Innovants, arrogants, râleurs : la vraie image des Français vus de l'étranger<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Côté négatif, les Français sont encore taxés d’arrogance et d’être les membres d’une société incapapble de jouer collectif.
Côté négatif, les Français sont encore taxés d’arrogance et d’être les membres d’une société incapapble de jouer collectif.
©Reuters

Cocorico ! (ou pas...)

Si la France conserve une image positive en termes de niveau de compétences, Claude Revel montre que ses habitants sont toujours perçus comme d'irréductibles râleurs, incapables de s’adapter à des codes différents. Extraits de "La France, un pays sous influence" (1/2).

Claude  Revel

Claude Revel

Claude Revel, ancienne élève de l'ENA (promotion Voltaire), est l'un des plus grands spécialistes français de l'influence. Professeur à Skema Business School, conseil de groupes internationaux, elle est l'auteur du livre "La France, un pays sous influences?" aux éditions Vuibert.

Voir la bio »

Sur le fond, la France dispose aujourd’hui à l’étranger d’un capital d’image important mais complexe. Comme le montrent des enquêtes sur les marques-pays (France 3e en 2010 et 4e en 2011 dans le monde) et les discussions avec des étrangers de diverses origines, elle a incontestablement toujours une image positive en termes de niveau de compétences, de capacité à conceptualiser, de créativité, de culture et d’histoire évidemment, et même de sérieux. Et bien sûr d’art de vivre – quoique les conditions d’accueil (aéroports, amabilité, disponibilité des services, facilité de la vie quotidienne...) émoussent peu à peu cet avantage. Côté négatif, les Français sont encore taxés d’arrogance et de critique systématique, d’être les membres d’une société bloquée, d’incapacité de jouer collectif, de s’adapter à des codes différents, de difficulté dans la recherche de consensus...

Cependant la sympathie et l’estime sont toujours sous-jacentes, bien que parfois très enfouies. La France est aussi reconnue comme grande puissance économique ; elle se situe en quatrième position mondiale pour le nombre de sociétés multinationales, derrière les Américains, les Chinois et les Japonais et devant les Allemands (mais derrière en nombre de sociétés industrielles). Selon une enquête toute récente de Thomson Reuters, la France est troisième dans le monde pour l’innovation en termes de brevets (nombre, influence, utilisations...), (bien) après les Etats-Unis et le Japon. Elle a mis historiquement en place des mécanismes économiques innovants et qui le sont toujours, comme la concession de service public qui, bien encadrée, peut répondre de manière très actuelle à des besoins d’équipements complexes. On pourrait multiplier les exemples. C’est pourquoi il est particulièrement malheureux que son image en Europe et dans le monde se soit dégradée à ce point. Et que ses parts de marche´ baissent en Europe et dans le monde.

Les politiques étrangères menées depuis le début des années 1980 n’ont jamais vraiment pris en compte de manière méthodique la nécessité de promouvoir, ni même d’entretenir, l’image de la France dans le monde, encore moins son influence. Au moment même où les Américains commençaient a` anticiper la mondialisation, la société de l’information, à s’organiser en conséquence et à entamer une magnifique stratégie d’intelligence et d’influence mondiale, ses dirigeants de tous bords laissaient la France se figer dans des comportements franco-français, ne faisaient aucun effort pour être présents dans les lieux internationaux stratégiques, pour imaginer les pays émergents du futur avec lesquels il fallait spécifiquement développer des liens pour préparer l’avenir, pour renforcer la pratique de l’anglais, ne prêtaient nulle attention réelle aux différents rapports qui commencèrent a` s’égrener sur son image à partir du début des années 1990, un des premiers étant celui de Jacques Maisonrouge, ancien président d’IBM France.

L’action ne suivant absolument pas les propositions, on laissait se « rouiller » les services et établissements de l’Etat dédiés au long terme, puis on les fermait. Nous pensons à des organisations comme l’ACTIM, par exemple, outil de coopération et d’influence à mi-chemin entre l’économique et le culturel, qui avait été fort utile en invitant et finançant des scientifiques, techniciens et fonctionnaires étrangers à venir se former en France, puis en entretenant ce réseau, puis en diffusant des publications dans la presse étrangère... Des fusions successives eurent lieu et, depuis 2005, une privatisation déguisée a abouti à une perte de moyens régaliens jamais vue sur les questions internationales, ce qui n’empêche pas que des centaines d’aides et quelques établissements inefficaces prospèrent. Parallèlement notre outil diplomatique est affaibli. Nul n’ose gérer ensemble commerce extérieur et affaires étrangères, sans doute pour des raisons corporatistes. Les rationalisations nécessaires sont apparemment décidées hors toute considération géopolitique de moyen terme. Enfin, l’image est aussi la capacité à expliquer au monde ses décisions, ses lois, ses politiques.De ce point de vue, la France est totalement démunie. Aucun gouvernement ne prend réellement la peine d’expliquer la spécificité française aux étrangers, même européens. Il n’est dès lors pas étonnant qu’elle ne soit pas comprise !

_____________________________________________

Extrait de "La France, un pays sous influences" aux éditions Vuibert (1 juin 2012)

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !