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France Suisse : les Bleus éliminés par une somme d’insuffisances individuelles et collectives
©FRANCK FIFE / POOL / AFP

On rentre à la maison

EURO 2021 : Avec un scénario à la Hitchcock et une fin à la Shakespeare, les bleus s'inclinent en huitième de finale, aux tirs aux buts et face à la Suisse (5/4). Au terme d'une soirée folle au cours de laquelle ils auront mené 3/1 à dix minutes de la fin, leur Euro est terminé, ils rentrent chez eux.

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez est entraîneur de tennis et préparateur physique. Il a coaché des sportifs de haut niveau en tennis. 
 
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Ce France-Suisse ressemblait comme deux gouttes d'eau au piège habituel que représentent les matchs à ne pas perdre. C'est le cas quand un ultra-favori rencontre un outsider et qu'il s'agit pour le premier cité de relever le triple défi qui consiste à conserver un statut durement acquis, de répondre à une attente toujours plus forte et surtout de correspondre à l'idée qu'il se fait de lui-même... Une histoire de prestige donc, mais aussi de ce mélange d'orgueil et de vanité que l'on nomme l'amour-propre (on l'appelle comme ça parce qu'on a compris depuis longtemps que toutes les autres formes d'amour étaient plus ou moins dégueulasses). Tout cela pour vous dire que les bleus avaient quand même un tantinet la pression au moment d'affronter leurs voisins de palier sur un match à élimination directe.
Une pression qui, selon toute vraisemblance, a été mal gérée hier soir...
Pour être franc, raconter ce match par le menu serait un peu trop copieux, voire même douloureux... Disons juste que nous avons assisté à une défaite historique, à un truc à vous retourner les intestins (si ça peut vous donner une idée, la dernière fois que j'ai eu mal au ventre comme ça, c'était après un abus de cuisine Mexicaine...).
Le film du match est aussi éloquent qu'édifiant. Côté Français, la première mi-temps n'est qu'une somme d'insuffisances individuelles et collectives. Une fois que nous aurons évoqué l'inadaptation au nouveau système de jeu choisi par Didier Deschamps, la stérilité du trio offensif (aucun tir cadré) et la passivité générale, nous n'aurons certes pas tout mentionné mais nous aurons dit le principal. Face à des Suisses qui restaient bien organisés et qui, comme d'habitude, ne prêtaient rien (sauf à dix pour cent), l'équipe de France prenait simplement l'eau de toutes parts. Aussi, quand le peu connu Seferovic (un Helvète underground), plaça une tête rageuse hors de portée de Lloris (14e), on voyait bien que l'horizon, par un curieux phénomène de mode, se voilait aussi. Parce que le reste de la première période avait tout d'une purge, les supporters les plus optimistes se disaient que la baraque flambait jusqu'aux poutres. Mais il est des fois où le football permet tout, où l'irrationnel est la seule logique et où un geste change complètement la face d'un match. Ce geste, ce fut une parade du capitaine Hugo Lloris, et plus précisément une main droite extrêmement ferme sur un pénalty tiré par Ricardo Rodriguez (54e). Le genre de geste à même de relancer une équipe jusque-là sans énergie, en mal de patrie donc, et de permettre à tout un groupe d'envisager une suite dont on ne savait pas encore qu'elle serait folle. 

