Jérôme Chartier : "Alain Juppé et Nicolas Sarkozy ne sont à ce jour pas autant engagés que François Fillon"<!-- --> | Atlantico.fr
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L'ex-Premier ministre François Fillon
L'ex-Premier ministre François Fillon
©Reuters

Premier au départ

C'est à Rouez-en-Champagne, dans son ancien fief de la Sarthe, que François Fillon a fait sa rentrée mercredi 27 août. Cherchant à prendre le contre-pieds de la politique du gouvernement, sa tâche est compliquée par la surexposition médiatique du remaniement, la récente candidature d'Alain Juppé à la primaire UMP, et la sortie imminente de Nicolas Sarkozy de son silence. Analyse de ses forces et faiblesses avec l'un de ses plus proches soutiens, le député du Val-d'Oise Jérôme Chartier.

Jérôme Chartier

Jérôme Chartier

Jérôme Chartier est un homme politique français, actuel maire de Domont et député de la 7ème circonscription du Val d'Oise.

Il est notamment l'auteur d'un rapport sur la convergence fiscale franco-allemande. 

 

 

 

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Atlantico : Vous étiez présent dans la Sarthe  mercredi 27 août pour la rentrée de François Fillon. Candidat à la primaire de de la droite pour la présidentielle de 2017, l'ancien Premier ministre en a profité pour mettre en avant ce qu'il juge être son principal atout : son programme. Justement, relativement à Alain Juppé et Nicolas Sarkozy, quelles sont les propositions de François Fillon ?

Jérôme Chartier : François Fillon a présenté plusieurs des mesures qu’il proposera aux Français lors de la primaire, fruit de ses rencontres avec les Français et des discussions avec les groupes de travail qu’il a mis en place depuis plus d’un an. Parmi celles ci, les mesures sur la compétitivité – fin des 35 heures, encouragement financier à l’initiative et l’investissement, simplification du droit du travail… - rencontrent un très fort succès. Mais François Fillon a surtout consacré son discours de rentrée politique à la mise en cause de l’irresponsabilité de François Hollande, chantre de l’autosatisfaction qui semble se complaire dans l’inefficacité de ses mesures pour contrer le chômage et relancer la croissance. L’éclatement de la majorité actuelle - que François Fillon avait annoncé dès janvier - l’incohérence de la politique conduite écartelée entre un libéralisme économique « canada dry » et une politique du logement aux relents de marxisme et enfin un capharnaüm gouvernemental sans précédents ont alimenté un discours qui a été beaucoup salué et pas seulement par ses plus fidèles soutiens.

François Fillon peut-il vraiment avoir la primaire de l’UMP en tête sans se positionner par rapport à Alain Juppé et Nicolas Sarkozy ?

En s’engageant à incarner le premier opposant à François Hollande et à alimenter la machine à proposer, François Fillon trace un sillon original dans la vie politique française, qui semble particulièrement plaire aux Français. Il n’y dérogera pas jusqu’à la primaire qui, au fond, a radicalement changé le fonctionnement de la Droite. Auparavant, il fallait tuer avant l’heure et à tout prix tous ses concurrents pour satisfaire au mythe du candidat naturel. Désormais, ce sera un débat « à la loyale » - ce que je souhaite – face à tous les sympathisants de la droite et du centre élargis sans doute à celles et ceux qui ne veulent plus de François Hollande. Ce sera une primaire jamais vue, et d’ailleurs la première ouverte à droite. Oserai-je rappeler qu’elle est aujourd’hui plébiscitée par les Français et qu’elle existe parce que François Fillon depuis deux ans n’a rien cédé pour son instauration incontournable ?

Son projet prévoit des mesures concrètes, notamment 100 milliards d’économies, la sortie des 35 heures, une baisse de 20% des effectifs dans la fonction publique, ou encore l’augmentation de la TVA. Si François Fillon a le mérite de plancher sur son programme, n'est-il pas trop tôt pour le dévoiler ?

