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La femme la plus puissante au monde donne une belle leçon de politique économique à l’Europe : la seule bulle dont devraient se préoccuper les banques centrales, c’est le chômage
©Reuters

Elle a raison !

Lors de son grand oral devant les sénateurs, Janet Yellen, future présidente de la Fed, a présenté la lutte contre le chômage comme une priorité.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Selon une croyance largement établie, il existe une différence de taille entre Etats-Unis et Europe. Les premiers sont les partisans d’une politique ultralibérale alors que les seconds seraient les promoteurs d’un cadre social plus protecteur. Bien que le poids respectif du secteur public dans chacune de ces économies confirme cette hypothèse, certaines déclarations récentes font état du non-sens de ce présupposé.

Janet Yellen, unique candidate au remplacement de Ben Bernanke à la tête de la Réserve fédérale américaine a été soumise le 14 novembre dernier aux questions des sénateurs de la commission bancaire. Ses déclarations ont pu faire état des préoccupations sociales d’un pays pourtant réputé pour sa radicalité économique.

C’est ainsi que Janet Yellen a pu déclarer « notre objectif est de promouvoir un robuste rétablissement de notre économie », « notre objectif est le plein emploi. » Elle rappelle aux sénateurs que le taux de chômage américain a été réduit de 10 à 7,3% notamment grâce au soutien monétaire apporté par la Réserve fédérale, mais que ce taux est encore trop élevé pour arrêter le dit soutien. Sa préoccupation se dirige principalement vers les familles affectées par le fléau du chômage et mentionne le chiffre historiquement élevé de 36% de chômeurs de longue durée. Ces familles sont menacées, les mariages sont menacés, la situation est douloureuse. Il est alors primordial de faire de la lutte contre le chômage la priorité. Elle rappellera tout de même son attachement à la stabilité des prix, et ce à plusieurs reprises.

Le sénateur Shelby, croyant mettre mal à l’aise l’actuelle vice-présidente de la FED, lui indique que selon certaines sources le taux de chômage serait plutôt de 13 ou 14% (en se référant aux personnes contraintes d’accepter un emploi à temps partiel, les personnes sorties des statistiques etc.), mais Yellen en profite. Celle-ci lui répond que ces chiffres sont exacts, et qu’ils sont une justification supplémentaire à un important soutien de l’économie. Elle rappelle que le taux de participation de la population active à l’emploi s’est considérablement affaibli au cours des dernières années, traduisant le découragement de la population à trouver un emploi. L’action entreprise par l’autorité monétaire américaine est la preuve que le discours de Janet Yellen ne se résume pas à des mots. Son ambition est à l’expansion de la politique menée par la FED.

Yellen réfute également toute existence actuelle de bulles sur les marchés financiers et rappelle, comme ont pu le faire ses prédécesseurs, que les bulles ne sont pas du ressort de l’autorité monétaire. En effet, dès lors qu’un secteur se trouve être menacé par un tel phénomène, c’est au régulateur d’intervenir. Toute intervention de la banque centrale ayant pour effet de restreindre l’activité économique dans sa globalité, elle ne peut agir pour contraindre un secteur particulier sans en impacter tous les autres. Aussi longtemps que le taux d’inflation reste ancré dans les contraintes qui sont fixées à l’institution, la responsabilité d’une bulle ne peut lui être imputée. Cette responsabilité revient au législateur, notamment et par exemple sur les règles fixées pour encadrer les crédits immobiliers.

A la surprise des sénateurs, la vice-présidente Yellen cite Milton Friedman comme inspirateur de la politique favorable à l’emploi menée aujourd’hui par la FED, mettant en avant le fait que seule la bulle du chômage menace aujourd’hui l’économie américaine. Milton Friedman faisait en en effet référence à la nécessité de procéder aux «assouplissements quantitatifs » (quantitative easing) dès 1998 pour faire face à une situation déflationniste. Ce sont bien les tenants de la branche libérale américaine qui sont à l’origine des différents programme de soutien monétaire. Voici ce que ne veulent pas comprendre certains représentants de la droite américaine. Car pour une fois, ils sont théoriquement du côté social du manche.

En Europe, Lorsque l’actuel président de la Banque centrale européenne Mario Draghi se prononce sur l’emploi, notamment en janvier dernier, voici le résultat «Notre mandat n’est pas le plein emploi », rien de plus. Le contraste est saisissant. Pour une Europe sociale, nous pouvons admettre qu’il peut y avoir un problème idéologique qui se caractérise par la divergence entre ces deux discours. En Europe, Les membres fondateurs auraient ils omis de se préoccuper de l’étendue du pouvoir d’une banque centrale pour se contenter de lui affecter la maîtrise des prix comme seul et unique rôle?

La réalité veut que les programmes de soutien à l’emploi imaginés en Europe s’avèrent bien moins efficace que ce que certains dénoncent comme « l’ultralibéralisme » américain. Même en Europe, la doctrine libérale ne se rend pas toujours compte que ses théoriciens les plus sérieux assument un « virage de la croissance » et le retour au plein emploi grâce au soutien monétaire. Ce qui est à mettre en opposition à la rigueur fanatique que nous connaissons aujourd’hui dans notre prétendue Europe sociale.

Janet Yellen et la FED montrent encore une fois la voie à une Europe bien plus affectée par le chômage que les Etats Unis. Et là encore, il appartient au législateur d’intervenir pour modifier le mandat de la BCE afin de lui octroyer les mêmes prérogatives que son homologue américaine.

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