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Ingérence aux Etats-Unis : mais au fait la Russie a-t-elle vraiment gagné quelque chose avec l'élection de Donald Trump ?
©Sean Rayford / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Intransigeance

Selon un sondage du Wall Street Journal, 62% de l'opinion publique pense que Donald Trump n'a pas été honnête dans le cadre de l'enquête sur les soupçons d'ingérence russe dans sa campagne.

Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : Alors que les soupçons de collusion de la campagne électorale de Donald Trump et la Russie feuilletonnent le mandat du président américain, comment appréhender cette situation du point de vue russe. Dans le cas où ces soupçons étaient fondés, qu'est-ce que la Russie y a gagné depuis l'élection de Donald Trump ? 

Florent Parmentier : Les accusations de collusion viennent de loin, et convainquent une large part des Américains aujourd’hui : selon un sondage du Wall Street Journal, près de 62% de l’opinion publique américaine pense que Donald Trump n’a pas été honnête dans le cadre de l’enquête menée par le procureur spécial Robert Mueller, en dépit de la défense de son avocat Rudolph Giuliani et des accusations de « chasse aux sorcières » émanant du Président lui-même.

Pendant la campagne, Donald Trump avait effectivement détonné, dès les primaires, en se distinguant très nettement du discours traditionnel des Républicains. Il avait notamment déclaré qu’il considérait que Vladimir Poutine était un bien meilleur dirigeant que Barack Obama, et que lui serait en mesure d’effectuer un rapprochement en ligne avec les intérêts américains.

S’il a été élu avec cette ligne, il est évident qu’elle ne fait pas l’unanimité au sein de son camp. On trouvait parmi les adversaires les plus déclarés de Donald Trump le Sénateur John McCain, ancien candidat républicain à la présidentielle en 2008 et disparu en août dernier. Dès lors, le soupçon ne pouvait que régner à l’égard de Donald Trump et de son entourage, où les démissions ont été nombreuses depuis le début de son mandat.

La question est de savoir si les dirigeants russes espéraient vraiment changer cet état de fait. Vladimir Poutine est arrivé au pouvoir lorsque Bill Clinton était encore le Président des Etats-Unis ; Donald Trump est son 4e Président. Dans ce contexte, on peut avancer qu’il connaît parfaitement le système américain, et que son objectif était avant tout de faire barrage à Hillary Clinton, qu’il avait accusé d’ingérence lors des élections en décembre 2011.

A défaut de gagner quoi que ce soit, les élites russes ont néanmoins obtenu des résultats recherchés : l’autorité des Etats-Unis en tant que garant du système international s’est affaiblie, et la vie politique américaine s’est hystérisée avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. En outre, ce dernier tâche de faire de la Chine la principale concurrente des Etats-Unis, un rôle traditionnellement dévolu à la Russie ; si ce résultat se confirmait, Moscou apparaîtrait comme une puissance moins menaçante.

Quelles sont les thématiques ou Donald Trump a pu paraître être plus favorable envers la Russie que son prédécesseur ? 

Lorsque Barack Obama accède au pouvoir, il fait part de sa volonté de dialogue avec la Russie, symbolisée par la politique du ‘reset’ (redémarrage). Pour autant, en dépit de quelques signes de bonne volonté de part et d’autre (notamment sous la présidence Medvedev), les tensions ont vite repris, notamment sur deux questions essentielles qui ont été la Syrie et l’Ukraine, avant même les accusations d’ingérence russe dans les élections américaines.

Sur la Syrie et l’Ukraine, peut-on dire que la politique de Donald Trump est plus favorable que celle menée par Barack Obama ? Passée une courte détente, « la plus courte de l’histoire » selon l’ancien Ambassadeur américain en Russie Michael McFaul, cette collusion ne semble pas se matérialiser.

Sur la Syrie, la présence russe sur le terrain est telle qu’un incident ferait passer Donald du soupçon de la collusion au danger de la collision : on a craint un temps qu’une erreur d’aiguillage ne mette les deux puissances en fâcheuse posture. Sur l’Ukraine, Donald Trump n’a pas voulu être pris en flagrant délit de faiblesse : non seulement, les sanctions n’ont pas été retirées, mais l’administration américaine a poussé pour leur durcissement. Les Etats-Unis ont également livré sous Donald Trump des armes défensives, les missiles anti-char de type Javelin, que Barack Obama avait refusé de livrer. Le représentant spécial américain pour le conflit en Ukraine, Kurt Volker, est plutôt considéré comme un partisan de la ligne dure contre la Russie.

C’est donc à moyen terme que la Russie peut voir les choses plus favorablement, avec la montée en puissance de la Chine, qui amènera les Etats-Unis à se montrer moins intransigeant vis-à-vis de la Russie.

La vidéo des applaudissements de la Douma, suite à l'élection de Donald Trump, a été largement commentée. Faut-il y voir réellement un élément à charge dans le sens de la collusion, ou plus simplement, des applaudissements à la défaite d'Hillary Clinton ? 

Il y a un paradoxe dans cette accusation : on accuse Donald Trump de collusion, c’est-à-dire d’avoir mis en œuvre une entente secrète avec les autorités russes au détriment des démocrates ; pourtant, on accuse ces mêmes autorités russes d’avoir bruyamment fêté leur victoire à la Douma. Aller dans ce sens, c’est tomber dans ce que les sciences cognitives appellent un biais de confirmation, c’est-à-dire adopter une approche qui consiste à privilégier les informations confirmant des idées préconçues.

Il est certes vrai que la Douma ne nourrissait guère de sympathie vis-à-vis de Hillary Clinton, mais cela ne constitue pas un élément à charge en tant que tel. 

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