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Football : la révolution Internet 
des supporteurs
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Qui ne saute pas...

Manchester United - Marseille, ce mardi soir. Real Madrid - Lyon, mercredi soir. C'est l'heure de la dernière chance cette semaine pour les clubs de football français encore engagés en Ligue des Champions. Carton d'audience assuré pour les chaînes de télé... et pour les sites web consacrés au foot. Car désormais soutenir son équipe favorite, c'est (aussi) sur Internet que ça se passe, comme nous l'explique le sociologue Ludovic Lestrelin.

Atlantico : peut-on dater l’arrivée de supporteurs de foot internautes?

Ludovic Lestrelin : Dans les enquêtes que j’ai menées, dès le début des années 2000, il y avait des sites Internet de groupes de supporteurs ; y compris des groupes de supporteurs radicaux. Pour les hooligans, Internet joue un rôle de lieu d’apprentissage. Il permet d’en apprendre sur l’historique du hooliganisme ou de pouvoir constater ce qui se passe à l’étranger, en Allemagne, en Italie, en Pologne, en Hollande, etc. Vous avez même des sites où l’on peut suivre l’actualité des violences, des affrontements. Au final, quand on est supporteur radical, on est membre d’un petit monde où se noue des échanges transnationaux, où l’on partage un univers de sens et de références dans un cadre européen.

D’une façon plus générale, disons qu’il y a eu trois temps dans la mise en place d’un soutien à son équipe de foot via Internet : au départ, il y a eu la découverte d’Internet comme espace nouveau d’informations quasiment infini. Puis, le web a été appréhendé comme un espace de participation. Enfin, la mise en place de blogs, ou de sites, a permis aux passionnés de relayer l’information, de créer du débat. En réalité, il s’agit d’un processus général de l’Internet qui dépasse le cadre du soutien à un club de foot.

Concrètement, comment se manifeste sur Internet le soutien des supporteurs à leur équipe ?

Disons qu’on peut classer ce soutien en trois catégories :

Tout d’abord, Internet peut être utilisé de façon individuelle. Le supporteur consulte le site officiel du club, des sites non-officiels ou des blogs, afin de suivre l’actualité de son club favori. Cette manière d’aller chercher l’information est ressentie par lui comme plus intéressante que ce qu’il peut entendre à la télévision ou dans la presse écrite, car elle est distillée non par des journalistes mais par des experts du club en question.

Ensuite, le web sert à mettre en réseau les supporteurs. D’une part, les supporteurs d’une même équipe lieront ainsi des liens sur la toile et passeront le cas échéant du virtuel au réel, en se rencontrant lors de déplacements ou en organisant des rencontres autour d’un match de football, par exemple. D’autre part, Internet permet à des supporteurs d’équipes adverses de discuter. Certes, auparavant, sur son lieu de travail, ou à l’école, un fan du PSG pouvait dialoguer avec un fan de l’OM. Mais avec Internet, l’espace de confrontation à l’autre est étendu. Cette confrontation peut sans doute se construire sur des conflits ou des injures, mais le simple fait qu’elle existe est relativement nouveau et favorise la connaissance de l’autre, de l’adversaire.

Enfin, les associations de supporteurs utilisent Internet pour mettre en scène leurs activités, transmettre des informations, valoriser leurs déplacements ou tout simplement construire leur image.


Internet modifie-t-il la façon de supporter son équipe ?

Si la télévision reste le support principal de construction identitaire en faveur d’une équipe, Internet permet d’être mieux informé sur la réalité d’un club qu’autrefois. Avant, par exemple, si vous habitiez à Lille et supportiez l’Olympique de Marseille, vous ne disposiez que d’une vision étriquée du club, centrée sur son aspect purement sportif, à travers les reportages télé ou les articles de presse écrite.

Avec Internet, le supporteur va pouvoir appréhender la vie des tribunes du club, et toutes les subtilités de cet univers. Le supporteur aura donc une vision plus fine et plus précise de la réalité du club qu’il aime.

Mais les supporteurs ne risquent-ils pas de devenir uniquement passifs derrière leur écran ?

Je ne crois pas. D’une manière un peu curieuse, Internet favorise chez les internautes l’envie d’aller plus loin, de prolonger les échanges et de se rencontrer. Internet ne marque pas forcément un repli sur la sphère privée. De ce que j’ai pu voir, il développe au contraire l’envie de sortir, de nouer des relations de sociabilité, notamment avec d’autres supporteurs qui vivent dans une sphère géographique relativement proche.

Internet ne favorise-t-il pas la volatilité des supporters ? Ils supporteront Lyon quand le club est en tête du championnat, puis Marseille, puis Lille, selon les bons résultats du moment de ces équipes ?

Ce mécanisme existe, mais il existait bien avant Internet. Je ne crois pas qu’Internet renforce ce type de comportements.

Et ces supporteurs internautes, on les retrouve dans les stades ou ils se contentent de faire la ola dans leur salon ?

La majeure partie de ces supporteurs ne viennent pas au stade. Mais il existe plein de paramètres qui entrent en jeu pour expliquer cela : le prix des places, l’éloignement géographique, la nécessité d’être abonné pour avoir accès à des places, etc.

Mais alors, peut-on les considérer comme de « vrais » supporteurs ?

Je ne porte pas de jugement normatif. La définition du supporteur fait l’objet de très nombreux débats, souvent enflammés au sein des supporteurs eux-mêmes. La définition dominante c’est qu’un supporteur défend une équipe, vient régulièrement au stade pour la soutenir et « donne de sa personne » en étant si possible investi dans une association. Je ne prétends pas qu’il s’agit là de la définition ultime du supporteur : on peut tout à fait se considérer comme supporteur en restant chez soi et en regardant la télévision.

Toutefois, il est certain que le supporteur internaute sera exposé au fil de sa pratique à ce type de railleries. Sur de nombreux forums de discussion consacrés au football, c’est même le contre-argument ultime quand un supporteur est agacé par les commentaires d’un autre : celui qui va régulièrement au stade reprochera à son opposant de suivre le club uniquement depuis son écran et décrédibilisera ainsi la valeur de sa parole.

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Quelques chiffres :

  • A ce jour, 1 014 482 internautes sont "abonnés" à la page officielle Facebook de l'OM, devant le PSG (484 413), l'Olympique Lyonnais (228 113) et les FC Girondins de Bordeaux (195 264).
  • Le site de l'OM est le 7è site de club de football le plus visité d'Europe, derrière le Real Madrid, le FC Barcelone, Manchester United, avec pour l'OM 16,1 millions de visiteurs uniques par an.
  • Selon les ventes de billets électroniques, 85 départements étaient représentés en moyenne au Stade Vélodrome de Marseille lors de la saison 2007-2008.

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