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Jean-Vincent Placé : "Le problème de la gauche de la gauche, c'est de vouloir que tout le monde lui ressemble"
©Reuters

Interview politique

Nommé secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat lors du dernier remaniement ministériel, Jean-Vincent Placé estime aujourd'hui que François Hollande est le meilleur candidat pour la gauche et les écologistes.

Jean-Vincent Placé

Jean-Vincent Placé

Jean-Vincent Placé est un homme politique, nommé en 2016 secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat, et président de l'UDE (Union des démocrates et écologistes). 

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Atlantico : Cela faisait un moment que vous souhaitiez entrer au gouvernement. C'est désormais chose faite puisque vous avez été nommé secrétaire d’État à la réforme de l’État. Peut-on vraiment reformer à un an de l'élection présidentielle ? 

Jean-Vincent Placé : On peut réformer l'Etat de façon permanente. C'est d'ailleurs ce que font l'administration centrale et les services déconcentrés de l'Etat tout au long de l'année. Mon rôle est d'amplifier le mouvement de réforme, de mettre en valeur les initiatives et réalisations de cette réforme, et de mettre en relation et en cohérence ces actions. C'est extrêmement passionnant. Je suis convaincu qu'il s'agit là d'un sujet important pour les Françaises et les Français qui veulent une administration plus efficace et lisible, plus proche d'eux.

La modernisation de l’Etat passe notamment par la révolution numérique tant au niveau central qu’au niveau local. Nous nous devons également d’accompagner les services déconcentrés dans la fusion des régions tout en veillant à la reconquête de l’Etat dans les territoires, comme par exemple les zones rurales ou les quartiers populaires. Il s'agit là d'une action indispensable pour le gouvernement. 

Votre entrée au gouvernement, comme celle d'Emmanuelle Cosse, à fait hurler votre ancienne famille politique. Comprenez-vous pourquoi ?

Pour ce qui est d'Emmanuelle Cosse, j'aurais tendance à penser que cela tient à son statut lors de son entrée au gouvernement. Pour ma part, les choses étaient très claires depuis mon départ des Verts. Ma ligne est constante depuis le début de ma carrière politique. Il s'agit d'assumer le fait d'avoir des convictions, une sincérité très forte dans les idées défendues, ainsi qu'une volonté très claire, comme vous l'avez souligné au début de l'entretien, d'exercer des responsabilités.

J'avais notamment expliqué que le départ du gouvernement de Cécile Duflot et Pascal Canfin était totalement incohérent dans le contexte de préparation de la COP 21. Pour ma part, je suis très heureux et très fier d'appartenir à ce gouvernement, notamment après le succès de cette COP21, afin de faire en sorte que les politiques du gouvernement soient le plus écologiques possible et tournées vers l'emploi. Dans les fonctions qui sont les miennes, il s'agit d'aider à ces deux enjeux, mais aussi de simplifier les administrations, la vie des entreprises et celle des usagers pour accompagner les politiques de l'emploi, et orienter cette simplification vers plus d'écologie pour faciliter l'économie verte. 

Vous avez dit que vous appelleriez à voter contre le nouvel aéroport de Notre Dame des Landes. Pourquoi ? Est-ce compatible avec votre présence au gouvernement ? Ségolène Royal a jugé que vous étiez incohérent.

J'ai eu l'occasion de m'en expliquer avec Ségolène Royal qui a bien entendu mes explications. Il faut le dire : il ne s'agit pas du sujet du siècle. Les sujets importants sur le plan écologique sont l'application de la loi de transition énergétique, la biodiversité, et l'après-COP21. A cela s'ajoute mon action relative à la simplification de la vie des entreprises liées au développement durable et à l'économie verte.

Notre-Dame-des-Landes est un sujet d'ordre régional et non pas national. Ma position est constante depuis le début sur ce dossier, sans être idéologique ou identitaire : il s'agit de dire qu'on pourrait se passer de cet aéroport parce que l'environnement économique et écologique n'est pas particulièrement assuré, sans parler du coût représenté par cet investissement. Il existe des solutions de substitution, comme cela a pu être dit par le rapport diligenté par Ségolène Royal. Pour ma part, je maintiens le fait qu'il faut voter "non" à ce référendum prévu fin juin. Bien évidemment, il ne relève pas de mes fonctions d'aller faire campagne sur place sur ce sujet qui doit concerner uniquement les habitants de la Loire-Atlantique. 

