Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron : les deux faces d’une illusion française<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon lors d'une rencontre à l'Elysée.
Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon lors d'une rencontre à l'Elysée.
©LUDOVIC MARIN / POOL / AFP

Bonnes feuilles

Paul-François Paoli publie « Race, sexe, identité : la France en procès » chez Jean-Cyrille Godefroy éditions. Les valeurs de la République dont se réclame le président Macron forment une ligne Maginot qui n’est plus en mesure de barrer la route à une subversion qui prétend délégitimer notre histoire et ce qui reste de notre civilisation. Seule l’affirmation de nos héritages culturels pourra endiguer cette forme de chantage qui s’exerce sur le peuple français. Extrait 1/2.

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli est l'auteur de nombreux essais, dont Malaise de l'Occident : vers une révolution conservatrice ? (Pierre-Guillaume de Roux, 2014), Pour en finir avec l'idéologie antiraciste (2012) et Quand la gauche agonise (2016). En 2023, il a publié Une histoire de la Corse française (Tallandier). 

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Curieusement on ne voit pas assez à quel point J.-L. Mélenchon et E. Macron, sous un certain angle, se rejoignent : pour eux un Français digne de ce nom a pour devoir d’outrepasser la France sans quoi celle ci ne peut que devenir une sorte de Luxembourg. De Gaulle parlait de sa grandeur qui n’avait rien à voir avec un quelconque métissage, il s’agissait pour la France, non d’englober les autres, mais de rayonner jusqu’à eux. Tandis que Macron et Mélenchon, l’européiste et l’internationaliste bolivarien, cultivent une négation commune, aussi opposés soient-ils sur le terrain économique : la France comme héritière d’une mémoire millénaire est une fiction périmée. Tous deux ont rompu avec une filiation qui a coexisté jusqu’à Mitterrand qui restait soucieux de prolonger l’héritage français. Il semble que, pour Macron, la France n’ait pas de quoi exister en elle-même, par elle-même, pour elle-même. C’est une forme sans substance. Une âme sans corps. Une figure sans contenu. Un État sans peuple ou alors peuplé de Gaulois réfractaires. Comme il a pu le déclarer à la veille de sa première élection, la Culture française est par définition « mélangée ». S’il a voulu dire que la culture française avait été enrichie depuis toujours par des esprits venus d’ailleurs, songeons à Leopold Senghor, Milan Kundera, Cioran ou François Cheng pour nous restreindre au domaine littéraire, il a dit vrai. Mais est-ce vraiment ce qu’il a voulu dire ? Il est à craindre qu’il ait voulu dire que la culture française, en tant que continuité de langue et de pensée, n’avait pas de substance propre. Il est à craindre que cet énarque soit, comme bien d’autres énarques, une sorte d’étranger spirituel à son propre pays. Macron est relativement inculte en histoire, contrairement à Pompidou ou à Mitterrand, mais semblablement à Chirac, Hollande ou Sarkozy. Il fallait être Macron ou Sarkozy pour faire de Johnny Halliday un barde planétaire doublé d’un « héros ». À cette aune, comment ne pas constater que les Français ont subi un ravalement culturel ? Cela s’en ressent, politiquement aussi.

Avec Macron le libéral et Mélenchon le radical nous avons donc les deux faces de la névrose de ce pays, une névrose qui, en se transformant en nécrose, pourrait lui être fatale. Cette névrose est celle d’une France qui n’a le droit d’exister que comme parangon de l’Universel. De même que certains groupes humains cultivent un patrimoine identitaire jalousement défendu, songeons aux Basques ou aux Corses, d’autres imaginent que toute forme d’affirmation identitaire est une limitation de leur génie. En fin de compte, pour l’un comme pour l’autre, être français relève exclusive ment du domaine des Valeurs. Que l’on croie ou non à l’idée du grand remplacement, il est clair qu’ils en sont des instigateurs, conscients ou non. Et c’est pour quoi ils inventent une histoire qui puisse être compatible avec leur négationnisme historique. Les origines de la France ? Elles ne sont ni gauloises, ni franques, ni romaines puisque la notion d’origine est absurde comme celle d’identité. La France chrétienne ? Les dizaines de milliers d’églises qui forment un manteau de pierres ? Dès qu’il est question d’identité, ils détournent la tête. Ah, mais s’il s’agit des peuples premiers, aborigènes d’Australie, Kanaks de Nouvelle Calédonie, Amérindiens et Papous, les voilà tout ouïe ! Mais ce sont là des affaires de « nègres », en quelque sorte. Nous sommes nous, sans origine, sans odeur, sans couleur de peau. Des citoyens. Nous sommes des Blancs et les Blancs, c’est bien connu, sont inodores et sans saveur.

En fin de compte, mélenchonistes et macroniens font apparaître la vraie question qui va devenir brûlante : qu’est-ce qu’être français et quel rapport y a-t-il entre notre nationalité administrative et notre identité ? Est-ce exclusivement une affaire de langue ? De valeurs ? De droit ? Toute notion de généalogie, toute forme de familiarité et de correspondance affective avec un paysage ou une région, sont pour eux des fictions archaïques. Ils ne se rendent pas compte à quel point leur tropisme hors sol est dépassé, caduc, périmé. Ils vont à contresens de l’Histoire en cours. Tous les groupes humains se définissent d’abord par l’affiliation à un pays donné, à une terre donnée, à un territoire donné. Les peuples se définissent tout autant par la géographie que par l’Histoire. La France hexagonale est le lieu commun du « roman national ». Colombey-les deux-Églises ne se trouve pas à Pointe-à-Pitre ou à Mayotte, mais non loin de la ligne bleue des Vosges et ce n’est pas un hasard. Après s’être forgé contre la « Perfide Albion » le nationalisme français s’est construit à travers la confrontation avec l’Allemagne. Oui, la France est diverse, c’est entendu, les Dom Tom en font partie, mais elle pourrait continuer d’exister sans eux, tandis que les Dom Tom péricliteraient sans la France. La France n’a pas besoin de Mayotte, ce boulet. Elle n’a besoin que de la France. On ne peut pas être français sans se sentir à domicile en France or le fait est que l’on se sent de moins en moins à domicile dans un pays qui, par pans entiers, a progressivement cessé de se ressembler sous le coup d’une immigration extra-européenne qui bouleverse les données anthropologiques, culturelles et linguistiques d’un pays millénaire.

Il n’y a qu’en France qu’on oublie que c’est le lien à un paysage donné qui fait le sentiment de familiarité avec un pays.

Extrait du livre de Paul-François Paoli, « Race, sexe, identité : la France en procès », publié chez Jean-Cyrille Godefroy éditions

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