Ode à Jean-Luc Mélenchon d'un libéral convaincu<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Luc Mélenchon : la « gauche originale »...
Jean-Luc Mélenchon : la « gauche originale »...
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La vraie gauche ?

Le philosophe Gaspard Koenig, pourtant libéral, défend avec fougue le leader du Parti de gauche. Explication enflammée…

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig

Gaspard Koenig a fondé en 2013 le think-tank libéral GenerationLibre. Il enseigne la philosophie à Sciences Po Paris. Il a travaillé précédemment au cabinet de Christine Lagarde à Bercy, et à la BERD à Londres. Il est l’auteur de romans et d’essais, et apparaît régulièrement dans les médias, notamment à travers ses chroniques dans Les Echos et l’Opinion. 

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Ce que le PS propose, ce n’est pas un programme électoral, c’est un compte-rendu de conseil des ministres. Un liste de gentilles petites réformes, rédigées par des technocrates bien mis, et qui pourraient peu ou prou émaner du présent gouvernement. Rien n’est supprimé, rien n’est créé, rien n’est réinventé. Faire de la réforme du taux d’imposition sur les sociétés une priorité politique illustre suffisamment le degré d’ambition de ceux qui prétendent « changer de civilisation ».

Les électeurs ne s’y trompent pas. Absente pendant dix ans du gouvernement et défaite à trois élections présidentielles successives, la gauche devrait être, par le jeu naturel de l’alternance et l’usure du pouvoir en place, au pinacle des intentions de vote. Les élections de 2012 devraient être jouées d’avance, comme ce fut le cas en Angleterre après dix ans de New Labour. Force est de constater que l’incurie de l’équipe socialiste actuelle rend difficile pour les foules de s’enthousiasmer. L’incurie, une déclinaison du care ?

Jean-Luc Mélenchon : la « gauche originale »

Je me suis donc mis en quête, non pas de « l’autre gauche », mais de la gauche originale, dont le PS a dévié en une sorte de congrès de Tours inversé. J’ai visionné une centaine d’heures d’émissions avec Jean-Luc Mélenchon. J’ai lu son programme, disponible sur le site du front de gauche. J’ai constaté avec plaisir que ledit site était horriblement mal conçu, signe de bonne santé d’un parti qui ne perd pas son cerveau dans la communication.

Et j’ai découvert, à ma grande surprise, un homme qui sait lire, qui sait parler et qui sait penser.

Qui sait lire. A la différence de ses collègues, Mélenchon ne se contente pas d’apprendre par coeur les fiches préparées par ses conseillers. Il est capable de citer aussi bien les études babouvistes, les analyses de François Furet ou les annexes du dernier livre d’Attali. Il n’hésite d’ailleurs pas à s’entourer, lors des débats, d’exemplaires annotés, post-ités, torturés, où il va chercher un chiffre ou un raisonnement. Sa « connaissance des dossiers », comme disent les journalistes avec un léger mépris, égale celle des ministres. Ce n’est ni un lettré aigre comme Bayrou, ni un collégien ampoulé comme Villepin. C’est un vrai intellectuel de combat comme la IIIè République savait en produire.

Un tribun, admirable raisonneur

Qui sait parler. La superbe dialectique mélenchonienne, produit de la solide et inégalée formation trotskiste, capable de retourner n’importe quel argument avec le sourire, ne serait rien sans son phrasé gouailleur, subtile combinaison d’accent pied-noir refoulé et de l’argot d’Arletty. Un homme capable d’utiliser le mot « s’esbigner » à la télévision publique ne peut être foncièrement mauvais. Exploit encore plus rare, Mélenchon ne parle pas tout seul. Il dialogue. Regardez le débat entre Marine Le Pen et Laurent Joffrin ; prenez la même contre Mélenchon. D’un côté, des gloussements hystériques sur les valeurs républicaines. De l’autre, des réponses point par point au programme économique du FN, que Mélenchon semble d’ailleurs connaître mieux que sa signataire. Mélenchon n’est pas seulement un tribun, c’est un admirable raisonneur.

Qui sait penser. Mélenchon connaît la réalité sociale de l’intérieur, ayant toujours conservé, à travers – ou malgré - sa carrière parlementaire et ministérielle, un contact intime avec la base, ses luttes, ses égarements, ses intuitions. Son constat a le courage de la simplicité : il y a quelque chose de pourri dans la République de France. Ces élites entremêlées et consensuelles sentent la fin de race. Le système économique et fiscal est déréglé. Les institutions de la Vè République sont devenues au mieux des dortoirs, le plus souvent des hospices. Autant rebattre les cartes, comme la France a toujours su si bien le faire, et convoquer une Assemblée Constituante.

La fulgurance mélenchonienne

J’admire tellement Jean-Luc Mélenchon que j’aimerais être d’accord avec lui. Hélas ! J’ai beau forcer mon naturel, je ne partage aucune de ses conclusions, que ce soit sur le partage des richesses, la planification écologique ou la sortie du traité de Lisbonne. Mais je reconnais que ses idées sont fraîches, fortes et souvent fulgurantes. Elles suggèrent non pas de rafistoler un système moribond, mais de lui opposer une véritable alternative, comme sur la question de la dette, où Mélenchon propose un défaut partiel et assumé. On est loin des débats idiots sur la règle d’or.

Finalement, le seul débat de qualité que nous pourrions espérer voir entre les deux tours de la présidentielle serait celui qui opposerait Nicolas Sarkozy et Jean-Luc Mélenchon.

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