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Gilets jaunes : ces Français qui vivent dans une économie de rationnement dans l’un des pays les plus riches au monde
©Valery HACHE / AFP

Misère

Le mouvement des gilets jaunes ne concerne pas tous les Français, mais une certaine partie de la population, dans une certaine partie du territoire, qui connaît aujourd'hui un véritable sentiment d'abandon. Et pour qui la hausse du prix de l'essence est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Dans un contexte d'exaspération de la population qui s'incarne cette semaine dans le mouvement des gilets jaunes, comment mesurer la proportion de la population qui se trouve concernée par des problématiques de pouvoir d'achat ? Quel est le poids de cette France des villes moyennes, des campagnes ou d'autres territoires qui subissent par exemple le retrait des services publics ? 

Nicolas Goetzmann : En raisonnant par tautologie, on considère généralement la population aisée comme représentant les 20% les plus riches du pays, les classes moyennes comme étant le bloc qui incarne les 50% de la population qui est coincée entre les plus aisés, et les classes populaires qui sont les 30% les plus pauvres. Ce qui ne dit rien du niveau de vie des Français dont le médian est à 1700 euros par mois, c’est-à-dire que 50% de la population vit avec un niveau de vie inférieur. On peut ensuite voir que l'évolution du niveau de vie au cours de ces 10 dernières années est en légère baisse, avec les déciles les plus pauvres de la population qui ont connu les plus fortes baisses (-3.50% en 10 ans pour les 10% les plus pauvres) alors que les déciles intermédiaires supérieurs ont connu le meilleur sort avec un chiffre pourtant très faible d'une hausse de vie de 1% en 10 ans. La tension qui peut exister dans le pays peut largement s'expliquer par cette stagnation des revenus sur toute une décennie, parce qu'elle concerne pratiquement l'ensemble de la population en dehors des quelques % du haut de la distribution. A ce titre, il faut noter que les inégalités de revenus en France sont beaucoup moins prononcées que les inégalités de patrimoine, puisque 10% de la population détient 50% du patrimoine en France. Finalement, la France qui va bien se cantonne principalement à cette France qui détient le patrimoine et ceux qui sont tout en haut de l'échelle des revenus. Ce qui représente donc au total, et au sens large, environ 15%-20% de la population. C'est aussi ce que l'on peut retrouver dans les différentes enquêtes d'opinion. 84% des Français sont favorables au maintien ou à l'augmentation de l'offre des services publics de proximité. De la même façon 84% des Français considèrent que la politique du gouvernement ne leur permettra pas de gagner en pouvoir d'achat, et 72% estiment que ce pouvoir d'achat a diminué au cours de ces dernières années.

D'un point de vue géographique, il est habituel d'opposer les grandes villes et le reste du territoire, mais ces grandes villes, comme Paris, sont très inégalitaires. On voit par exemple, comme l'indique l'INSEE que "le niveau de vie au-dessus duquel se trouvent les 10 % des Parisiens les plus aisés est 6,7 fois plus élevé que celui au-dessous duquel figurent les 10 % les plus modestes. Ce rapport, dit interdécile, s’élève à 4,6 en Île-de-France et seulement à 3,5 en France métropolitaine". Ce qui signifie que les grandes villes ne sont pas les bastions exclusifs de la France des riches, que la mixité sociale y existe malgré tout, mais dans un cadre plus inégalitaire que le pays pris dans son ensemble.

Peut-on réellement observer une fracture entre deux France sur cette thématique ?

Que cela soit sur le thème de la fracture entre gagnants et perdants de la mondialisation, entre France périphérique et élites, les fractures sont en train d'évoluer vers quelque chose d'encore plus massif, de plus global au sein de la population. On a pu voir que les niveaux de vie des déciles supérieurs en termes de revenus, lorsque l'on écarte les plus privilégies, les 1%, ont également stagné ou reculé au cours de la dernière décennie, ce qui montre que le malaise du pouvoir d'achat est une question globale en France, même chez une bonne partie des cadres. L'IFOP publiait ce 13 novembre un sondage montrant que 62% pensent souvent à démissionner, et majoritairement pour rechercher une meilleure rémunération. Ce malaise des cadres est une réalité en France, mais ce phénomène ne s'est pas encore réellement traduit en termes politiques, avec un niveau de soutien qui reste élevé pour Emmanuel Macron, soit 47% au dernier pointage de l'IFOP. La Fracture est donc finalement plus politique pour le moment, sans doute parce que les partis politiques n'ont pas encore sur faire de cette question du pouvoir d'achat une question transversale de la population française. 

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