Irak en feu mais marché du pétrole parfaitement calme : signe que le monde n’est durablement plus le même qu’avant ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Photo d'illustration // Des flammes qui sortent d'un pipeline.
Photo d'illustration // Des flammes qui sortent d'un pipeline.
©Reuters

Un otage de moins

Alors que l'Irak, 4ème exportateur de pétrole, est dans une situation politique plus qu'instable, on aurait pu s'attendre à une augmentation des prix sur les marchés. Mais l'OPEP a pris ses précautions pour que le pétrole ne soit plus une marchandise que l'on peut prendre en otage.

Thomas Porcher

Thomas Porcher

Thomas Porcher est Docteur en économie, professeur en marché des matières premières à PSB (Paris School of Buisness) et chargé de cours à l'université Paris-Descartes.

Son dernier livre est Introduction inquiète à la Macron-économie (Les Petits matins, octobre 2016) co-écrit avec Frédéric Farah. 

Il est également l'auteur de TAFTA : l'accord du plus fort (Max Milo Editions, octobre 2014) ; Le mirage du gaz de schiste (Max Milo Editions, mai 2013).

Il a coordonné l’ouvrage collectif Regards sur un XXI siècle en mouvement (Ellipses, aout 2012) préfacé par Jacques Attali.

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Atlantico : Malgré la prise récente des champs pétrolifères de Mossoul par l'EIIL, le prix du baril brut n'a pratiquement pas bougé entre juin et juillet, oscillant autour de 110$. Comment expliquer que les prix n'aient pas monté en dépit de l'instabilité régnant dans un pays qui est le 4e exportateur mondial ?

Thomas Porcher : Il est vrai que normalement les prix du pétrole sont extrêmement sensibles à un évènement touchant un important exportateur de pétrole. Cela a été le cas pendant les révoltes arabes, mais également dans les périodes de fortes tensions géopolitiques avec l’Iran. Aujourd’hui, malgré l’instabilité en Irak, cela semble moins se vérifier. Plusieurs raisons peuvent être avancées : premièrement, le marché pétrolier semble moins sous pression, d’abord parce que la demande des pays émergents est moins forte que les années précédentes notamment à cause de prévisions de croissance plus faibles, ensuite parce que les pays de l’OPEP ont une capacité à mettre directement sur le marché autour de 5 millions de barils par jour ce qui offre une sécurité en cas de problème sur la production irakienne. Néanmoins, j’ai l’impression que les opérateurs de marché ne jugent pas bien la gravité de la situation. J’ai l’impression qu’ils partent du principe qu’un "statu-quo" s’est installé avec les gisements du sud qui seraient protégés par le gouvernement et ceux du nord par les Kurdes irakiens. Pour moi la situation semble plus grave et je pense que le marché ne prend pas suffisamment en compte le risque sur le marché pétrolier des troubles en Irak.

Pour pallier la crise de son voisin Irakien, l'Arabie Saoudite affirme qu'elle pourra pourvoir 2.5 millions de barils supplémentaires. L'économie mondiale peut-elle supporter la faillite de l'un de ses principaux fournisseurs énergétiques ?

Dans le contexte actuel d’un marché moins sous pression que les années précédentes notamment avec une demande moins forte des pays émergents et sachant que l’OPEP produit 30 millions de barils par jour avec une capacité de production à 35 millions, la production irakienne de 3,4 millions de barils semble pouvoir être comblée par les pays de l’OPEP. Mais auront-ils intérêt à le faire si le prix du pétrole augmente alors même qu’ils exportent du pétrole ? Quel intérêt ont-ils à faire diminuer le prix du pétrole ? Donc si la production irakienne venait à manquer, le prix du pétrole augmenterait fortement et la baisse dépendrait du bon vouloir des pays de l’OPEP.

En quoi cela peut-il révéler un changement majeur dans la nature même du marché pétrolier ?

Il n’y a pas de changement majeur sur le marché pétrolier. Une baisse de la production irakienne de pétrole aurait les mêmes effets : une forte hausse des prix du pétrole. Même si l’OPEP, et rien n’assure qu’il le fasse, comble complètement la production de l’Irak, alors le taux d’utilisation des capacités de production serait quasiment à 100% et n’importe quel événement touchant un pays producteur, même de moindre importance, entraînerait une forte hausse des prix.

En 1974 les pays de l'OPEP parvenaient à déclencher une crise internationale en décidant de fixer les prix du pétrole. Le Moyen-Orient est-il encore déterminant sur le marché pétrolier aujourd'hui. Dans quelles proportions ?

Le Moyen-Orient est et sera toujours déterminant sur le marché pétrolier. Nous avons cru dans les années 90 que son pouvoir de marché diminuait avec le développement de la production dans des pays n’appartenant pas à l’OPEP, certains le pensent encore aujourd’hui avec le développement du pétrole de schiste ou des sables bitumineux. Mais c’est une erreur, car l’OPEP, outre le fait qu’il représente 40% de la production mondiale, dispose de 72% des réserves. Or, la majorité des pays produit à pleine capacité, c’est-à-dire qu'ils épuisent leurs réserves le plus rapidement possible, c’est le cas des Etats-Unis, alors que les pays de l’OPEP produisent par quotas afin de disposer de réserves pour l’avenir. Au final, alors que les réserves des pays non-OPEP s’épuisent rapidement, les réserves des pays de l’OPEP s’épuisent plus lentement. En conséquence, l’OPEP pourrait même devenir plus importante dans les années à venir.

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