La primaire est dans 18 mois, il est urgent de commencer à réfléchir ! Depuis février dernier, François Fillon présente régulièrement ses réflexions et propositions au rythme d’un thème tous les mois et demi. Il l’a fait ainsi pour l’Education nationale, la sécurité de proximité, l’Europe, et tout récemment pour la compétitivité. Il poursuivra ces contributions au débat à la même fréquence. J’observe qu’elles suscitent d’ailleurs beaucoup d’intérêt et provoquent un débat systématique, à droite bien sûr - mais pas seulement – ce qui est justement l’objectif recherché. Il sera temps le moment venu de mettre en forme idées, projet, programme de gouvernance bien sûr, mais dans l’esprit de François Fillon, commencer à décliner maintenant le fruit de ses analyses permet de renouer avec la tradition de la Droite de la confrontation d’idées. Nous l’avons abandonné depuis tant de temps et cela nous a beaucoup porté préjudice. Le débat d’idées est notre marque de fabrique et nous devons nous y remettre sous peine de se faire passer devant par d’autres formations qui n’attendront pas la primaire pour provoquer les esprits.

D’ici là, n’arrivera-t-il pas un moment où il aura épuisé son "capital d’annonces" dans le cadre de cette élaboration de projet ?

Il est loin d’avoir épuisé tout ce qu’il a à dire. Il est celui qui aura commencé le premier, c’est clair et la richesse du travail déjà accompli et en cours d’aboutissement augure à l’issue des travaux et des échanges avec les Français un projet très complet, structuré et affiné. Les Français attendent que la Droite travaille à l’alternance afin qu’ils apprécient non seulement la capacité d’un homme à incarner un projet mais qu’ils mesurent la finesse du contenu. 2012 à gauche fut un désastre programmatique dont la France entière assume aujourd’hui les conséquences. Nous ne pouvons plus nous payer le luxe de propositions mal ficelées, griffonnées sur un coin de table pour faire plaisir à tout le monde et qui en définitive ne peuvent satisfaire personne.

Par ailleurs, au moment où François Fillon faisait sa rentrée politique dans la Sarthe, le gouvernement Valls II prenait ses fonctions, privant ce dernier d'une certaine visibilité. La rentrée politique de l'ancien Premier ministre a-t-elle souffert du calendrier ? 

Je me demande au contraire dans quelle mesure elle ne fut pas un pain béni pour celui qui n’a eu de cesse, depuis janvier dernier, à clouer au pilori l’avanie d’une majorité tirant à hue et à dia soutenant comme la corde soutient le pendu un gouvernement en proie à ses propres turpitudes. Le fait que tout éclate 48 heures avant sa rentrée politique a manifestement suscité la curiosité des médias – très nombreux à Rouez en Champagne dans la Sarthe – et celle des Français si j’en crois les audiences du 20 heures de TF1 mercredi dernier dont il était l’invité.

Comment faire en sorte que François Fillon et son programme soit à l'avenir plus audible ?  

Il doit poursuivre l’offensive médiatique qu’il a entamée à l’occasion de cette rentrée politique et quelque chose me dit que ce sera le cas… Tout au long de l’exercice de ses responsabilités, François Fillon a toujours privilégié la réflexion et l’action à la médiatisation. Il pensait que chacun reconnaitrait le travail accompli. Il est aujourd’hui conscient que « faire savoir » devient aussi crucial que « savoir » et « faire ». Je pense donc que vous allez beaucoup le voir et l’entendre dans les semaines à venir.

Selon un sondage CSA exclusif pour Atlantico, 37% des Français voudraient voir Alain Juppé exercer plus d’influence à l'avenir, bien devant François Fillon, qui se positionne à 20 %. De son côté, Nicolas Sarkozy reste plébiscité par les militants (28%), comme en témoigne l'appel de la Droite forte diffusé sur twitter auprès des militants afin que ces derniers parrainent l'ancien président de la République en vue de sa candidature à la tête du parti. Quel diagnostic faites-vous de ce déficit de popularité ? 

La question de ce sondage est intéressante. François Fillon n’arrive pas en tête dans les souhaits de davantage d’influence dans la mesure où depuis maintenant un an et demi il ne fait aucun doute aux yeux des Français qu’il est engagé pleinement dans l’action politique, l’opposition à François Hollande, et la primaire de 2016. Alain Juppé ou Nicolas Sarkozy ne le sont pas à ce jour au même degré, ce qui n’est pas une critique mais simplement un constat. Qu’une attente de la part des Français existe sur l’engagement de ces deux personnalités est donc logique. J’observe par ailleurs que François Fillon a encore progressé de 2 points en termes de popularité dans le dernier sondage Ipsos, ce qui fait de lui l’une des principales personnalités de droite préférées des Français.

