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France/Allemagne, le match éco ou la preuve par 4 de l’inefficacité de la politique économique d’Emmanuel Macron
©EMMANUEL DUNAND / AFP

L’Allemagne ne va pas aussi bien que vous croyez

En visite officielle en Allemagne le 10 janvier dernier, Edouard Philippe a tenté de rassurer Berlin sur la "poursuite des réformes" en France en plein contexte des Gilets jaunes et d'ouverture du grand débat.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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La visite d'Edouard Philippe en Allemagne est traitée par le quotidien d'économie "Les Échos" qui indique "Apparemment fortement décidé à s'inspirer du modèle allemand, il a enfin cité l'ancien chancelier Konrad Adenauer. « Il n'est pas indispensable de garder toujours le même point de vue, personne ne peut nous empêcher de devenir plus intelligent ».

S'il est question d'intelligence et de modèle allemand, il ne faut pas se refuser un petit tour d'horizon comparatif entre France et Allemagne depuis 1999, c’est-à-dire depuis que les deux pays partagent la même monnaie.

La croissance

Le préjugé de la supériorité de la croissance économique allemande au cours de ces 20 dernières années est solide, il serait douteux de penser l'inverse, mais la réalité est tout de même différente. Entre le 1er trimestre 1999 et le 3e trimestre 2018, la croissance allemande totale est de 31.62% alors qu'elle est de 32.35% en France. Il ne s'agit pas de fanfaronner, mais simplement de comprendre que s'il existe un modèle allemand supérieur au modèle français, il paraît peu pertinent en termes de croissance économique.

Le chômage

Le modèle allemand, c'est évidemment l'affichage en grand format de son taux de chômage : 3.3% selon les dernières données disponibles d'Eurostat, pour le mois de novembre 2018. Selon Eurostat, le taux de chômage Français est de 8.9%, l'écart est donc très lourd : 5.6 points. Pour expliquer cette différence, il est déjà nécessaire de voir quel était le niveau de départ, c’est-à-dire en 1999. Avec un taux de croissance pratiquement équivalent, il serait "normal" que le taux de chômage baisse dans les mêmes proportions...en fonction du point de départ de chacun des participants. Selon Eurostat, le chômage était de 8.9% en Allemagne en janvier 99, contre 10.7 points en France, soit un écart de départ de 1.8 points, qu'il faut donc soustraire de l'écart final. Mais cela ne suffit toujours pas à expliquer la totalité, il reste 3.8 points d'écart à l'avantage de l'Allemagne. Pour le justifier, il est nécessaire de rappeler qu'un taux de chômage s'exprime en pourcentage de la population active. Plus la population active croît, plus la croissance économique doit être forte pour pouvoir absorber les nouveaux demandeurs d'emplois. Or, selon les chiffres de l'OCDE, la croissance de la population active française, entre 1999 et 2017, a été de 12.04% contre 9.27% en Allemagne. Si l'on applique la croissance de la population active allemande à la France, nous parvenons à un taux de chômage total en France, non pas de 8.9%, mais de 6.6%, soit un écart de 2.3 points. Le simple facteur démographique est donc le premier facteur de divergence franco allemand en ce qui concerne le chômage. Rien à voir avec une supposée sur-performance économique. Mais il reste au final un écart de 1.5 point de chômage qui reste inexpliqué. Mais il y a une explication :

Les salaires

Cette raison est un peu moins avouable pour Berlin, mais le fait est, comme l'indiquait l'institut Jacques Delors dans un rapport d'étude sur les emplois à bas salaires, c’est-à-dire inférieurs à deux tiers du salaire médian, que l'Allemagne a une petite tendance à abuser de ces situations. Alors que 9% des salariés Français sont à bas salaire, ils sont 23% en Allemagne. Ce qui s'expliquer notamment par les 7.6 millions de mini jobs allemands payés 450 euros par mois, et dont 2.8 millions sont des seconds emplois, cumulés avec un premier. C’est-à-dire que 4.8 millions de personnes en Allemagne travaillent pour 450 euros par mois, sans cotisations sociale, et sans cotisations retraites. Une formule magique pour faire baisser le chômage : la précarisation. Le résultat de cette répression salariale est que malgré un PIB par habitant bien supérieur en Allemagne qu'en France, le salaire médian français est plus élevé qu'en Allemagne. Le miracle allemand, tant vanté par nos dirigeants n'est rien d'autre que cela : des salaires bas.

Les excédents

Et c'est là que Paris est vraiment jaloux. Les excédents commerciaux. Parce que l'Allemagne écrase la France en ce domaine. Or, si Paris veut rejoindre Berlin sur ce terrain, il ne lui reste qu'une option, celle effectivement poursuivie par le programme d'Emmanuel Macron. De la loi travail à celle de l'assurance chômage prévue pour cette année, un seul objectif, l'écrasement des salaires, comme en Allemagne. Pour une raison simple. Des salariés dont les revenus sont décrochés de la productivité, comme cela a été le cas en Allemagne au cours des deux dernières décennies, sont des salariés qui produisent plus qu'ils ne peuvent consommer. Et lorsque la production excède la consommation, un excédent se forme. C'est ainsi que l'Allemagne a créé ses excédents commerciaux. En faisant en sorte que sa croissance intérieure soit plus faible que celle de l'extérieur, ce qui avait pour résultat de créer un déséquilibre entre exportations et importations. Par l'écrasement des salaires.

Le projet du modèle allemand, ce n'est donc pas plus de croissance. Ce sont des salaires plus faibles. Mais peut-être qu'une telle orientation ne plaira pas aux Français, pas plus qu'aux Gilets jaunes et à leurs soutiens. Parce qu'en dehors de générer des inégalités, cela ne sert finalement à rien. Ou peut-être à une chose, de rendre le pays vulnérable aux marchés exterieurs, comme l'Allemagne le découvre en cette période de mode protectionniste.

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