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Une enquête du magazine 60 millions de consommateurs révèle que six crèmes solaires pour enfants sur 10 protégeraient moins que ce qu'elles affichent
Une enquête du magazine 60 millions de consommateurs révèle que six crèmes solaires pour enfants sur 10 protégeraient moins que ce qu'elles affichent
©Reuters

Arnaque

Une enquête du magazine 60 millions de consommateurs révèle que six crèmes solaires pour enfants sur 10 protégeraient moins que ce qu'elles affichent.

Laurence  Coiffard

Laurence Coiffard

Laurence Coiffard enseigne la pharmacie industrielle et la cosmétologie à l'UFR des sciences pharmaceutiques et biologiques de Nantes.

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Atlantico : Qu’est ce qui peut expliquer que le niveau réel de protection solaire proposé par une partie des crèmes solaires soit inférieur à celui qu’elles affichent ? Quelle est l’intérêt pour les industriels de surestimer la protection de leurs produits ?

Laurence Coiffard :Actuellement tous les indices de protection affichés sur les emballages des crèmes solaires ont été déterminé par les industriels "in vivo" c’est-à-dire testés directement sur le corps humain. C’est une technique à laquelle l’industrie cosmétique est extrêmement attachée précisément parce que elle lui permet d’obtenir des indices plus élevé que ce qu'elle pourrait obtenir avec la méthode "in vitro" , sur un support plastique.

Ce que nous avons déjà démontré et publié dans la littérature scientifique est que certains ingrédients tels que l'allantoïne ou le bisabolol et beaucoup de filtres eux-mêmes sont anti-inflammatoires et permettent donc d'augmenter artificiellement les indices de protections solaires déterminés "in vitro". En effet, la détermination in vivo de l’indice de protection est basée sur l’inhibition de l’apparition d’une rougeur. Il y a de nombreuses manières d’y parvenir, en particulier si la formule de la crème comprend des molécules à caractère anti-inflammatoire. Ces molécules peuvent être dénuées, en revanche de tout potentiel filtrant et de fait ne protège pas le corps humain des rayonnements UV.

Globalement le problème est que l’inhibition peut être réalisé par toute autre chose que l’action filtrante en particulier, ce que nous avons démontré pour la première fois. Il semble bien par des bruits de couloirs et des indiscrétions  que l’industrie était consciente du problème. Les industriels ne sont pas tout à fait de bonne foi et utilisent ces propriétés là depuis grosso modo une bonne vingtaine d’année. Ils ont tout de suite compris le bénéfice qu’ils pouvaient tirer de la méthode (on peut très bien inhiber une rougeur par de tout autres moyens que simplement par des filtres). C’est-à-dire avoir besoin de mettre moins de filtres solaires tout en obtenant les même indices de protection. Simplement les anti-inflammatoires inhibent les rougeurs mais ne protègent aucunement contre les ultras-violets.

L’intérêt de cette procédure pour les laboratoires est tout simplement économique. Les substances inflammatoires que l'on substitue aux filtres peuvent être ajoutées en toute petite quantité (moins de 1%) tandis que les filtres nécessitent de 3% à 10% et leur production est plus onéreuse que les anti-inflammatoires. Effectivement en terme économique c’est très rentable. Ils produisent un cosmétique à moindre coût tout en maintenant l’indice élevé.

L’émergence de la filière biologique n’a-t-elle pas restreint l’efficacité des crèmes solaires en plébiscitant l’utilisation de composés minéraux au détriment de filtres organiques pourtant beaucoup plus performants ?

Oui c’est incontestable. Ils y ont participé ça c’est sûr. Beaucoup de discrédit a été porté sur les filtres biologiques "minéraux". Ce qui est sûr c'est que l'on ne peut pas obtenir d'indice 50 ou 50+ avec exclusivement des filtres minéraux.

Quelle est la part de responsabilité des autorités de santé ? N’est-ce pas leur rôle que d’évaluer l’efficacité des crèmes solaires mises sur le marché ?

Malgré les multiples alertes, on constate effectivement une absence totale de réaction de la part des autorités de santé, ce qui est grave. En réalité c’est un problème de statut des produits. Les crèmes solaires sont considérées par les autorités de santé française, l’ANSEM, comme des produits cosmétiques et donc elles ne font pas l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché. De ce fait les autorités de santé n’ont jamais à donner en amont un avis quel qu’il soit sur le produit.

Aux États-Unis par exemple les crèmes solaires sont considérés comme "médicament" et sont par conséquent soumise à des tests en laboratoire. Ce n’est pas le cas en France, ni en Europe.

A mon sens, là où les autorités de santé ne sont pas efficientes est que leur rôle de contrôle n’aboutit pas à des décisions qui ne devrait être que radicales c’est-à-dire le produit n’a plus le droit d’être mis en vente sur le marché tout simplement. Enfin les autorités de santé n’auraient pas trop de mal en principe à démontrer que le message de santé publique est qu’il ne faut pas exposer le bébé de moins  de 30 mois au soleil et par conséquent tout produit avec le message marketing "Baby"  destiné aux bébés, n’ont rien a faire sur le marché.

Quels sont les avantages de la technique pour tester l’efficacité des crèmes appelées "in vitro" c’est-à-dire testées sur un support plastique plutôt que  la méthode "in vivo" directement sur l’homme, méthode plébiscitée par les industriels du secteur ? Quelles sont ces avantages ? Doit-elle être généralisée ?

Tout d’abord la méthode "in vitro" est éthique, on n'irradie pas de cobayes humains lors des tests comme lors des tests "in vivo". Autant ça ne pose pas de problème lors d’essai de cosmétiques amincissants car cela ne pose aucun souci de santé publique, autant effectuer des irradiations solaires sur des humains pose des problèmes éthiques incontestables.

Outre ce premier avantage d'un point de vue scientifique il y a une multitude d’arguments de poids en défaveur de la méthode "in vivo" à savoir qu’elle ne traite pas le cœur du problème énoncé précédemment. La généralisation de la méthode "in vitro" paraît évidente au regard des biais de la méthode "in vivo".

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