Horreur du vide... Mais qui profite de la faiblesse de François Hollande pour imposer des décisions à la tête de l'Etat ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le cœur du pouvoir est-il toujours à l'Elysée ?
Le cœur du pouvoir est-il toujours à l'Elysée ?
©Reuters

Ectoplasme normal

En titrant "le président fantôme", l'hebdomadaire Valeurs actuelles a résumé le sentiment de beaucoup de politiques et de citoyens français, de droite comme de gauche. Incapacité économique, reculade à la moindre grogne, contestation au sein de la majorité : par sa vacuité, la personnalité du chef de l'Etat ouvre la porte à toutes sortes d'influences.

Atlantico : Cette semaine Valeurs actuelles a consacré sa Une à François Hollande et titre "le président fantôme". La semaine dernière, sur le même thème, Marianne titrait "comment la gauche s'est assassinée elle-même, histoire d'un suicide". Sous la Ve République, jamais chef de l’État n'avait semblé être dans une telle impasse. Mais si l'autorité et la crédibilité du président de la République semblent totalement consommées, qui dirige aujourd'hui l’État ? Le cœur du pouvoir se situe-t-il toujours à l’Élysée ?

Geoffroy Lejeune : Non, à cause de la conjonction de deux facteurs en apparence indolores, mais en réalité dévastateurs pour l'exercice du pouvoir. Le premier est l'abandon de la souveraineté française au profit de Bruxelles entamé depuis Maastricht, en 1992 : les pouvoirs exécutif, législatif et même judiciaire français passent désormais leur temps à avaliser des décisions prises par d'autres à Bruxelles. Mais cette perte de pouvoir et de crédit du président de la République française s'est aggravée, à mon sens, avec l'instauration par Jacques Chirac du quinquennat. En raccourcissant le mandat présidentiel, Chirac a soumis l'homme censé être garant des institutions à deux aléas qu'il ne peut maîtriser : la popularité, que le président doit soigner s'il veut être réélu, quitte à renoncer à certaines réformes urgentes. Enfin, le temps, si court qu'il ne permet ni de mener à bien ces réformes, ni d'en engranger les éventuels bénéfices.

David Valence : Il y a un paradoxe du pouvoir exécutif en France, aujourd'hui. En principe, François Hollande est le plus puissant des dirigeants occidentaux à l'intérieur des frontières de l'Etat qu'il a reçu mission de gouverner. Il a pour lui les institutions, qui ne lui opposent des contre-pouvoirs que très modestes et en font un véritable monarque républicain. Il a également pour lui les moyens de l'Etat en France, qui sont considérables : la dépense publique est ainsi bien supérieure aujourd'hui a ce qu'elle était en 1958, quand Charles de Gaulle est revenu au pouvoir ! Et pourtant, nous avons un président paralysé par sa propre incertitude idéologique, qui se réclame d'une social-démocratie complètement dépassée, et ne sais pas vraiment ce qu'il veut pour la France. D'où un terrible sentiment d'impuissance et un rejet très violent de ce monarque puissant-mais-impuissant par les Français. François Hollande, c'est Louis XVI !

Les hauts fonctionnaires dont on connaît l'importance dans le fonctionnement de l’État sont-il désormais les principaux décideurs ? La technostructure est-elle en train de prendre le pas sur le pouvoir politique ?

Geoffroy Lejeune : Si seulement ! On a pu faire ce reproche aux présidents par le passé, mais en l'espèce, ce n'est même pas le cas. Le gouvernement prend quelques décisions de son propre chef. Et, à l'exception du "mariage pour tous", les négocie comme le ferait un épicier avec les catégories de la population concernées... Sur l'affaire Leonarda, sur la taxation de l'épargne, sur l’écotaxe, on voit bien que ce sont des décisions prises en catimini par un gouvernement aux abois. D'où sa perte irréversible de crédibilité.

David Valence : Non, je ne le crois pas que la technostructure ait pris le dessus. Mais nous avons un président "techno", qui n'est "politique" qu'en surface, qui ne connaissait de la politique que l'aspect partisan quand il est arrive aux affaires. Or, la politique, c'est l'art de la décision et les hauts fonctionnaires ne savent pas décider. Ce n'est pas leur métier, ni leur mission. Quand le pouvoir politique a peur de son ombre et surtout d'engager des réformes qu'il sait douloureuses mais nécessaires, il donne le sentiment que personne n'est responsable. Les hauts fonctionnaires ne peuvent pas combler ce vide. Car le lieu du pouvoir est vide, aujourd'hui.

