Immigration : les chiffres pour comprendre pourquoi la France occupe une place toute particulière en Europe<!-- --> | Atlantico.fr
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Des migrants soudanais prennent leur repas fourni par des associations caritatives, dans un camp de migrants, à Ouistreham, dans le nord-ouest de la France, le 11 décembre 2023.
Des migrants soudanais prennent leur repas fourni par des associations caritatives, dans un camp de migrants, à Ouistreham, dans le nord-ouest de la France, le 11 décembre 2023.
©LOU BENOIST / AFP

Implacable

Souvent appréhendée à travers les chiffres annuels ou trimestriels émis par le ministère de l’Intérieur, l’immigration peut toutefois révéler des facettes plus subtiles lorsqu'on observe des comparaisons internationales.

Marc Vanguard

Marc Vanguard

Marc Vanguard est data analyst. Il s'occupe tout particulièrement des domaines suivants : démographie, criminalité, économie. Marc Vanguard est actif sur son compte twitter : @marc_vanguard

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Cette exploration des méandres des chiffres de l’immigration m'a conduit à découvrir des données particulièrement intéressantes dans un rapport de l’OCDE paru en juin, sur les « Les indicateurs de l'intégration des immigrés ». Ce rapport, d'une richesse rare, décrit avec précision différents aspects du phénomène : part des immigrés dans la population, motifs d’immigration, taux de chômage, taux de fécondité, origine des immigrés,… A la lumière de ces différents indicateurs, il apparaît que la France occupe une place toute particulière en Europe. Tout d’abord, la France avec les Pays-Bas l’un des deux seuls pays européens catégorisés par l’OCDE comme un « pays d’immigration de longue date avec une immigration surtout extra-européenne ». Comment cela se traduit dans les chiffres ? Tout d’abord, l’immigration « de longue date » s’observe par la proportion de personnes dont au moins un parent est né en dehors du pays. Elle est de 15% en France, ce qui en fait le 3e taux le plus élevé en Europe occidentale, derrière deux pays très particuliers : le Luxembourg et la Suisse.

Deuxièmement, le fait que l’immigration soit surtout « extra-européenne » se visualise très nettement dans les chiffres des origines de la population immigrée. Ainsi, en France, 80% de la population immigrée est d’origine extra-européenne, ce qui constitue un record au sein de l’Union Européenne. Complétant le podium, le Portugal et l’Espagne sont 12 points derrière, à 68%.

Cependant, ces immigrés « extra-européens » ne sont pas toujours issus des mêmes géographies. Ainsi, l’Espagne attire davantage d’immigrés de régions hispanophones, tandis que la France est plus attractive pour les immigrés francophones. Autant ce constat paraît une banalité, autant sa traduction dans les chiffres fait ressortir un profil très singulier de l’origine des immigrés en France. La France est en effet le premier pays d’Europe, et même de l’OCDE, en termes de part des Africains parmi la population immigrée. Le rapport de l’OCDE donne ainsi 61% d’Africains parmi les immigrés en France, un taux qui domine largement ceux du Portugal (35%), de la Belgique (28%) ou de l’Espagne (19%). A l’inverse, la part d’immigrés issus de l’Union Européenne est particulièrement faible en France, à seulement 18%, alors qu’elle est de 35% en Allemagne ou 41% en Belgique.

On remarque aussi que la France est le pays de l’UE dans lequel la part des immigrés européens hors UE est la plus faible, à seulement 2%, là où elle est de 28% en Allemagne ou 23% en Italie. Les chiffres des demandes d’asile pour 2023 publiés par le Ministère de l’Intérieur le 25 janvier sont très cohérents avec ce constat. Ils nous apprennent ainsi que seuls 3400 ressortissants ukrainiens ont demandé l’asile en France en 2023. C’est environ 3 fois moins que le nombre de demandeurs d’asile guinéens ou ivoiriens. Mais l’origine des immigrés a-t-elle un quelconque impact sur leur intégration ? C’est en tout cas ce que pensent les Français, comme le montre une étude réalisée par l'Ifop pour le Journal du Dimanche, l’AJC et la Fondation Jean-Jaurès, intitulée « le regard des Français sur l’immigration » (novembre 2018). Les sondés sont en effet 71% à juger l’intégration des immigrés d’Europe du Sud « plus facile ». A l’inverse, ils sont 57% à estimer que l’intégration des immigrés maghrébins est « moins facile ». Un certain nombre d’indicateurs semblent étayer cette hypothèse. Plus pauvres, les immigrés africains sont ainsi plus sujets au chômage, plus dépendants des aides sociales et présentent des taux de mis en cause dans les violences plus élevés que ceux des autres immigrés. Ainsi, l’INSEE indique que le taux de chômage des immigrés maghrébins (13,7%) est trois fois plus élevé que celui des portugais (4,5%). Le processus d’intégration prend du temps, et on observe ainsi que les descendants d’immigrés maghrébins maintiennent un taux de chômage très élevé (14,5%), bien au-dessus de celui des descendants d’immigrés portugais (5,5%). Cette intégration plus difficile sur plusieurs aspects peut s’expliquer par de nombreux facteurs, à commencer bien sûr par les paramètres socio-économiques. Cependant, quels que soient les facteurs, le constat reste le même : l'intégration des immigrés africains semble poser des défis distincts, reflétés dans des indicateurs tels que le taux de chômage ou la criminalité. La France, en faisant le choix d'une immigration majoritairement africaine, s’est engagée dans une voie résolument singulière. L’aspect inédit de cette politique invite à la considérer avec prudence. Peut-on vraiment accueillir toujours plus, tout en intégrant toujours mieux ?

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