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Gilets jaunes : ce qui se cache derrière le silence assourdissant de Nicolas Sarkozy
©Jean-Christophe MAGNENET / AFP

Discret

Alors qu'il ne s'est jamais privé de commenter l'actualité politique depuis qu'il a annoncé son retrait de la vie politique, Nicolas Sarkozy se montre étrangement silencieux à propos des « Gilets jaunes ». Que cache ce silence ?

Olivier Gracia

Olivier Gracia

Essayiste, diplômé de Sciences Po, il a débuté sa carrière au cœur du pouvoir législatif et administratif avant de se tourner vers l'univers des start-up. Il a coécrit avec Dimitri Casali L’histoire se répète toujours deux fois (Larousse, 2017).

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Atlantico : Comment expliquer le silence d'un personnage comme Nicolas Sarkozy lorsque l'on sait qu'il n'est pas le moins habile à sentir et interpréter les attentes des Français ?

Olivier Gracia : Il est évidemment toujours compliqué de disserter sur un silence, néanmoins Nicolas Sarkozy a appris de son expérience politique que la parole doit être rare. Depuis son retrait de la vie politique, Nicolas Sarkozy, ne nous a pas habitués à beaucoup d'interventions. A bien y regarder,  dans la seule interview qu'il ait accordée récemment, il avait décidé de se livrer pour le journal Le Point à un exercice assez inédit, puisqu'il s'était imposé une forme d'impartialité dans les idées et dans le discours, afin de prendre de la hauteur sur les différents sujets, à la fois nationaux et internationaux. De la sorte, Nicolas Sarkozy assume parfaitement sa fonction d'ancien président de la République ; là où François Hollande s'est aventuré sur un terrain plus glissant, soutenant dans un premier temps le mouvement des « Gilets jaunes », puis réprimant dans la foulée les violences qui ont été perpétrées samedi soir. Le silence est donc à la fois étonnant et compréhensible. Dans ce type de crise, se prononcer représente une grande prise de risque. Voyez Laurent Wauquiez, qui récemment s'est fait prendre la main dans le sac, affirmant qu'il n'avait pas porté le gilet jaune alors que les photos pour le prouver ont été très rapidement retrouvées. C'est dire la complexité de l'exercice. En période de crise comme celle que nous traversons aujourd'hui, la meilleure façon de ne pas froisser les Français est sûrement de ne rien dire et d'attendre la sortie de crise pour pouvoir intervenir.

Peut-on considérer que la France des « Gilets jaunes », correspond à cette France populaire à laquelle il avait promis de gagner plus en travaillant plus ?

Lorsque l'on entend certaines revendications des  « Gilets jaunes », notamment en ce qui concerne la baisse des charges, la baisse des impôts, et parfois même l'idée en effet de travailler plus pour gagner plus, on a l'impression que ces valeurs pourraient correspondre effectivement à ce que Nicolas Sarkozy proposait en 2007 : une France qui travaille, qui se lève tôt et qui a envie de prospérer, de mieux gagner sa vie, tout en ayant moins de charges à payer. C'était la promesse de Nicolas Sarkozy, qui faisait alors campagne, rappelons-le, sur la question du pouvoir d'achat. Aujourd'hui, il n'est question que de ça : la remise en cause du prix du carburant est un prétexte qui a fini par se transformer en une colère plus profonde contre l'Etat et contre l'Etat providence ; la véritable question est celle du pouvoir d'achat.

On peut établir un parallèle : Trump lui-même surfe sur la vague des « Gilets jaunes ». On a vu qu'il avait retweeté un message où l'on voyait, mais c'est sûrement une fake news, les « Gilets jaunes » scander "We Want Trump". Or, le sarkozysme n'est pas si éloigné du trumpisme, c'est une forme de « populisme » capitaliste et libéral. Sarkozy en 2007 a été le premier à avoir un discours franc avec le peuple, flattant évidemment l'effort des travailleurs, récupérant pour lui-même des valeurs qui étaient placées à gauche sur ce thème du travail, et s'inspirant, on le sait, des discours de Jaurès, par la plume d'Henri Guaino. Il y avait déjà dans le sarkozysme un élément adéquat au trumpisme, et peut-être aux « Gilets jaunes ».

Cela étant, il est très compliqué de calquer sur ces derniers une quelconque forme d'unité idéologique, tant les revendications diffèrent d'un porte-parole à l'autre et d'un point de blocage à l'autre. Il est évident qu'il y a parmi les « Gilets jaunes » des gens qui peuvent se reconnaître dans les valeurs de la droite républicaine telle qu'imaginée par Nicolas Sarkozy, mais d'autres se retrouveront davantage dans celles d'une gauche très radicale.

Une intervention de Nicolas Sarkozy est-elle d'autant plus attendue que la droite traditionnelle se révèle inaudible dans le moment actuel ?

Nicolas Sarkozy aurait en effet un rôle à jouer à droite aujourd'hui étant donnée la faible légitimité du chef actuel des Républicains. Laurent Wauquiez n'est effectivement pas audible, et sa position de front avec les « Gilets jaunes » en soutien au référendum n'est pas d'une pertinence éclatante. Il y a donc toujours une place à prendre à droite. En revanche, Nicolas Sarkozy participerait alors de ce sentiment d'éternel retour des mêmes têtes. Ce n'est pas là le souhait des « Gilets jaunes », qui expriment un refus du système des élites politiques, accompagné de l'idée de voir se révéler, enfin, de nouveaux talents. C'était d'ailleurs la promesse d'Emmanuel Macron : faire émerger des personnes de la société civile. Mais la déception a été énorme au moment de constater que, finalement, les nouveaux visages comme les plus anciens autour d'Emmanuel Macron ressemblaient très fortement à l'ancien régime. Ce sentiment de déception pourrait aider à faire renaître, possiblement, Nicolas Sarkozy. Dès lors, c'est lui qui a les clés en mains.

A l'évidence Nicolas Sarkozy, considérant le schéma dans lequel il est aujourd'hui, est dans une forme de calcul politique. Il n'est évidemment pas complètement déconnecté de la vie politique. Il est bien sûr très compliqué de se mettre à sa place, mais je dirais qu'il pense éventuellement à un retour. Et cela est précipité à nouveau par le fait que la droite n'ait pas réussi à investir un chef suffisamment légitime dans son camp. Laurent Wauquiez a davantage divisé son camp, lorsque Nicolas Sarkozy, en 2007, avait su le rassembler. Faute d'avoir des personnalités qui émergent au sein de la droite républicaine, on peut imaginer que Nicolas Sarkozy ait peut-être encore un rôle à jouer. En tout cas peut-être que lui-même le pense.

Mais Nicolas Sarkozy a sans doute également compris que dans le mouvement des « Gilets jaunes », il y a aussi une hostilité à l'égard des présidents précédents. Emmanuel Macron est à l'évidence l'héritier malheureux de ses deux prédécesseurs. Le remettre en cause, c'est aussi remettre en cause les politiques qui ont été menées avant lui. Nicolas Sarkozy, à sa manière, a des responsabilités par rapport à l'état de la France d'aujourd'hui. Même si lui-même a dû faire face à une crise profonde, la crise économique de 2008, situation dans laquelle il avait à l'époque plutôt bien manœuvré. Mais c'est bien une remise en question au moins des trois derniers présidents de la République et de leurs gouvernement à laquelle on assiste. Ce dont Emmanuel Macron avait d'ailleurs déjà profité pour se faire élire. Aujourd'hui, les « Gilets jaunes » sont en quelque sorte le miroir d'En Marche, et c'est à leur tour de tout détruire pour se frayer un passage. 

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