Face à la débâcle de l'exécutif, les parlementaires et le Parti socialiste peuvent-ils voir leur rôle renforcé ?

David Valence : C'est une possibilité. Le président pourrait être confronté à une fronde parlementaire qui le contraint de changer de Premier ministre, et imposerait même progressivement une lecture plus parlementaire de la Constitution. C'est juridiquement possible et ce pourrait être une voie de sortie sans cataclysme politique de type 21 avril 2002. On assisterait à une sorte de "cohabitation avec sa propre majorité" du président. Pour cela, il faudrait que les élus socialistes aient une vision claire de ce qu'ils veulent pour le pays, plus claire que François Hollande. Mais est-ce vraiment le cas ? Beaucoup sont tétanisés par l'idée de perdre les municipales, puis les régionales... Et ne sont pas plus déterminés à réformer que François Hollande.

Geoffroy Lejeune : Face à cette pantalonnade de l'exécutif, les parlementaires et le PS sont condamnés à ne pouvoir jouer un rôle qu'en s'opposant au gouvernement. S'ils le soutiennent, ils plongent avec lui. Voilà pourquoi on entend tant les "francs-tireurs" de la majorité.

L'agence de notation Standard & Poor's vient de dégrader la note de la France. François Hollande, qui lors de son discours du Bourget faisait du monde de la finance son principal adversaire, risque-t-il devenir l'otage des marchés financiers ?

David Valence : Il ne faut pas dramatiser les choses. La France emprunte à des taux très bas aujourd'hui et cela va continuer, peut-être de façon moins spectaculaire, mais cela va continuer. Ce qui me frappe dans cette décision, ce dont ses attendus : on a le sentiment que l'agence de notation doute de la capacité politique du président de la République de faire respecter ses décisions, et même tout simplement à percevoir les impôts, à faire respecter la volonté de l'Etat.

Geoffroy Lejeune : Il a toujours été otage des marchés financiers ! Il est maintenant acquis par tous, y compris à gauche, que ce discours n'était qu'une tartufferie, destinée à endiguer le phénomène Mélenchon durant la campagne présidentielle. La seule question qui se pose désormais, c'est la gauche qui doit y répondre : existe-t-il, en France, une gauche de gouvernement qui ne soit pas convertie au social-libéralisme ? Je crois qu'elle existe, notamment chez certains parlementaires, mais la solidarité avec le gouvernement l'empêché de s'exprimer. Le profond malaise actuel de la gauche est dû au fait qu'à aucun moment son chef, François Hollande, n'a su impulser de cap clair.

Le président de la République s'est également heurté à la fronde fiscale des entrepreneurs. Dans un État aussi centralisé que la France, peut-on imaginer que les entrepreneurs, voire les syndicats, prennent une part plus importante dans la gestion du pays ?

Geoffroy Lejeune :Les syndicats ont prouvé avec l'affaire des bonnets rouges qu'en aucun cas ils ne cherchent à défendre les salariés mais qu'ils les utilisent et détournent leur cause. Les entrepreneurs, en revanche, ne devraient pas cesser de se révolter de sitôt. Pour la simple et bonne raison qu'ils sont méprisés par le pouvoir alors qu'ils sont les premiers créateurs de richesse dans le pays. Pigeons, poussins, moutons, tondus et plumés auraient donc tort d'arrêter de manifester leur colère.

David Valence : Il serait souhaitable qu'ils prennent effectivement un poids plus conséquent ! Une part importante de la solution aux maux français passe par une moins grande verticalité du pouvoir, par une plus grande confiance aux autonomies, aux initiatives locales ou des acteurs sociaux et de la société civile.

Si l’État en venait à ne plus être dirigé du tout, le scénario d'une explosion du pays serait-il vraisemblable ?

Geoffroy Lejeune : Il est de moins en moins folklorique d'imaginer ce scénario. Les pires crises de l'histoire de France sont intervenues au cours de périodes similaires à celle que nous vivons : pouvoir coupé des réalités du pays, faible, isolé, et exaspération du peuple qui se sent méprisé.

David Valence : Les scenarii catastrophes ne se réalisent pas qu'au cinéma ! Tout dépend de ce qu'on entend par "explosion"...

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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