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Cette suite, elle commence par un doublé de Karim Benzema (57e et 59e), quand les bleus avaient un pied dans la défaite et l'autre sur une peau de banane, avant de se poursuivre par une enluminure en pleine lucarne d'un Pogba retrouvé (74e). Parce que les bleus revenaient de nulle part et qu'ils menaient 3/1 à dix minutes du terme, c'est bien simple, pour tous les supporters, la vie redevenait belle. Pour le dire autrement : franchement, on s'y voyait ! Ça nous faisait même comme qui dirait l'intérieur tout en duvet de canard... Hélas... trois fois hélas... Car c'est au moment où l'équipe de France semblait enfin paver son destin de quelques certitudes que les Suisses sortirent deux diables de leurs boîtes alors qu'on les croyait accablés de remords et de regrets. Des diables nommés Seferovic (81e, de la tête encore) et Gavranovic (90e, sur un service involontaire de Pogba, décidément dans tous les coups hier soir, les bons comme les mauvais). L'histoire n'était donc pas finie, loin s'en faut. Un dernier frisson parcourait les tribunes lorsque Coman, rentré à la place d'un Lenglet qui avait pris la porte (!), catapultait une frappe "à la Amoros" qui fracassait la barre dans les dernières secondes avant d'aller mourir en tribune. 
Avec deux équipes passées par toutes les émotions et après des prolongations restées stériles malgré de belles occasions signées Mbappé et Giroud, l'affaire allait donc se régler dans cette ordalie moderne que l'on appelle les penalties... Une histoire d'hypertension nerveuse qui consiste à faire cuire les joueurs dans leur jus, avec le couvercle rabattu. Une histoire de nerfs donc, mais aussi d'expérience... Du type de celle qui aura certainement manqué à la jeunesse d'Mbappé hier soir au moment de convertir le cinquième tir au but de son équipe.
Mesdames et Messieurs, si vous voulez savoir à quoi tient une élimination dans une grande compétition et bien la réponse est simple : à pas grand-chose... À une légère inflexion du destin, en l'occurrence une frappe un poil trop haute pour gêner un gardien parti du bon côté... Voilà à quoi ça tient une élimination. Voilà comment un rêve part en fumée.
Évidemment, pour une équipe championne du monde, perdre contre les Suisses en menant 3/1 à dix minutes de la fin, ça fait tache. Une grosse. De quoi se réfugier dans un mélange de gnôle, d'absinthe et de Gardenal dans des proportions propres à chacun. Et puisqu'on me prête une plume pour écrire un mot, autant en profiter pour tenter d'énoncer ce qui aura manqué aux bleus au cours d'une compétition qui aura ressemblé à un voyage en litanie. Car il faut bien admettre que l'équipe de France aura traîné tout au long de l'Euro ses errements défensifs, son manque d'impact physique, sa trop longue liste de blessés, ses tâtonnements tactiques (travaux en cours) et les défaillances individuelles de certains de ses cadors (Mbappé, Varane, Pavard pour ne citer qu'eux). Ça fait beaucoup, et parfois beaucoup, ça fait trop, surtout quand le sélectionneur semble moins maîtriser les choses et que l'harmonie du groupe reste sujette à caution.
Aussi, malgré un match incroyable dont les images et les émotions nous poursuivront longtemps après l'extinction du téléviseur, nous avons la confirmation que si les réussites enflamment dangereusement, les défaites plombent douloureusement. Comme si un destin chafouin voulait nous rappeler que les titres les plus prestigieux, faute de totem d'impunité, ne promettent pas leur répétition. Quoi qu'il en soit, il flotte dans l'air ce matin que l'équipe de France semble grandement responsable de ses malheurs et que les bleus qui se sont inclinés hier soir n'avaient qu'un lointain cousinage avec ceux qui furent sacrés champions du monde il n'y a pas si longtemps. 
En conclusion, après ce qui reste le plus gros échec de l'ère Deschamps, on peut dire que l'équipe de France n'a désormais plus que ses yeux pour pleurer et que le chantier est ouvert. Nous nous quitterons en ayant quand même une pensée pour elle et pour ses joueurs, vaincus avec dommages et intérêts. Des joueurs qui, en rentrant chez eux, ne trouveront que le suc amer de la défaite et un sommeil sans rêves pendant quelques nuits. Remarquez... la chose est classique puisque les défaites se ressemblent toutes... Car les semaines suivantes, c'est-à-dire les lendemains qui déchantent, servent toujours de triste purgatoire pour quiconque en situation d'échec veut essayer de répondre à cette douloureuse question : comment faire peau neuve à partir d'une peau de chagrin ?

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