toute probabilité l’Ukraine sera de nouveau lancée dans une opération de reconquête – au moins partielle – de son territoire. Après plus de deux ans de résistance à l’opération russe et quelques mois avant l’accession possible de Donald Trump au pouvoir, elle essaiera de créer, les armes à la main, un rapport de force militaire qui soit favorable à sa souveraineté. Côté russe, l’administration Poutine, relancée par la réélection de mars-avril 2024 sera elle aussi sans doute lancée dans une opération pour redorer son blason militaire en Ukraine et diplomatique en Europe. Au moment où s’ouvriront les Jeux, l’Ukraine tentera, sur le terrain symbolique, d’alerter à nouveau les capitales européennes – au premier chef Paris – sur l’impérialisme russe, en critiquant la présence d’athlètes russes dans la compétition. Quant à la Russie, elle tentera de récupérer ses succès sportifs pour échapper au statut de paria. Loin des champs de bataille d’Europe orientale, la lutte d’image des deux ennemis continuera à la faveur de l’événement le plus médiatisé au monde.

De même, à l’été 2024, Israël tentera de tirer parti de l’absence de délégation palestinienne aux Jeux pour relancer sa version du conflit à Gaza. Le pays sera sans doute engagé, à cette occasion, dans une campagne pour recueillir un soutien renouvelé de ses alliés européens.

En somme, les Jeux ne donneront ni relâche aux victimes des guerres ni victoire à leurs responsables. Mais ils donneront une tribune aux belligérants pour prendre à témoin l’opinion mondiale et, peut-être, aux diplomates pour se rencontrer plus discrètement que dans des tribunes de stade. Les JO ne feront pas la paix. Mais ils peuvent en préparer certains aspects.

2. Des « Jeux de Macron » à la relance européenne

De Jeux -même très réussis – ne suffiront pas non plus à relancer le deuxième quinquennat Macron et, avec lui, la construction européenne. Mais leur bilan aura nécessairement un impact sur le rôle que le président français entendra jouer sur le continent à la fin de son mandat et dans ses futures fonctions. 

L’organisation réussie de Jeux est, pour la ville-hôte et l’Etat dont elle dépend, un atout sérieux en termes d’attractivité, d’image et de « nation branding ». Recherché depuis des décennies par Paris et la France, l’accueil des Jeux Olympiques d’été sera un test pour la logistique, le secteur hôtelier, les services de sécurité, les réseaux de transport, etc. de la capitale française. La prévention des attentats et des violences de rue sera essentielle car le savoir-faire français en la matière a été mis à mal – à tort ou à raison – durant la dernière décennie. Démontrer l’excellence française en matière d’événements internationaux sera une contribution déterminante pour la legagy macronienne. Faire de Paris le centre du monde pendant plusieurs semaines : voilà le défi. Et exploiter l’afflux de personnalités dans la capitale pour la compétition, voilà la mission que se fixe d’ores et déjà le leader français.

L’enjeu est de taille également pour les Européens dans leur ensemble. La candidature de Paris 2024 s’est distinguée par la volonté de rompre avec le gigantisme consumériste des grandes compétitions organisées en Chine, en Russie, au Qatar, etc. Pour Emmanuel Macron, les JO 2024 sont censés incarner la « voie européenne » en matière de sobriété écologique. Si l’équilibre juste est trouvé entre liberté de circulation et dispositifs de sécurité, entre mondialisation de l’événement et réduction de l’empreinte environnementale, entre illustration du pays et modestie budgétaire, alors le président français pourra prétendre, pour la dernière partie de son mandat, occuper le devant de la scène européenne. Et, qui sait, parler au nom des Européens après la fin de son mandat. 

Plus qu’un nouveau départ pour une présidence Macron proche de son terme, et plutôt qu’une relance de l’Union, les Jeux prépareront – ou ne parviendront pas à préparer – une voie Macron pour l’Europe.

3. Et à la fin, c’est la rivalité sino-américaine qui prévaut ?

L’attribution des Jeux Olympiques d’été à une capitale du Vieux Continent, quatre ans après Tokyo et une olympiade avant Los Angeles, ne replacera pas l’Europe au centre de la géopolitique mondiale. C’est l’Asie et les « nouveaux acteurs » de la géoéconomie qui continueront à contester aux Européens le leadership mondial. Toutefois, ces Jeux très européens pourront rappeler que le continent ne se réduit pas au rôle de supplétif des Etats-Unis dans leur gigantomachie avec la Chine.

Figure imposée du bilan des Jeux Olympiques d’été, la comparaison des palmarès de médailles entre superpuissances sportives aura bel et bien lieu. A Washington comme à Pékin, les plus hautes autorités politiques vanteront leurs moissons de titre – promises à être impressionnantes. Mais, par-delà le softpower des médailles et le prestige géopolitique des palmarès, les Jeux de Paris offriront aux Etats européens qui s’en donneront la peine, de diffuser un modèle d’influence sportive alternatif. Plutôt que la brutale comptabilité des médailles, ces Jeux, plus que tous les autres, sont l’occasion de remettre l’accent sur la rigueur morale des athlètes, de mettre en valeur de « magnifiques perdants » de surprendre par des disciplines éloignées des marchés sportifs mondiaux… Pour prendre du recul sur la structurelle gigantomachie sino-américaine, une touche parisienne dans les stratégies d’influence pourrait contribuer au lustre particulier des anciennes nations européennes. Sans être un conservatoire du folklore européen, les Jeux de Paris pourrait bien offrir une version plus humaine de la mondialisation.

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