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Une décision américaine pourrait profondément gêner la Russie.
Une décision américaine pourrait profondément gêner la Russie.
©Eric BARADAT / AFP

Sponsor du terrorisme

La Russie semble craindre que les Etats-Unis désignent le pays comme un Etat soutenant le terrorisme.

Michael Lambert

Michael Lambert

Michael Eric Lambert est analyste renseignement pour l’agence Pinkerton à Dublin et titulaire d’un doctorat en Histoire des relations internationales à Sorbonne Université en partenariat avec l’INSEAD.

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Dans une récente interview accordée au média d'État russe TASS, le chef du département nord-américain du ministère russe des affaires étrangères, Aleksandr Darichev, a déclaré que si les États-Unis désignaient la Russie comme un État "sponsor” du terrorisme, cela représenterait "un point de non-retour" dans les relations entre les deux pays. A quel point les Russes craignent-ils cette possibilité ? 

Michael Lambert : La désignation comme État terroriste fait référence aux actes de terrorisme qu'un État mène contre un autre État ou contre ses propres citoyens. Si les États-Unis souhaitent qualifier la Russie comme telle et ce pour de nombreuses raisons (crimes de guerre en Ukraine, interception du vol MH-17 au-dessus de l'est de l'Ukraine en 2014, et empoisonnement de Sergueï Skripal au Royaume-Uni en 2018), cela signifierait que Moscou rejoindrait la liste des États parias de la société internationale (en pratique du monde occidental) au même titre que la Corée du Nord, l'Iran, la Syrie et Cuba.

Cette désignation, outre la répercussion sur l'image de la Russie au niveau international, entraînerait le blocage des avoirs financiers russes par les banques, provoquerait la réticence de certains pays à commercer avec la Russie, par crainte de répercussion sur leurs relations avec les Etats-Unis, et plus généralement constituerait une nouvelle étape dans la rupture entre le monde occidental et Moscou.

A bien des égards, cette désignation est légitime au vu de ce qui se passe en Ukraine. Mais elle est à double tranchant dans la mesure où elle rapprocherait la Russie d'États comme la Corée du Nord. Une telle démarche aurait un impact financier pour la Russie, mais aussi géopolitique en rapprochant Moscou de Téhéran et de Pyongyang.

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Quelles seraient les conséquences concrètes d’une telle décision pour la Russie ?  

Le blocage des actifs financiers à l'étranger reste le plus important, notamment les 300 milliards de dollars sur les 640 milliards que la Russie possédait dans ses réserves d'or et de devises, qui ont été gelés à la suite des sanctions occidentales.

Toutefois, on peut constater que la Russie ignore les sanctions occidentales et privilégie son extension territoriale au détriment du volet économique.

La Russie aura également plus de mal à exporter ses armements et a en acheter. 

Quelle serait la portée d’une telle décision ? Serait-elle plus importante que celles déjà prises ?  

Comme le mentionne le département d'État américain, cela inclut des restrictions sur l'aide étrangère des États-Unis, une interdiction des exportations et des ventes de produits de défense, certains contrôles sur les exportations de biens à double usage et diverses restrictions financières.

En ce sens, la Russie aura plus de peine à exporter ses armes, sachant que Moscou est le deuxième exportateur mondial d'armement après les Etats-Unis, représentant 20% des ventes mondiales d'armes pour 15 milliards de dollars de revenus par an. 

Moscou aura aussi plus de difficulté à de fournir en composants étrangers qui peuvent servir a produire des armes russes.

Cette décision est bien sûr symboliquement plus importante que celles déjà prises, mais elle tourne autour du même concept d'embargo.

Sans être naïf, il y a aussi un intérêt à mettre en place une telle classification, car elle permettra d'augmenter les ventes d'armes occidentales, notamment américaines, aux pays qui ne se fourniront plus en matériel russe. En somme, une désignation légitime mais également lucrative pour les Etats-Unis.

La résolution bipartisane visant à déclarer la Russie comme un sponsor du terrorisme a été adoptée au Sénat à la fin du mois de juillet, faut-il s’attendre à ce que les Etats-Unis s’engagent dans cette voie comme ont pu le faire la Lettonie et la Lituanie ?

C'est tout à fait probable, car cela permettrait aux États-Unis d'exporter davantage d'armes et de manifester un plus grand soutien à l'Ukraine alors que l'Occident refuse toujours d'envoyer ses forces sur le terrain pour repousser la Russie. Il s'agit donc de la réponse symbolique la plus conséquente que Washington puisse formuler sans envisager une escalade militaire.

Sur un plan plus humain, désigner la Russie comme un Etat terroriste semble légitime dans la mesure où les actions de la Russie en Ukraine relèvent purement et simplement du terrorisme, c'est-à-dire qu'il s'agit de faire plier les populations par la peur parce qu'elles ne partagent pas la vision pan-slaviste du Président russe.

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