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Frais de personnel, déplacements, travaux, fonctionnement courant de la présidence : radiographie du budget présidentiel
©LUDOVIC MARIN / AFP

Bonnes feuilles

René Dosière publie "Frais de Palais : la vérité sur les dépenses de l’Elysée" aux éditions de l’Observatoire. L’auteur dévoile les secrets des dépenses présidentielles. Pour la première fois dans notre histoire, les dépenses du président de la République sont transparentes et contrôlées. Extrait 1/2.

René Dosière

René Dosière

René Dosière est ancien député de l'Aisne. Il est connu pour ses travaux scrupuleux sur le train de vie de l'État et la transparence de la gestion publique. Il préside l'Observatoire de l'éthique publique qui associe universitaires et parlementaires. Il est l'auteur, notamment, de L'Argent caché de l'Élysée et d'Argent, morale et politique.

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Le premier budget plein d’Emmanuel Macron (2018) est en rupture avec ceux de son prédécesseur, puisqu’il augmente de 6,9 %, soit un rythme huit fois et demie supérieur à celui de l’État. Certains postes enregistrent une progression à deux chiffres, qui atteint + 35 % pour le fonctionnement courant des services ; la masse salariale augmente sensiblement, par suite de la hausse des effectifs qui ont en charge la sécurité des personnes et la sécurité informatique ; enfin les déplacements présidentiels sont également plus dispendieux. Au total, le budget 2018 atteint 110 millions d’euros. Ces hausses résultent d’une activité accrue de la présidence, nous dit la Cour des comptes, qui souligne toutefois un coût unitaire des déplacements plus élevé. 

Quelles sont les principales dépenses du budget présidentiel ?  

Les frais de personnel constituent la principale dépense : plus des deux tiers du budget. Au 1er juillet 2019, les effectifs présents s’élèvent à 794. Les quatre cinquièmes sont des fonctionnaires mis à disposition de la présidence par les divers ministères, principalement l’Intérieur (policiers et gendarmes, ces derniers sous statut militaire). Outre ces fonctionnaires, l’Élysée recrute et rémunère directement par contrat des personnes aux profils variés. Ces contrats prennent fin avec le mandat du Président, contrairement à ce qui se passe pour les fonctionnaires qui sont maintenus en fonction ou remis à la disposition de leur ministère d’origine ; ainsi, en 2012, quand il arrive à l’Élysée, François Hollande retrouve avec plaisir ceux qui étaient déjà en poste à l’époque où il travaillait au cabinet de François Mitterrand. 

Les déplacements représentent le deuxième poste de dépenses. Leur montant dépend de trois variables :

d’abord leur nombre, lui-même fonction de l’activité présidentielle et de la situation internationale ; ensuite leur coût individuel, qui varie selon la durée du déplacement et l’importance de la délégation qui accompagne le Président ; enfin le coût du transport aérien, variable selon le type d’avion utilisé et la distance à parcourir ; en 2018, le montant global des déplacements présidentiels a pour la première fois dépassé 20 millions d’euros. 

Le troisième poste de dépenses concerne le fonctionnement courant de la présidence, détaillé en cinq domaines et qui représente un sixième du budget ; ce sont les dépenses qui ont connu, au fil du temps, les diminutions les plus fortes par suite de la mise en concurrence des fournisseurs. 

Enfin le dernier poste de dépenses regroupe les gros travaux d’entretien et de remise à niveau des installations intérieures, ce que l’on nomme en langage budgétaire les « investissements ». Il ne s’agit pas des très gros travaux de restauration des bâtiments qui sont financés au titre des monuments historiques par le ministère de la Culture et dont le montant n’a pas à figurer dans le budget présidentiel.

Les recettes

Le budget présidentiel est financé à hauteur de 98 % par un prélèvement sur le budget de l’État, que l’on appelle une « dotation », car son utilisation est laissée à l’initiative de l’Élysée. Particularité de cette dotation : son montant est fixé par le président, et le Parlement ne peut pas la diminuer, en vertu d’une interprétation constitutionnelle selon laquelle l’Élysée dispose de l’autonomie financière. Versée en début d’année sur le compte de l’Élysée ouvert au Trésor public, elle permet de faire face aux dépenses, mais elle ne procure plus aucun intérêt depuis 2014. Les autres recettes sont donc marginales, au total entre 1 et 1,5 million d’euros. Il s’agit du produit de la restauration administrative ainsi que les remboursements des repas de la garde républicaine et des conseillers (plateaux-repas). S’y ajoutent les produits des services offerts (redevances d’occupation des logements, crèche) ainsi que les remboursements des participants aux voyages officiels (chefs d’entreprise et journalistes). Enfin, il existe quelques recettes « de poche » : tournages de films (quand il y en a) et vente régulière de produits dérivés. À l’origine, il s’agissait des souvenirs achetés par les 20 000 personnes qui visitent l’Élysée lors des Journées du patrimoine. À son arrivée, Emmanuel Macron a créé la boutique de l’Élysée qui propose à la vente – sur Internet – divers produits marqués « Élysée – Présidence de la République ». La gestion de ces produits dérivés a été externalisée, ce qui favorise une promotion plus innovante, mais réduit la recette finale : la présidence a perçu une recette de 53 009 euros, soit 8 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé entre le 1er septembre 2018 et le 31 mars 2019. Le remboursement par le chef de l’État de ses dépenses privées prises en charge par le budget de l’Élysée (déplacements et repas) n’est pas individualisé parmi les recettes diverses.

