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Finances publiques : radioscopie de ce qui attend le prochain premier ministre… quel qu’il soit
©JOEL SAGET / AFP

Mission délicate

L’agence de notation américaine Standard & Poor’s a ramené de AA à AA − la note de la dette française. Au regard des prévisions du FMI pour le déficit public en 2027 qui sera “nettement supérieur” aux prévisions du gouvernement, à quoi le prochain premier ministre peut-il s'attendre ?

Jean-Philippe Delsol

Jean-Philippe Delsol

Jean-Philippe Delsol est avocat, essayiste et président de l’IREF, l'Institut de Recherches Economiques et Fiscale. Il est l'auteur de Civilisation et libre arbitre, (Desclée de Brouwer, 2022).

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Atlantico : Après la dégradation de la note de la France et au regard des prévisions du FMI pour le déficit public en 2027 qui sera “nettement supérieur” aux prévisions du gouvernement, quelle est la situation des finances publiques du pays ?

Jean-Philippe Delsol : La situation économique est catastrophique puisqu’au lieu de 4,9 % prévus, le déficit public pour 2023 atteint 5,5% du produit intérieur brut (PIB) après 4,8% en 2022 et 6,6% en 2021. Selon le projet de loi de finances 2024, le besoin prévisionnel de financement de l'État devait atteindre près de 300 Md€ en 2024. Il sera supérieur eu égard à la dégradation des résultats. L’abaissement de la note financière de la France et l’augmentation de ses besoins alourdira la charge des intérêts déjà prévus à 52,2 Md€ dans le budget 2024, soit plus que le budget des armées (47,2 milliards d'euros).

Plus un pays est endetté, moins il a de capacité d’investissement. Plus le coût des intérêts de sa dette est important moins il a de moyens pour répondre à ses missions. Selon l'OCDE, les dépenses sociales représentaient, en 2022, 31,6 % du PIB français contre 21,1% en moyenne pour l'ensemble des pays de l'OCDE. Croulant sous les dépenses sociales, la France n’a plus les moyens d’assurer ses dépenses régaliennes : justice et sécurité intérieure et extérieure qui comptent seulement pour 6% du PIB. Et c’est aussi ce qui a fait le jeu du RN.

Depuis le début de son premier mandat, en 2017, M Macron et son ministre de l’économie, M Le Maire, se sont montrés incapables de maîtriser les dépenses publiques. Ils ont justifié une hausse considérable de déficit par la Covid, mais une fois la Covid passée, ils ont maintenu les mêmes niveaux, insoutenables durablement, de dépense (au-delà de 55% du PIB) et de déficit. Ils ont été incapables de faire des réformes structurelles. Leur seule réforme importante, celle des retraites, n’a été que programmatique lorsqu’il aurait fallu qu’elle soit aussi structurelle avec un passage progressif à la capitalisation et en plus elle a été accompagnée de tant de concessions et marchandages syndicaux et corporatistes qu’in fine les économies réalisées sont marginales.

En quoi la situation politique et l’incertitude liée à la dissolution pourraient-ils nuire à l’état des finances publiques et à la situation économique du pays ? En cas de succès du RN, les marchés financiers et les conséquences économiques risquent-elles de fragiliser encore un peu plus la réalité financière de l’Hexagone sur les finances publiques ?

Si le RN parvient à réunir une majorité au Palais Bourbon, il aura très peu de marges de manœuvre du fait de la situation économique désastreuse de la France. Pour autant Macron se leurre peut-être en pensant que le RN rencontrera très vite les mêmes difficultés que celles du gouvernement de Mitterrand après 1981. D’ores et déjà il apparaît que le RN est prêt à mettre en sourdine certaines de ses promesses irréalistes et extrêmement coûteuses comme celle d’abaisser l’âge de la retraite. Par ailleurs il imagine des moyens économiques de tenir d’autres promesses comme celle de l’augmentation de 10% des salaires qui se traduirait par une exonération, peu coûteuse, de cotisations sociales sur les augmentations de salaires réalisées dans un certain délai et dans la limite de 10%. Il taxera ceux que personne n’aime : les riches, les énergéticiens, Amazon et autres GAFA.  Il focalisera l’attention et ses décisions sur des sujets peu onéreux voire profitables, notamment en matière d’immigration. Enfin, il organisera sur ces sujets sensibles des referendums pour outrepasser le barrage du Conseil constitutionnel et animer le débat d’opinion à son profit. Certes, le RN fera sans doute face à des contestations qui pourraient être violentes, mais il aura une certaine légitimité électorale à s’y opposer. Sa politique sera mauvaise pour la France à long terme, mais il gagnera du temps. 



En quoi Emmanuel Macron est-il dans le déni sur l’état des services publics et des finances publiques ? 

Oui, comme beaucoup de politiques, il ne voit que ses succès. Il a surtout pensé à tort qu’il pouvait résoudre les problème en déversant de l’argent public dans l’éducation nationale, dans les banlieues, dans les Jeux Olympiques… Il a multiplié les gadgets pour payer les serviettes périodiques des jeunes femmes et les réparations des appareils ménagers et des vêtements ! Il a courageusement créé une flat tax à 30% sur les revenus financiers, mais il a affaibli l’immobilier en maintenant sur lui un impôt sur la fortune. Il a été obsédé par l’action de l’Etat plus que par le souci de libérer les acteurs de l’économie des carcans administratifs, fiscaux et sociaux dont ils souffrent, ce qui a grippé la dynamique de la croissance sur laquelle il comptait pour financer ses dépenses.

M Macron a-t-il voulu profiter de son échec électoral européen pour fuir ses responsabilités et les faire endosser à ceux qui prendront les rennes du prochain gouvernement ? Il a peut-être eu tort de minimiser son adversaire. Au demeurant, c’est manifestement une attitude bien peu glorieuse de la part du président de la République, même si elle ne peut décevoir que ceux qui gardaient encore des illusions, la plupart de ses supporters en ayant déjà fait leur deuil. Il n’est d’ailleurs pas le seul à faire état d’un comportement politique plus que décevant, sinon lamentable. La droite LR a elle-même manqué totalement de force de proposition. Elle a couru derrière le RN et a cru pouvoir gagner des voix en s’opposant, avec les communistes, au traité CETA de libre-échange avec le Canada ou en appelant à toujours plus de protection des agriculteurs qui ont besoin de liberté. 

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