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La Commission européenne à Bruxelles
La Commission européenne à Bruxelles
©EMMANUEL DUNAND / AFP

Un pour tous ?

Après plusieurs mois de conflit en Ukraine et face aux conséquences des sanctions en Europe, l'Union risque-t-elle de vaciller ?

Guillaume Klossa

Guillaume Klossa

Penseur et acteur du projet européen, dirigeant et essayiste, Guillaume Klossa a fondé le think tank européen EuropaNova, le programme des « European Young Leaders » et dirigé l’Union européenne de Radiotélévision / eurovision. Proche du président Juncker, il a été conseiller spécial chargé de l’intelligence artificielle du vice-président Commission européenne Andrus Ansip après avoir été conseiller de Jean-Pierre Jouyet durant la dernière présidence française de l’Union européenne et sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe (Conseil européen) pendant la dernière grande crise économique et financière. Il est coprésident du mouvement civique transnational Civico Europa à l’origine de l’appel du 9 mai 2016 pour une Renaissance européenne et de la consultation WeEuropeans (38 millions de citoyens touchés dans 27 pays et en 25 langues). Il enseigne ou a enseigné à Sciences-Po Paris, au Collège d’Europe, à HEC et à l’ENA.

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On a souligné l’unité, la rapidité et la puissance de la réponse européenne à la guerre en Ukraine. Six mois après le début du conflit, cette unité et le moment sont-ils en train de s’étioler ? 

Ce qu’on observe depuis 2016, c’est que l’Union européenne fait face à des crises qui questionnent son unité et sa solidarité. Chacune de ses crises s’inscrit dans la durée, la crise du Brexit, celle du Covid et maintenant la crise ukrainienne, avec en outre un risque  de crise économique et sociale. Ces crises sont à chaque fois l’occasion de moments de solidarité et de tensions qui peuvent mettre en péril l’unité européenne et sa cohésion. Néanmoins, l’expérience des dernières crises montrent que les européens ont toujours trouvé des sorties par le haut à ces crises souvent après des tâtonnements. Deuxièmement, l’Union européenne n’a pas été pensée pour faire face à un continuum de crises. Donc ses institutions et politiques doivent être adaptées, ajustées au monde dans lequel elles évoluent et qui n’est pas celui dans lequel elles ont été pensées depuis le lendemain de la 2eme guerre mondiale. Cela appelle à concevoir une solidarité européenne qui ne soit pas seulement réactive, dans un monde de crise, mais qui puisse avoir une dimension de planification. Cela suppose sans doute une révision des traités. Les Européens, sous présidence française, ont établi une boussole stratégique des grands risques auxquels ils doivent faire face. La logique voudrait qu’ils se donnent les moyens, dans tous les sens du terme - politiques, humains, militaires, financiers …-, d’y répondre. L'Union européenne doit changer d’époque. Les crises ont montré que tous les pays de l’Union pouvaient tour à tour se trouver dans le besoin de solidarité : la crise de la zone euro pour l’Europe du sud, la crise du Brexit et du Covid pour tous les états membres, la guerre en Ukraine pour l’Europe de l’est, la crise énergétique pour les pays du nord et notamment l’Allemagne.  

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Avec les armes dont elle dispose, la Russie peut-elle réussir à désunir l’Europe ? 

La Russie tente depuis 15 ans de désunir l’Europe. Elle a entretenu longtemps des relations privilégiées avec la France, l’Allemagne, la Grèce, l'Italie et la Hongrie… Et elle a toujours essayé de tirer parti des relations d’interdépendance . Cela a fonctionné en période de paix, mais cela ne peut plus fonctionner dans une période de guerre durable et de raidissement du régime Russe. Donc l’Europe peut tenir, si elle réussit à penser sa solidarité de manière plus systémique et plus anticipative. C’est dans cette perspective que s’inscrit l’accord énergétique du 26 juillet. C'est un accord important, même s’il est incomplet et imparfait. Il montre la voie à suivre. Généralement, les Européens avancent par séries d’accords qui se succèdent, cet accord n’est qu’une étape.

On a beaucoup entendu parler de la possible implication russe dans l’échec du gouvernement Draghi en Italie. Faut-il craindre un retour du populisme nourri par la Russie ? 

Il est certain que les Russes et d’autres essaient depuis une décennie de déstabiliser l’Europe via les réseaux sociaux, via certains partis politiques, certaines organisations ou associations. Il y a une volonté de fragiliser l’Union et son modèle démocratique qui s’exerce avec l’objectif de favoriser le populisme pro-Kremlin. Mais dans la durée, l’Europe a plutôt mieux réussi à maintenir l’unité de ses sociétés que les Etats-Unis qui sont beaucoup plus fragmentés et divisés. C'est évidemment une menace permanente qui demande une vigilance permanente. 

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Le grand défi sera énergétique et probablement alimentaire en Europe. L'Union européenne a-t-elle les moyens, actuellement, de le relever ?  

En 2015, on parlait de polycrise européenne. Nous y sommes toujours. La nature de cette dernière évolue. Jusque-là, l’Europe trouve des solutions. En 2012, c’était le Whatever it takes de Mario Draghi qui a permis d’éviter l’implosion de la zone euro. Globalement, ce sont jusqu’à maintenant des succès à l’exception du Brexit, mais pouvait-il en être autrement pour un pays qui a commencé à débattre de sa sortie de l’Union dès le jour où il y est rentré. L’Union va devoir faire des efforts incontestables de solidarité et de créativité à la rentrée, sur l’énergie, sur l’alimentaire, sur l’inflation.  

Tous les pays européens ne sont pas au diapason sur la manière de traiter Poutine et de négocier la fin du conflit. On se souvient des mots d’Emmanuel Macron estimant qu’il ne faut pas humilier et de postures bien plus dures en Europe de l’Est. Cela pourrait-il fractionner l’Europe ? Notamment en cas de négociations pour mettre fin au conflit ? 

Je pense que les divisions se sont beaucoup estompées au fur et à mesure du conflit.  Il y a aujourd’hui une convergence et une compréhension commune de la menace actuelle, ce qui n’était pas le cas au début. Sur ce point, les choses ont beaucoup changé. Les Français ou les Italiens ont fait un pas envers les pays baltes et d’Europe de l’Est. Cela demande du temps et de la pédagogie vis-à-vis des opinions publiques. Certains pays, qui avaient des relations très imbriquées avec la Russie, avaient un long chemin à parcourir. Certains en ont encore, mais tout cela va dans le bon sens. 

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