Manque-t-il au député de Paris une vision capable de fédérer les sympathisants de l'UMP, mais aussi les Français ?

J’ai pu constater que François Fillon dispose de cette vision qu’il érode à la mesure de ses rencontres avec les Français et de ses échanges avec nombre de personnalités. Elle s’exprime lors de ses interviews, on peut la déceler. Mais chacun l’aura en pleine lumière pour le coup lors de la primaire en 2016. Car si il y a bien un élément qui est essentiel au débat politique lorsque les Français devront choisir l’opposant à François Hollande, c’est incontestablement la vision que portera cet homme.

Fin 2012 lors de la dernière élection de la présidence de l'UMP, François Fillon s'est retrouvé avec Jean-François Copé au cœur d'une bataille fratricide. Cet épisode lui est-il toujours préjudiciable ? Comment peut-il pallier ce déficit d'image ?

J’ai le sentiment que cette période est déjà loin pour les Français. De l’eau a coulé sous les ponts. L’affaire Bygmalion a donné raison à François Fillon sur bien des points. Jean-François Copé à démissionné de la présidence de l’UMP. Le triumvirat prépare l’organisation de nouvelles élections. Grâce à François Fillon, avec Jean-Pierre Raffarin et Alain Juppé, l’UMP est sauvé d’un désastre annoncé. J’observe que beaucoup de personnalités qui à l’époque avaient soutenu Jean-François Copé ont rendu hommage à François Fillon et certaines l’ont d’ailleurs rejoint aujourd’hui. Nous sommes tous passés à autre chose et je dirai même qu’il était grand temps pour la Droite. La meilleure preuve ? Christian Jacob, Luc Chatel, Bruno Lemaire sont venus à la rentrée politique dans la Sarthe, montrant ainsi que les antagonismes d’hier appartiennent désormais au passé.

Le projet politique dont est porteur François Fillon sera-t-il capable de séduire les sympathisants UMP les plus à droite ?

J’ai été frappé par les réactions suscitées lors des annonces de François Fillon sur le thème de la compétitivité. Je n’ai entendu que des soutiens, des applaudissements, et des personnes qui disaient « enfin » de la part tant de celles se revendiquant de la droite de la droite, du centre de la droite ou de la gauche de la droite. Je pense même que des membres de la gauche démocrate sociale ont trouvé de très bonnes choses dans les propositions de François Fillon tant sur la compétitivité que sur l’éducation. En cela il incarne un vrai rassemblement, celui de tous les opposants à l’actuel président de la République. La primaire de 2016 étant ouverte, ce sont possiblement toutes ces personnes qui pourraient choisir la personne qu’ils souhaitent voir s’opposer à François Hollande.

Son positionnement libéral ne risque-t-il pas de constituer un handicap vis-à-vis de tous ceux qui à droite observent avec méfiance l’Europe et la mondialisation ?

François Fillon est européen pour l’Europe, libéral pour l’économie, conservateur sur la sécurité, jacobin pour l’éducation. Il incarne donc avant tout le rassemblement des Français. Le considérer comme néo-thatcherien le fait souvent sourire. Je me souviens l’avoir entendu citer le général de Gaulle qui était régulièrement fustigé pour son libéralisme économique ! Beaucoup croient que la France qui a pourtant façonné le berceau du créateur du libéralisme rejettera toujours ce mot qu’elle considèrerait comme un maléfice destructeur de la nation. Je pense pour ma part que cela pourrait bien changer…

Quelles sont les principales étapes pour François Fillon jusqu'à la primaire de 2016 ? 

Il poursuivra ses rencontres avec les Français au rythme d’un à deux déplacements par semaine, qui enrichissent beaucoup son appréciation de la situation de la France et de la vie de chacun. Il s’appuie d’ailleurs sur ces échanges pour alimenter les axes de travail des ateliers thématiques qui compilent informations et réussites de réformes, réunissent idées originales et penseurs nouveaux. Ces ateliers qui ont commencé tôt et qui allient société civile, administrative et politique sont une réussite de l’association Force Républicaine, pilotée par son secrétaire général Patrick Stefanini et qui accompagne François Fillon sur le chemin de la primaire. Enfin, les contributions au débat se poursuivront selon la même régularité pour continuer à encourager la controverse, d’où émergeront sans nul doute encore davantage d’idées nouvelles.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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