Un budget qui demeure incomplet

L’effort de transparence réalisé en 2008 avec l’établissement d’un budget vérité regroupant l’ensemble des dépenses de la présidence se révèle incomplet au gré des contrôles de la Cour des comptes. Depuis plusieurs années, elle préconise de compléter la « consolidation » du budget présidentiel, mais se heurte aux refus de la présidence. Quelles sont ces dépenses « externalisées » qui ont vocation à intégrer le budget de l’Élysée ? 

D’abord les frais de fonctionnement des 60 véhicules utilisés par les membres du GSPR (Groupe de sécurité de la présidence de la République), ainsi que le coût des matériels de sécurité qu’ils utilisent, toujours pris en charge par le ministère de l’Intérieur ; sur ce point, l’Élysée répond que la réorganisation du service de la sécurité permettra d’intégrer ces dépenses. 

Ensuite on trouve les dépenses liées à la surveillance de la résidence La Lanterne (à Versailles) assurée, depuis 2015, par les gendarmes de la garde républicaine et dont le coût figure toujours dans le budget de l’Intérieur ; pour la Cour, « dès lors que les effectifs correspondants sont engagés au bénéfice direct de la sécurité d’une résidence à l’usage exclusif du président de la République, la dépense devrait être intégrée dans le budget de l’Élysée et remboursée au ministère de l’Intérieur » ; sur cette question, la présidence botte en touche, se contentant de rappeler qu’elle supporte les dépenses relatives à l’hébergement de ces gardes. 

Autre dépense qui reste externalisée : les frais d’interprétariat supportés par le ministère des Affaires étrangères (à hauteur de 221 215 euros pour l’année 2018) ; l’Élysée n’envisage pas de l’intégrer, se contentant de prendre en charge les seuls frais d’hébergement, de transport et de restauration des interprètes mobilisés pour les déplacements présidentiels. Au demeurant le ministère n’en demande pas le remboursement, considérant que cette activité relève du protocole d’État. 

Enfin le ministère de la Culture, via les crédits du Mobilier national, héritier du garde-meubles du roi, continue à financer le coût d’entretien et de restauration des 6 000 meubles et objets placés en dépôt au Palais et dans les résidences présidentielles ; cette question fait l’objet d’une attention particulière de la Cour, qui a multiplié les observations critiques et obtenu, en 2011, la mise en place d’une procédure de recensement et de suivi des objets déposés ; depuis lors, ceux-ci sont inventoriés dans une base de données et les membres du cabinet du Président, ainsi que certains fonctionnaires (soit au total 52 personnes) sont tenus de signer, à leur arrivée et à leur départ, un état des lieux mentionnant les objets et œuvres en place dans leur bureau ; la Cour a pu vérifier que cette procédure était respectée. C’en est fini de la période où, faute d’inventaire et de  recensement régulier (en langage technique on parle de récolement), des objets rares et remarquables disparaissaient (362 entre 1950 et 2007 !). La présidence refuse cependant d’intégrer dans son budget le coût de cet entretien, qui est de l’ordre de 500 000 euros par an ; elle considère que la base juridique de ces dépôts n’est toujours pas résolue par le code du patrimoine (la présidence, au sens juridique du terme, n’est pas une administration) et préconise l’augmentation des crédits du Mobilier national. 

Les travaux de restauration des bâtiments présidentiels, classés monuments historiques, sont de la compétence du ministère de la Culture qui a créé à cet effet un établissement public placé sous sa tutelle : l’Oppic (Opérateur du patrimoine des projets immobiliers de la Culture).

Concernant l’Élysée, cet établissement dispose de deux types de crédits, destinés les uns aux grosses opérations d’entretien (toiture, désamiantage, etc.), les autres aux travaux de restauration et de conservation ; ces dépenses, du fait de leur spécificité, n’ont pas vocation à intégrer le budget présidentiel. La Cour des comptes relève que ces crédits (environ 7 millions d’euros par an) ne sont pas complètement dépensés et que l’hôtel d’Évreux se dégrade en même temps que les coûts de restauration augmentent. Reste à déterminer qui est responsable de ces retards et du financement. Au total, c’est un ensemble de dépenses de l’ordre de 4 à 5 millions d’euros qui sont concernées pour terminer l’opération vérité engagée en 2008 ; sans doute la prise en compte de ces dépenses conduirait-elle à gonfler, de manière optique, le budget présidentiel, mais ce serait sans incidence financière sur les finances publiques, puisque les montants correspondants disparaîtraient des budgets ministériels.

Avant de réaliser cette opération, un petit pas supplémentaire en faveur de la transparence serait bienvenu : la mise en ligne sur le site de l’Élysée de son budget intégral, à l’instar de ce que pratique l’Assemblée nationale depuis quatre ans. À plusieurs reprises, j’ai formulé cette proposition, qui a reçu un accord de principe, mais pas de concrétisation. Sans attendre cette mise en ligne, il est toutefois possible d’examiner les principaux aspects de l’activité présidentielle.

Extrait du livre de René Dosière, "Frais de Palais : la vérité sur les dépenses de l’Elysée", publié aux éditions de l’Observatoire.

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