Aujourd’hui, la jeunesse est dans la rue pour protester contre le projet de loi El Khomri. Comprenez-vous cette protestation ?

Je comprends tout à fait que la jeunesse manifeste. Il s'agit d'une action légitime en vertu du droit à manifester. On assiste aujourd'hui à une repolitisation de la jeunesse comme on l’observe dans le mouvement "nuit debout".

Je suis tout cela de près car en tant que représentant de la France au sein du PGO (Partenariat pour un Gouvernement Ouvert), partenariat mondial regroupant près de 70 pays, je pense que le renouveau démocratique passera par une mobilisation citoyenne. Le PGO a pour philosophie de gouvernement fondée sur le partage des données, l'information permanente vis-à-vis des concitoyens, et la possibilité de discuter en amont, de se concerter, d'expérimenter, et de co-élaborer. Le fait même qu'il y ait une nécessité de renouveau dans nos pratiques politiques est porteur de sens.

Néanmoins, sur ce projet de loi précisément, je ne vois rien de scandaleux qui nécessite une telle mobilisation. Je pense que le texte de Myriam El Khomri est bon, et constitue un outil efficace pour les entreprises et pour la sécurité des salariés – je pense notamment au compte personnel d'activité. Je me réjouis tout à la fois de cette repolitisation de la jeunesse et des discussions engagées avec elle, mais je trouve que ce sur quoi porte cette contestation - le projet de loi El Khomri - est injustifié dans la mesure où ce texte pourrait être extrêmement utile aux plus jeunes de notre pays pour trouver un emploi. 

Vous avez dit que vous souteniez le mouvement de Macron, affirmant  que « le fait qu'il parle à un autre public que celui de la gauche, c'est une bonne chose ». Le PS ne risque-t-il pas de se mettre à dos toute son aile gauche pourtant nécessaire pour la présidentielle ?

A cette question, je parlerai également au nom de ma qualité de président de l'UDE (Union des démocrates et des écologistes). Nous sommes impliqués dans l'Alliance populaire, l'initiative de rassemblement et d'unité voulue par Jean-Christophe Cambadélis, avec nos amis du PRG. Je crois que dans la période qui est la nôtre, il convient bien-sûr d'intégrer la diversité des gauches et des écologistes, et d'essayer de rassembler au maximum. A l'évidence, Emmanuel Macron, par son talent et son aura – et je dis cela alors que ce n'est pas le plus écologiste de la bande – incarne une vision du monde, une ambition, des idées qui sont plus sociales-libérales que celles de  la majorité actuelle ; il est un renfort. On ne peut pas chercher à se renforcer en étant tous monolithiques et à dire la même chose. Le fait même qu'il ait cette vision originale des évènements est tout à fait positif. C'est cela d'ailleurs le problème de la gauche de la gauche : vouloir toujours donner des leçons d'unité et de rassemblement, et vouloir essentiellement un rassemblement autour d'elle et que tout le monde lui ressemble. Or, cela ne peut pas fonctionner ainsi. J'ai de l'estime pour eux, mais la façon dont ils s'opposent aujourd'hui frontalement au gouvernement me paraît un peu surjoué et inefficace. 

François Hollande envisage des primaires, il en a même fixé la date. Y êtes-vous favorable ?

Je ne sais pas si François Hollande envisage des primaires, n'étant ni son conseiller, ni son porte-parole. Avec l'UDE et le PS, nous sommes dans le tour de table de l'organisation de la primaire. Dans le cas où le président de la République ne serait pas candidat  - et je suis d'autant plus à l'aise de le dire que je souhaite pour ma part qu'il soit candidat, convaincu qu'il est le meilleur candidat pour la gauche et les écologistes – cette primaire serait utile. En revanche, si le président est candidat, pour moi personnellement, il serait complètement aberrant que nous engagions le président de la République, dans le contexte actuel de crise mondiale, des crises européennes, écologiques et économiques que nous traversons, à faire – sans aucun mépris pour les uns et les autres – des débats de campagne de primaire avec certains de nos opposants. Cela n'aurait pas beaucoup de sens. 

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