François Duvergé : "En France, le management est vertical, autoritaire, et cloisonné"<!-- --> | Atlantico.fr
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Pour François Duvergé, encore "trop de managers se comportent comme des "petits chefs"
Pour François Duvergé, encore "trop de managers se comportent comme des "petits chefs"
©Reuters

L'interview Atlantico Business

En France, rien n'a changé en matière de management, c’est le constat de François Duvergé. Initiateur du projet France Business School, il est consultant en stratégie de formation et auteur du livre "L'Art du management". Selon lui, il faut, notamment depuis l'arrivée de la génération Y, faire évoluer toute la chaine managériale encore trop autoritaire et pas assez humaine.

François Duvergé

François Duvergé

François Duvergé est sociologue et ancien président du groupe ESCEM. Il est l'auteur du livre "L'Art du management" (Afnor Éditions), coécrit avec Monique Pierson.

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Atlantico Business : Quels sont les trois plus grandes idées reçues sur le management ?

François Duvergé : La première consiste à penser qu’il y aurait des recettes pour bien manager. Un bon mode opératoire valable en tout temps, en tous lieux. C’est une absurdité. Chaque entreprise en tant que groupe humain a sa spécificité, sa culture et ses valeurs propres, son histoire et son projet. Il n’y a pas de recette miracle mais un management au cas par cas. La seconde postule que le bon manager serait celui qui met en place les bonnes procédures, les bons processus. La meilleure des procédures ne donnera pas les résultats attendus si les collaborateurs qui ont la charge de la mise en œuvre n’y adhèrent pas, n’en comprennent pas le sens et n’y trouvent aucun intérêt. La troisième met en avant l’organisation. Elle consiste à penser que les problèmes rencontrés dans la vie quotidienne de l’entreprise se règlent par la mise en place de la bonne organisation. Il n’y a en vérité pas d’organisation idéale. L’organisation est contingente aux hommes, aux équipes, au contexte de l’entreprise. Bien d’autres idées reçues pourraient être mentionnées. En fait toutes celles qui oublient que l’entreprise est d’abord une construction humaine, une histoire d’hommes et de femmes et que c’est l’humain qui tire l’économique et non l’inverse.

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Selon l’IMD (International Institute for Management Development), en 2004, la France était 57e sur 60 pour sa qualité des relations sociales dans l’entreprise. Pour quelles raisons sommes-nous si mal classés ?

Le classement de l’IMD figurent parmi les classements internationaux les plus ambitieux et médiatisés. Il étonne par sa sévérité vis-à-vis de la France.  En France, pour des raisons qui tiennent à notre Histoire, les relations sociales dans l’entreprise ont toujours été conflictuelles. La culture de la négociation y est peu développée, le sens du compromis bien faible. Au plan de l’action collective, l’association des travailleurs aux décisions relatives aux orientations stratégiques de l’entreprise et à leur mise en œuvre est particulièrement faible, voire inexistante. Et au plan individuel, la liberté d’expression est également faible. Le droit d’initiative n’est pas reconnu à ceux qui sont là pour exécuter, même lorsqu’il s’agit de débattre de la réalisation du travail sur le terrain ! Le management dans les entreprises françaises est trop souvent basé sur des pratiques d’un autre temps, verticales, souvent autoritaires, cloisonnées. Pour que les relations se dégradent autant, c’est précisément que rien n’a changé en matière managériale.

D'après vous, sur quels points-clef un dirigeant d'une PME doit se concentrer pour manager ses équipes ?

Le manager doit être exemplaire par son comportement quotidien, par la cohérence entre ses discours et ses actes. Il doit asseoir son leadership et susciter l’adhésion et l’engagement de ses collaborateurs. D’autre part, son rôle est de faire partager à ses collaborateurs une vision de l’avenir, un projet collectif dans lequel chacun peut s’investir et contribuer au succès par un travail permettant l’expression des talents.  Et enfin, le manager doit saisir toute occasion pour valoriser ses collaborateurs. Il faut leur montrer qu’ils constituent collectivement et individuellement la principale ressource de l’entreprise. Les résultats économiques dépendent de plus en plus de la motivation des collaborateurs, elle-même directement liée à l’atmosphère générale du travail dans l’entreprise et au bien être des collaborateurs.

Quelle nouvelle pratique adopter face à la souffrance au travail, pour éviter des drames comment on a pu en voir dans l'actualité ?

Les entreprises françaises, petites et grandes, sont encore très souvent caractérisées par une organisation hiérarchique, verticale, où les collaborateurs n’ont pas droit à la prise d’initiative et de responsabilité. D’où le sentiment de frustration ou d’inutilité ressenti par un nombre important de personnes au travail. Le développement important du mal être au travail est dans notre pays un véritable paradoxe. Jamais les conditions matérielles de travail n’ont été aussi bonnes et jamais le mal être au travail ne s’est exprimé aussi fortement ! Preuve que l’homme cherche autre chose que des moyens matériels à travers son activité professionnelle. Les collaborateurs des entreprises, au sens large du terme, ont besoin de comprendre le sens de leur action. Ils ne supportent plus d’être considérés comme de simples exécutants, ils veulent s’exprimer, participer aux décisions qui les concernent. Ils veulent débattre des objectifs et des reportings qu’on leur impose. Dans un contexte général de crise et de remise en cause profonde, se traduisant par une forte pression mise sur les collaborateurs pour faire de la productivité, le mal être au travail se développe et conduit de plus en plus au burn-out, de nombreuses études en témoignent. On comprend dès lors l’importance d’un bon manager. Or de très nombreux cadres ont été placés en situation managériale alors qu’ils n’ont pas les aptitudes à cette responsabilité difficile. Un bon expert technique ne fait pas nécessairement un bon manager, loin de là !

La génération Y est fait maintenant partie du monde du travail. Devons-nous réformer l'entreprise en conséquence ?

C’est toute la chaine managériale qu’il faut faire évoluer. Les gens communiquent en permanence, les réseaux sociaux véhiculent toutes sortes d’informations sur la vie dans les entreprises. Il faut naturellement une hiérarchie, mais gardez à l’esprit que l’autorité réelle, reconnue et acceptée, est celle de la compétence et non celle du grade ou du statut. Trop de managers se comportent en effet comme des « petits chefs » au comportement strictement contraire à ce à quoi aspirent ses collaborateurs. Petits chefs d’autant plus autoritaires et solitaires qu’ils sont eux-mêmes soumis à la pression de leur propre hiérarchie.  Il est certain que les jeunes générations se plieront de moins en moins bien à ce management vertical aujourd’hui dépassé. Les jeunes cherchent plus que leurs ainés un épanouissement dans leur vie professionnelle et un équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. La mise en œuvre d’un management plus soucieux de l’humain est aujourd’hui un impératif. Il y va de la compétitivité de l’économie, de la capacité d’innovation. C’est un enjeu majeur sachant par ailleurs que le mal être au travail pourraient représenter en 3 et 4 points de PIB !

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