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Fléau : Peut-on lutter efficacement 
contre la piraterie maritime ?
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A l'abordage !

La piraterie est un fléau croissant qui coûte chaque année des fortunes aux Etats et aux armateurs, sans parler des risques de pertes humaines. Malgré une batterie de solutions proposées aux navigants, rien ne semble permettre une navigation exempte de dangers.

Olivier d'Auzon

Olivier d'Auzon

Olivier d'Auzon est juriste consultant auprès de la Banque africaine pour le développement, de la banque mondiale et de l'Union européenne.

Il est l'auteur de L'Afrique des nouvelles convoitises (Ellipses / septembre 2011).

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Pour réduire le risque de piraterie maritime, la Communauté internationale, les Etats et les sociétés privées ont proposé des réponses variées.

Depuis quelques années, les normes internationales (ISPS) imposent aux bateaux des moyens de sécurité - sûreté supplémentaires (AIS, SSA …) et à prendre des dispositions pour diminuer leurs vulnérabilités et améliorer leur protection (zones d’accès restreintes, évaluation et plan de sûreté du navire, exercices et formation sûreté des équipages, désignation de responsables qualifiés (SSO , CSO).

Malgré quelques succès, les limites politiques, opérationnelles, juridiques et matérielles des moyens militaires de la force internationale anti piraterie (Mission « Atalanta ») sont démontrées tous les jours par la poursuite des prises de navires par les pirates.

Le recours aux sociétés privées

La présence de personnels armés à bord des navires de commerce apparaît-elle comme une protection fiable à 100% ?

Toute efficace qu’elle soit, elle a toujours un coût et demeure limitée à des cas bien particuliers. Par ailleurs, elle est déconseillée par l’Organisation Maritime Internationale qui craint une escalade de la violence.

S’agissant de militaires en service, elle n’est accordée que dans un petit nombre de cas très particuliers (matériels très sensibles, navires et cargaisons stratégiques…).

S’agissant des services des sociétés privées proposant personnel ou escortes armés, leurs garanties de résultat sont limitées par les contraintes légales de toutes sortes (régime juridique de l’Etat du pavillon, des eaux territoriales traversées, droit international, règles d’engagement des armes…), et des risques de dérapages existent. Ainsi en 2010, le MSC Melody, en transit au large de la corne d'Afrique, avait repoussé une attaque. Mais les échanges de feu avait fait deux blessés à bord du paquebot, dont un passager.

De fait, d’une manière générale, les armateurs et les assurances étaient jusqu’à récemment assez réticents à les solliciter.

Mais aujourd’hui, les armateurs français, à l'image de CMA CGM,  passent aux gardes armés (comme bon nombre de leurs homologues étrangers), pour assurer la sécurité de leurs navires dans les zones infestées par la piraterie.

Et depuis 2011, CMA CGM emploie des gardes armés sur une demi-douzaine de ses porte-conteneurs (qui ne sont pas armés sous pavillon français).

Par ailleurs, les contremesures matérielles sont actuellement d’une efficacité très relative : barbelés sur les francs bords, mais qui se révèlent dangereux à manipuler et difficiles à installer, des lances à eaux et autres moyens dirigés mais qui exposent leurs servants à devenir des cibles, « citadelles » et blindage de protection inefficaces contre des grenades à charges creuses ou l’incendie volontaire.

Mais la meilleure protection n’est-elle pas le haut bord associée à une vitesse supérieure à 15 noeuds et une mer formée (supérieure à force 3 beaufort) ?   

Dans ce contexte, on soulignera volontiers  que les plus grands porte-conteneurs, ceux qui transportent 14 000 boîtes, mesurent plus de 300 mètres de long et 50 mètres de large. Les critères de vulnérabilité sont d’une part la vitesse  et d’autre part la hauteur du franc-bord, c’est-à-dire la distance entre  la ligne de flottaison et le pont principal.

Pour autant, Il faut continuer à lutter contre la piraterie.

Il n'y a pas d’autre choix, il faut lutter résolument contre la piraterie pour assurer la sûreté de la navigation. Elle est une véritable gangrène qui met en péril la vie des marins, qui entrave la liberté des échanges désormais Indispensables au bon fonctionnement de notre planète.

Les grandes nations doivent montrer leur détermination, faute de quoi l'impunité des pirates pourrait susciter ailleurs d'autres vocations.

Si les pirates sont des gueux en haillons, il ne faut pas lire que le combat est facile, il est au contraire complexe.

Les problèmes sont en mer, les solutions à terre

La pêche illégale et le déversement de déchets toxiques sont souvent présentés comme un élément déclencheur de la résurgence de la piraterie à partir de 2005.

La piraterie est l’une des conséquences de 20 ans de crise politique en Somalie. La lutte contre ce phénomène qui coûte chaque année entre 3,5 et 8 milliards de dollars aux armateurs du monde entier passe avant tout par une approche politique, et non  pas seulement par une solution militaire.

Pour mémoire, depuis la chute du gouvernement de Siad Barre en 1991 la Somalie est en proie à un profond chaos. L’anarchie des seigneurs de la guerre a nécessité l’intervention des Nations unies de 1992 à 1995.

De fait, le meilleur moyen de se débarrasser de la piraterie dans le golfe d'Aden est d'avoir un gouvernement somalien stable.

Les succès rencontrés dans le détroit de Malacca ont aussi des raisons géopolitiques. Le déclin de la piraterie maritime ces derniers temps correspond à une relative période de stabilité des relations internationales dans la région, et un renforcement de l'autorité étatique, avec des régimes qui se consolident, comme en Indonésie ou au Bangladesh.

Quand l'État est fort, la piraterie ne prospère pas. Il y a là un axe d'effort pour les Nations unies, mais aussi pour les pays qui sont en mesure de proposer un modèle administratif robuste, pas obligatoirement centralisé, mais qui confie la force publique aux représentants déconcentrés de l'État.

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